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N° 3724

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la création d’une aide individuelle à l’émancipation solidaire,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Boris VALLAUD, Hervé SAULIGNAC Valérie RABAULT et les membres du groupe Socialistes (1) et apparentés (2),

députés.

 

 

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Marie‑Noëlle Battistel, Gisèle Biémouret, Jean‑Louis Bricout, Alain David, Laurence Dumont, Olivier Faure, Guillaume Garot, David Habib, Chantal Jourdan, Marietta Karamanli, Jérôme Lambert, Gérard Leseul, Philippe Naillet, George Pau‑Langevin, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur‑Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory.

(2) Mesdames et Messieurs : Christian Hutin, Régis Juanico, Serge Letchimy, Josette Manin


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les inégalités sont de retour. Après un petit siècle de recul historique, inégalités de revenus et inégalités de patrimoines progressent à nouveau depuis les années 1980, désormais jusqu’à l’insoutenable. Les travaux universitaires s’additionnent aux rapports des ONG pour en décrire l’ampleur et en souligner les graves conséquences. Elles sapent la cohésion de nos sociétés, ébranlent nos modèles sociaux, disqualifient les démocraties comme la promesse républicaine d’égalité. Elles érodent même la croissance, elles aggravent tous les maux d’une société, elles nuisent à tous et à tout.

Le rapport 2018 sur les inégalités mondiales relève qu’au niveau mondial (représenté par la Chine, l’Europe et les États‑Unis), la part des revenus des 1 % les plus riches dans le revenu global est passée de 28 % en 1980 à 33 % aujourd’hui, alors que la part des 75 % les plus pauvres oscillait autour de 10 %. Il apparaît que le patrimoine est significativement plus concentré encore que les revenus. Les 10 % les plus riches possèdent plus de 70 % du patrimoine, alors que les 50 % les moins riches en possèdent moins de 2 %. Le reste allant aux 40 % de la population intermédiaire considérée comme la classe moyenne. Ce rapport relève que si la tendance actuelle en matière d’inégalités de patrimoine devait se prolonger, les 0,1 % les plus riches posséderont plus de patrimoine que toute la classe moyenne en 2050.

Sur ces bases, le rapport alerte sur le fait que « des évolutions relativement minimes, par exemple des inégalités d’épargne ou de rendement du capital, peuvent avoir des répercussions considérables sur les inégalités de patrimoine à long terme. (…) [Ainsi] dans l’hypothèse où les taux d’épargne de la période 1984 – 2014 se maintiendraient, de même que les écarts de taux de rendement et de revenus d’activité, la part de patrimoine détenue par les 10 % les plus riches remonterait progressivement (d’ici la fin du siècle) aux niveaux observés au XIXe siècle et au début du XXe siècle, c’estàdire environ 8 5% ». Ainsi le XXIème siècle est engagé, à ce jour, dans un grand retour en arrière s’agissant des inégalités.

Cette régression se retrouve mécaniquement dans l’évolution des montants transmis chaque année. Et cela alors que l’augmentation plus rapide des patrimoines que des salaires depuis vingt ans se couple aux évolutions démographiques de notre société.

En France, depuis les années 1980, les inégalités de salaires comme de patrimoines, après soixante années de baisse, progressent de nouveau. En 2019, selon l’observatoire des inégalités, les 10% les mieux payés ont gagné 6,7 fois plus que les 10 % les moins bien payés.

Contrairement à une idée reçue, la transmission des patrimoines est très faiblement taxée (à peine 5 % en moyenne), et accompagne un creusement abyssal des inégalités (33 % des héritiers héritent de moins de 8 000 €, 28 % de 8 000 € à moins de 30 000 €, 23,4 % de 30 000 € à moins de 100 000 € et 15 % de plus de 100 000 €). Ainsi les héritages renforcent les inégalités de revenus existant au sein même d’une génération. Cette situation accentue la reproduction sociale, la ségrégation et même une forme de sécession des élites et le fait que les situations sociales soient de plus en plus déterminées par des héritages, des rentes transmises de génération en génération.

Nous avons laissé prospérer d’insondables inégalités au cœur de nos sociétés, qui viennent désormais saper l’idéal républicain d’égalité, comme une promesse non tenue.

Alors que les révolutions du XVIIIe siècle avaient fait de l’égalité l’une de leurs boussoles, celle‑ci s’érode sous les coups de boutoir du libéralisme qui prétend lutter contre les injustices plutôt que contre les inégalités, mais qui abandonne en réalité les plus pauvres à ce qu’il prétend être leur destin de perdant.

Alors que la progression des inégalités est connue, documentée, beaucoup de nos comportements individuels et de nos choix collectifs semblent attester de ce que François Dubet nomme « la préférence pour l’inégalité ». Il rappelle par ailleurs qu’il faut une conception forte de la fraternité pour rendre possible l’égalité sociale. Or la conception communautaire de la nation, qui sous‑tend le principe de fraternité, a explosé sous les coups de mutations profondes. Les mutations économiques dans le cadre de la mondialisation. Les mutations politiques qui ont affaibli l’État souverain dans ses frontières. Et une mutation de notre imaginaire collectif au profit d’une société fragmentée.

C’est à la reprise de cette lutte pour l’égalité qu’entendent participer les propositions d’un revenu de base inconditionnel et d’une dotation universelle.

Le dispositif du revenu de base inconditionnel vise à assurer à toute personne majeure un minimum de 564 € mensuel versé automatiquement en lieu et place du revenu de solidarité active (RSA) et de la prime d’activité, de manière dégressive en fonction des revenus de la personne pour garder une réelle incitation au travail, et de manière inconditionnelle pour permettre aux travailleurs sociaux de déconcentrer leurs interventions sur l’accompagnement et non le contrôle des personnes.

Alors que les inégalités de patrimoines s’accroissent plus fortement encore que les inégalités de revenus, pour que démarrer dans la vie ne soit pas le privilège de quelques‑uns, le deuxième dispositif proposé par la présente proposition de loi ouvre le compte personnel d’activité (CPA) de toute personne à ses 18 ans avec un crédit de 5 000 €, qui peut être librement utilisé pour des projets de formation, de mobilité ou d’entrepreneuriat.

Le revenu de base inconditionnel et la dotation universelle sont financés par une fiscalité plus juste des hauts patrimoines, hauts revenus et multinationales. Ils viennent soutenir plus particulièrement la jeunesse et les individus qui bénéficient aujourd’hui des minima sociaux.

La jeunesse est, dans son ensemble et en son sein même, la population la plus marquée par les inégalités. En quelques décennies, les conditions d’entrée dans la vie « adulte » des jeunes se sont fortement dégradées. Et les inégalités entre jeunes ont elles‑mêmes explosées.

Singulière entrée dans la vie adulte que celle qui commence par vous accueillir dans la majorité pénale, avant même la majorité civique et qui ne vous reconnaît une majorité sociale qu’à 25 ans, vous abandonnant jusque‑là à la solidarité familiale, source d’inégalités considérables, plutôt qu’aux bons soins de la solidarité nationale.

Les jeunes de 18 à 25 ans connaissent un taux de chômage plus que double par rapport à la moyenne. Le rapport de janvier 2017 de France Stratégie élaboré en concertation avec les organisations syndicales et la DARES, indique que les jeunes sont les plus à la peine en matière d’emploi et subissent un « sur chômage » persistant qui les suit sur plus d’une dizaine d’années après leur entrée dans la vie active. Le taux de chômage des jeunes français a été multiplié par 3,5 ces quarante dernières années et leur taux d’activité est inférieur de 4,5 points à la moyenne européenne.

Les jeunes font également face à un coût du logement de plus en plus important dans leur budget total. Dans l’édition 2017 des Conditions de logement en France, l’INSEE observe une augmentation de 38 % des loyers entre le premier trimestre 2000 et le troisième trimestre 2016. Une évolution des prix dont les étudiants sont tributaires : seulement 175 000 logements CROUS étaient disponibles en 2018. C’est à peine le quart des 701 381 étudiants éligibles aux bourses versées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Leur niveau de vie moyen est même inférieur à celui des moins de 18 ans, de même ; leur patrimoine à moins de 30 ans est en moyenne inférieur de 75 % aux 30‑39 ans, deuxième tranche d’âge la moins bien dotée.

L’OCDE démontre par ailleurs que les moins de 25 ans connaissent un taux de pauvreté trois fois supérieur à celui des plus de 60 ans (données OCDE 2013).

Ainsi, dans un pays marqué par une très forte surdétermination du déroulé de la carrière professionnelle par les premiers emplois, et ceux‑ci par les diplômes, démarrer dans la vie finit par n’être le privilège que de quelques‑uns. Et celles et ceux qui n’ont pu se former comme ils l’espéraient, qui ont connu une entrée difficile dans la vie active, le paient toute leur vie et sont pour beaucoup celles et ceux qui plus tard auront recours aux minimas sociaux.

Beaucoup d’observateurs mettent en regard le faible niveau de vie des jeunes et la faiblesse des transferts sociaux dont ils bénéficient. La particularité française « est que les transferts [sociaux] bénéficient aux familles plus que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE. […] La part destinée aux jeunes adultes est […] particulièrement modeste. Ainsi, un jeune de 18 à 25 ans ayant de faibles revenus et ne vivant plus chez ses parents reçoit une aide égale à la moitié de celle perçue par la moyenne de la population. ». Et la part consacrée aux 18‑25 ans dans l’ensemble des dépenses publiques a baissé de 1,7 % sur les 15 dernières années, alors qu’elle a augmenté de 22 % pour les seniors.

En 2015, d’après les données calculées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) à partir de l’exploitation de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), 16,1 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans se trouvent en dessous du seuil de pauvreté, contre un taux moyen de 7,2 % pour les 25‑64 ans.

Pourtant, les jeunes font face à une quasi‑exclusion de l’éligibilité au RSA. Comme autrefois le RMI, l’accès au RSA est soumis à une condition d’âge spécifique : être âgé 25 ans ou plus. Deux situations permettent toutefois de bénéficier du RSA avant l’âge de 25 ans, la parentalité ou l’attente d’un enfant, ce qui est le cas de près de 155 000 jeunes. Les conditions pour bénéficier de ce RSA « jeune actif » sont particulièrement strictes, puisqu’il faut justifier de deux ans d’activité en équivalent temps plein au cours des trois années qui précèdent la demande, soit 3 214 heures d’activité.

Au 31 décembre 2016, seulement 1 300 foyers bénéficient de ce dispositif en France. Après une phase de montée en charge jusqu’en 2012 (3 300 foyers fin 2012), le nombre de foyers bénéficiaires du RSA « jeunes actifs » n’a cessé de diminuer depuis.

D’autres dispositifs permettent de soutenir le revenu et l’activité des jeunes. C’est le cas du fonds d’aide aux jeunes (FAJ), une aide de dernier recours octroyée par les conseils départementaux aux jeunes de 18 à 25 ans en situation de grande difficulté sociale ou professionnelle, mais aussi de la Garantie jeunes, qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation et qui se trouvent en situation de précarité. D’autres dispositifs d’accompagnement assortis de soutiens financiers ont également été créés au cours des dix dernières années : les contrats d’autonomie de la politique de la ville, le revenu contractualisé d’autonomie (RCA) ou encore les contrats d’insertion dans la vie sociale (CIVIS).

Pourtant, les jeunes ne sont pas les seuls à subir les inégalités persistantes ou à connaitre des situations de pauvreté, en témoigne les 11 % de la population bénéficiant des minima sociaux.

Le montant des prestations sociales visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion s’élèvent à 26,2 milliards d’euros en 2016 selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) présentées dans son Panorama des minima sociaux et prestations sociales de 2018. Ces prestations sont complétées par les aides au logement (18 milliards d’euros) et les prestations familiales (54 milliards d’euros), qui représentent une part importante des ressources des familles modestes.

Il n’existe pas moins de dix minima sociaux en France, qui bénéficient à 4,15 millions de personnes à la fin de l’année 2016. En prenant en compte les conjoints et les enfants des allocataires, ils concernent 7,4 millions de personnes, soit 11 % de la population française.

Le premier de ces minima sociaux, le RSA bénéficie en septembre 2018 à 1,82 million de foyers (3,8 millions de personnes), soit 5,7 % de la population. Le RSA, qui a succédé au revenu minimum d’insertion (RMI) le 1er juin 2009, comportait entre 2009 et 2015 un volet « minimum social », le RSA socle, et un volet « complément de revenus d’activité », le RSA activité. Depuis le 1er janvier 2016, la prime pour l’emploi (PPE) et le RSA activité sont remplacés par la prime d’activité.

Il existe neuf autres minima sociaux : l’allocation de solidarité spécifique (ASS), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), l’allocation pour les demandeurs d’asile (ADA), l’allocation transitoire d’attente (ATA), la prime transitoire de solidarité (PTS), le revenu de solidarité Outre‑mer (RSO), et l’allocation veuvage (AV).

À côté de ces minima sociaux, la prime d’activité constitue un complément de revenus d’activité s’adressant aux travailleurs aux revenus modestes, salariés ou non, dès l’âge de 18 ans. Instituée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, cette prime a remplacé le RSA activité et la prime pour l’emploi (PPE) depuis le 1er janvier 2016. En juin 2018, 2,66 millions de foyers en bénéficient. Avec les conjoints et les enfants à charge, 5,43 millions de personnes sont couvertes par la prime d’activité, soit 7,8 % de la population française.

Les aides dont bénéficient les plus modestes ne permettent pas d’agir efficacement sur la pauvreté. Les minima sociaux ciblent particulièrement les personnes aux faibles revenus. Ainsi, d’après la DREES, 65 % du montant total des minima sociaux est distribué aux 10 % des personnes les plus pauvres avant redistribution en 2015.

Pourtant, ni les minima sociaux, ni les aides aux bas revenus ne permettent de résorber la pauvreté. En 2015, 14,2 % de la population de France métropolitaine, soit 8,9 millions de personnes, vit sous le seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du niveau de vie médian, ce qui correspond à un revenu disponible du ménage inférieur à 1 015 € par mois et par unité de consommation. La moitié de ces personnes vivent avec moins de 815 € par mois. Parmi celles‑ci, figurent des demandeurs d’emploi mais également des travailleurs (temps partiels, saisonniers, agriculteurs, commerçants…).

Ces inégalités et le phénomène de non recours aux droits mettent au défi la démocratie. Les inégalités ne sont pas d’abord des infractions à un repère théorique. Elles sont concrètement, tous les jours, des obstacles, des empêchements, des injustices, pour celles et ceux qui les subissent.

Le non‑recours aux minima sociaux a été véritablement mis en évidence dans le cadre de la préparation du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, lancé en 2013 par la précédente majorité. Comme le note M. Christophe Sirugue dans son rapport d’avril 2016 sur les minima sociaux, la lutte contre ce phénomène a depuis pris une importance considérable parmi les objectifs assignés aux politiques sociales. C’est par exemple l’ampleur du non‑recours au RSA activité qui a pour partie justifié la suppression de ce dispositif et a permis d’aboutir à la création de la prime d’activité en 2016. En effet, la réforme des dispositifs peut avoir un effet majeur sur le non‑recours. S’il existe peu de mesures du non‑recours aux prestations sociales en France, selon la DREES, le non‑recours atteint 36 % pour le RSA et 27 % pour la prime d’activité en 2016.

Dès lors, il est nécessaire de reconstruire notre imaginaire égalitaire en agissant pour l’égalité réelle plutôt qu’en théorisant l’égalité des chances.

Si notre fiscalité contribue globalement à réduire les inégalités, sa progressivité doit être améliorée. Le taux d’imposition des 10 % les plus riches a crû de 1990 à 2013, et surtout entre 2012 et 2013, avant de se stabiliser jusqu’en 2017. L’intégration de certains revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu à partir de 2012 ainsi que la création de la tranche nouvelle d’impôt sur le revenu à 45 % ont contribué à faire passer le taux d’imposition des 10 % les plus riches à plus de 50 % et à diminuer la régressivité du système pour les 1 % les plus riches.

En réformant l’impôt de solidarité sur la fortune et la taxation sur le capital, le Président de la République a initié une baisse du taux effectif de taxation des 1 % les plus riches.

En plus des prélèvements obligatoires, la redistribution fiscale s’appuie sur un ensemble de transferts sociaux. Ces transferts représentent environ 4 % du revenu national. Les prestations sociales ont contribué à la réduction des inégalités de manière relativement stable depuis les années 1990. Elles sont avant tout perçues par les 50 % des individus les plus pauvres, dont elles représentent 7 % du revenu national moyen. Les 40 % suivants dans la pyramide des revenus disposent de 3,5 % du revenu national moyen sous forme de prestations, un chiffre qui tombe à 2,5 % pour les 10 % les plus riches. Le principal vecteur de la progressivité des transferts venant des allocations logement, puis des prestations sociales.

Nous pourrons noter, dans ces conditions, qu’il est d’abord difficile de partager le constat du Président de la République sur le fait que ces prestations coûteraient un « pognon de dingue », et d’autre part, en réduisant régulièrement les APL depuis son arrivée au pouvoir il affaiblit l’aide financière la plus redistributive et donc accroît directement les inégalités. Au sujet des APL, le ministère de la Transition écologique a récemment mis en ligne le rapport du compte du logement 2019 qui montre que le montant total des aides au logement, exprimé en pourcentage du PIB, est en 2019 le plus faible depuis 1984, à 1,58 % du PIB.

Ainsi, baisse des prestations sociales les plus redistributives, baisse de la taxation de la fortune et du capital, affaiblissement de très nombreuses politiques publiques concourant à limiter les inégalités primaires, le Président de la République ne pourrait pas s’y prendre mieux pour accroître toutes les formes d’inégalités !

Le contraire d’une société d’héritiers n’est pas une société de spoliation ou d’égalitarisme extrême, mais une société de transmissions. Depuis de nombreuses années notre débat public bruisse d’une « Crise de la transmission ». Les transmissions scolaires, la transmission des « valeurs », sont probablement les exemples les plus communs. Notre société n’assurerait plus un certain nombre de transmissions essentielles à sa pérennité. Un tel débat ne manque pas de désigner les jeunes, ou à tout le moins certains jeunes, comme réticents à ces transmissions.

Mais plutôt qu’à une non transmission, ce sont les transmissions collectives qui sont de moins en moins assurées, alors que les transmissions « privées », « familiales », se trouvent renforcées. La mixité scolaire est contournée allègrement par des stratégies résidentielles à la hauteur des moyens de chacun. Les années scolaires n’assurent pas une réduction mais au contraire concourent à accroître les inégalités culturelles. Le développement exponentiel du recours à des cours privés renforce cette dynamique. Le poids des réseaux sur un marché du travail dérégulé et très mouvant ne cesse de se renforcer, etc.

Ainsi n’allons‑nous pas vers une société dans laquelle chacun n’acquiert, en quelque sorte, que ce qu’il possède déjà, familialement parlant ?

Alors‑même que des tendances lourdes à l’individualisation des parcours, au creusement des écarts de revenus, à la progression des inégalités de patrimoines, sont à l’œuvre, nos institutions baissent toujours plus la garde quant à l’organisation de transmissions socialisées et, a contrario, font le jeu, accompagnent et accentuent la logique des héritages privés.

Pour faire face à ces défis, les députés du groupe Socialistes et apparentés proposent l’instauration d’une dotation universelle pour tous les jeunes à dix‑huit ans et d’un Revenu de base accessible dès 18 ans sous conditions de ressources.

Le titre 1er  présente les deux mesures constituant l’aide individuelle à l’émancipation solidaire.

L’article 1er  crée tout d’abord un revenu de base accessible dès 18 ans et versé automatiquement.

Il apparaît que la notion de revenu de base recouvre des courants de pensées et des réalités très différents. Pour la majorité de ses partisans, il constitue en réalité un revenu universel, versé à chaque individu et sans condition de ressources. À ce modèle de revenu de base, il est souvent opposé l’approche de soutien aux bas revenus sous la forme de prestations monétaires sous condition de ressources, et souvent conditionnelles à des caractéristiques spécifiques.

Le revenu de base proposé dans le cadre de la présente proposition de loi s’oppose à la fois à l’approche traditionnelle de prestations spécifiques sous conditions de ressources mais aussi à une autre approche qui consisterait en un revenu universel disponible pour tous, sans aucune condition de revenu. Il relève d’une approche combinée qui lui confère ambition et réalisme.

Un rapport de l’institut des politiques publiques, coécrit par cinq économistes reconnus et paru en juin 2018, présente une simulation de plusieurs modèles du revenu de base. Les travaux menés par les départements et les instituts de recherche, dont est issue la présente proposition de loi, ont abouti à retenir un scénario de réforme audacieux socialement et crédible scientifiquement. Tout d’abord, le texte proposé élargit la redistribution en faveur des bas revenus, en particulier grâce à l’ouverture du dispositif aux jeunes de 18 à 24 ans et à la résorption du non‑recours aux prestations sociales.

Deuxièmement, la démarche s’appuie sur la conviction que l’inconditionnalité est un humanisme. À l’inconditionnalité est souvent opposée la critique de l’assistanat et de la « trappe à inactivité », plusieurs études pourtant tendent à faire la démonstration que le bénéfice, collectif et individuel, global de l’inconditionnalité est positif.

La pauvreté a un coût. A contrario, la lutte contre la pauvreté présente un bénéfice avec des impacts positifs multiples sur la santé, la réussite scolaire, la recherche d’emploi, le niveau de délinquance… le bénéfice est individuel, mais aussi collectif. Si le coût social global de la pauvreté devait être calculé (démonstration faite, par exemple, en Grande Bretagne s’agissant de la pauvreté infantile), il n’est pas improbable qu’il soit supérieur au coût d’une politique publique de lutte contre la pauvreté.

Les situations d’extrême pauvreté rendent vaines les imprécations du style « aide‑toi toi‑même » et l’idée que les pauvres ne seraient pas incités à s’en sortir par eux‑mêmes du fait de dispositifs d’aide trop généreux ne tient pas. Les individus ne détiennent pas toujours par eux‑seuls la clef pour résoudre leurs difficultés. Souvent même les difficultés insondables du quotidien empêchent de se projeter et d’appréhender l’avenir. Seule une sortie de la pauvreté permet aux personnes de considérer le temps long et de réinvestir pour elles‑mêmes l’avenir comme un terrain de projet personnel et professionnel. Naturellement, une politique d’allocations, si elle est nécessaire, ne dispense pas d’une politique d’accompagnement social, ni même de la lutte contre la fraude dont personne ne conteste qu’elle existe et qu’elle sape la confiance. L’inconditionnalité cependant prend le parti raisonnable parce que fondé d’un bénéfice global positif.

En plus d’être une position de principe, l’inconditionnalité peut surtout être défendue au regard de son efficacité et de son absence d’effets pervers. Là où certains pourraient craindre une désincitation au retour vers l’emploi, l’expérimentation Finlandaise atteste du contraire. Le taux de retour à l’emploi des personnes ayant bénéficié d’un revenu de base inconditionnel ont eu sur la période d’expérimentation un taux de reprise d’emploi légèrement plus élevé que les personnes n’en n’ayant pas bénéficié.

Ainsi, l’idée selon laquelle il serait nécessaire de contrôler les bénéficiaires du revenu de base pour qu’ils cherchent à s’intégrer professionnellement est inexacte. Encore aujourd’hui, la participation au monde du travail reste la voie d’intégration sociale la plus valorisée, recherchée par la plupart des individus. Il existe certes une minorité de personnes qui semble avoir décroché et qui parait avoir renoncé à intégrer le monde de l’emploi. Mais pour cette dernière, la menace de suspension du RSA produit rarement l’effet escompté. Bien souvent d’ailleurs, les travailleurs sociaux en charge de leur dossier ne cherchent même pas à suspendre le RSA, parce qu’ils savent qu’une telle mesure ne les rapprocherait pas de l’emploi mais les fragiliserait et les marginaliserait encore davantage.

Dans ce contexte, il n’est pas justifié de conditionner l’attribution du revenu de base à des démarches d’insertion dans l’emploi, alors que la participation à d’autres projets, même s’ils ne se traduisent pas immédiatement par un emploi, constitue également des portes d’entrée dans le monde du travail. La réunion de certaines conditions pour bénéficier de majorations spécifiques (parents isolés, anciens boursiers, bénéficiaires de la garantie jeunes) pourrait être envisagée.

Le revenu de base permettrait également de simplifier les aides aux bas revenus. Le dispositif proposé vient en effet fusionner et remplacer des prestations sociales existantes : le RSA et la prime d’activité. Il serait défini comme la différence entre un montant forfaitaire et les ressources de la famille, auquel s’ajoute un pourcentage des revenus d’activité.

Le revenu de base proposé par la présente proposition de loi serait calculé à l’échelle du ménage, comme c’est déjà le cas pour la plupart des prestations sociales.

Les montants minimaux garantis ainsi que les taux de dégressivité du revenu de base, ont été calculés selon une méthode analogue à celle retenue par l’Institut des politiques publiques (IPP) de manière à ne pas engendrer de pertes de revenus par rapport au droit existant. Il garantirait un minimum de 564 euros mensuels à une personne seule sans ressources et décroît en fonction des revenus d’activité à un rythme de 25 %, pour s’annuler à 1 707 euros nets. Il représenterait notamment un gain particulièrement important pour le premier décile, sans pénaliser les derniers déciles.

Le dispositif repose par ailleurs sur un versement automatique. Notre système de minima sociaux se base aujourd’hui sur le principe selon lequel les prestations légales d’aide sociale sont des droits quérables : les personnes éligibles doivent effectuer une démarche auprès de leur caisse d’allocations familiales pour en bénéficier. Afin de mettre fin au non‑recours aux droits, la présente proposition de loi procède à un changement radical de conception en instaurant le versement automatique du revenu de base.

Ce principe rejoint des évolutions déjà en vigueur aujourd’hui pour certains droits connexes comme les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, ou encore le renouvellement de la future couverture maladie universelle complémentaire (CMU‑C) étendue pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et, à compter du 1er avril 2019, du RSA.

La mise en place d’un versement automatique du revenu de base à toutes les personnes qui y sont éligibles est techniquement possible grâce aux travaux récemment engagés en matière de modernisation de la délivrance des prestations sociales. En effet, l’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 a permis d’automatiser le processus déclaratif pour les allocataires et bénéficiaires de prestations, grâce à la dématérialisation des procédures et la systématisation des échanges de données entre administrations. La mise en place d’une base des ressources commune aux organismes de sécurité sociale, limitée dans un premier temps au calcul de la base ressources des APL et à leur versement, sera élargie notamment au RSA et à la prime d’activité. L’article 78 de la LFSS permet également le versement des aides au logement sur la base des revenus contemporains, et non plus sur celle des sommes imposables au titre de l’impôt sur le revenu, qui, jusqu’à la mise en place de l’imposition à la source, avait deux années d’ancienneté.

Les obstacles techniques à une fusion du RSA et de la prime d’activité seront ainsi levés d’ici la mise en application de la présente proposition de loi.

Par ailleurs, il est primordial que le droit au revenu de base soit ouvert dès l’âge de 18 ans. Les dispositifs actuels de soutien aux jeunes de moins de 25 ans décrits supra se révèlent insuffisants pour faire face au défi de la pauvreté des jeunes, comme le constate notre ancien collègue Christophe Sirugue dans son rapport précité relatif aux minima sociaux.

Les conditions d’accès à ces dispositifs sont en effet extrêmement restrictives. En ce qui concerne le RSA, la condition d’activité de deux ans sur les trois dernières années est quasiment irréaliste, au point que seuls 1 300 foyers bénéficient de ce dispositif au 31 décembre 2016, loin des objectifs annoncés. Ensuite, les montants servis sont insuffisants. Par exemple, l’aide attribuée dans le cadre du CIVIS est plafonnée à 1 800 euros par an. Enfin, leur durée est limitée dans le temps : dans le cas de la Garantie Jeunes par exemple, elle est d’un an au plus.

Ainsi, les jeunes célibataires et sans enfants, qui ne bénéficient pas ou plus des allocations de chômage, qui ne peuvent obtenir immédiatement un emploi et qui ne disposent pas d’une aide financière de leur famille, sont laissés à l’écart. Hormis certaines prestations ciblées comme la Garantie Jeunes, ils ne peuvent prétendre l’aide sociale en tant qu’allocataire principal et ne peuvent donner droit qu’à des transferts indirects, versés à leurs parents lorsque ces derniers les déclarent comme personne à charge.

Dans le même ordre d’idées, le revenu de base expérimenté par la présente proposition de loi serait ouvert dès l’âge de 18 ans. Plusieurs raisons justifient ce choix : l’accès au revenu de base dès l’âge de 18 ans permettrait tout d’abord de lutter la précarité et la pauvreté des jeunes. Ce phénomène, qui s’est amplifié au cours des dernières années, appelle une réponse forte.

La mise en place d’un revenu de base dès l’âge de 18 ans rendrait également moins indispensable le recours aux solidarités familiales. En effet, la relative faiblesse du soutien public en faveur des jeunes en difficulté d’insertion accroît l’importance des solidarités familiales, qui prend notamment la forme de transferts d’argent ou d’une cohabitation entre les jeunes adultes et leurs parents. D’après l’enquête nationale sur les ressources des jeunes, menée conjointement par la DREES et l’INSEE en 2014, les ménages de parents d’un jeune âgé de 18 à 24 ans déclarent l’aider dans huit cas sur dix, à hauteur de 3 670 € en moyenne par an. Cette aide représente un effort global de 8 % du total de leurs revenus disponibles. Dès lors, la nécessité de faire appel à la solidarité familiale tend à perpétuer les inégalités sociales dans la mesure où elle pénalise les jeunes issus de milieux défavorisés, qui ne disposent pas de ressources propres et ne peuvent pas compter sur un soutien financier suffisant de leur famille.

L’article 2 propose la création d’une dotation en capital à 18 ans permettant aux jeunes d’investir pour leur formation et leur insertion professionnelle.

Cette dotation de 5 000 € consiste à créditer chaque compte personnel d’activité pour des usages limitativement déterminés vers la formation, la mobilité et l’entrepreneuriat sous toutes ses formes, y compris coopérative ou associative. Un capital financier de départ pour que chaque jeune puisse développer son capital humain.

Cette proposition vise à créer une expérience commune à chaque génération lors de l’arrivée dans l’âge de sa transition vers son autonomie sociale et économique et à ouvrir des droits économiques et sociaux en même temps que les droits civiques. L’universalité de ce dispositif vise également à engager un processus de défamilialisation des droits sociaux des jeunes adultes. Cette défamilialisation est une revendication de longue date de nombreuses organisations de jeunesse, ainsi que de nombreux spécialistes des politiques jeunesse, afin de donner corps à une réelle autonomie.

Notre société ne peut pas continuer à formuler des injonctions contradictoires à l’endroit de sa jeunesse, en lui intimant d’une part de se projeter, de se former, d’anticiper, de construire son parcours d’insertion, et d’autre part en renforçant les liens de dépendance économique à l’égard de leur famille par le biais de politiques publiques attribuant aux parents des aides liées aux situations de leurs enfants devenus adultes ou en conditionnant les droits des jeunes adultes à la situation de leurs parents.

Cette universalité permet de poser cette dotation comme un droit, et non comme une aide, ce que certains auraient tôt fait de stigmatiser comme une nouvelle forme d’assistanat. Le choix est assumé de cette universalité ; elle consiste à revendiquer des droits pour tous plutôt que des allocations pour certains et à garantir la prise en compte des facultés contributives dans le financement de la mesure. Trop longtemps, la mise sous conditions de ressources a essentiellement consisté à ne pas s’interroger sur la progressivité réelle de notre système fiscale et sur les taux effectifs d’imposition en haut et en bas de l’échelle des revenus. Cette dotation crédite donc le CPA de toute personne atteignant ses dix‑huit ans d’un montant de cinq mille euros. Proclamer un droit, quand bien même il se matérialise par la possibilité offerte d’accéder à un dispositif administratif, ne suffit pas à le rendre effectif. La problématique du non recours aux droits est largement documentée. L’universalité de la dotation est la première réponse à cette difficulté.

Cette dotation ayant vocation à constituer pour chaque personne un capital utile à son insertion sociale et économique, la proposition de loi précise les trois catégories d’usages « durables » qui sont ouverts : formation (poursuite ou reprise d’études, formation BAFA), mobilité (permis de conduire, achat d’un premier véhicule), entrepreneuriat (formation, accompagnement et investissement pour la création d’entreprise, de coopérative, de fondation, d’association). Ces trois usages constitueront pour chaque personne y ayant eu recours un capital social impactant positivement la construction de son parcours professionnel et social faisant face aux trois freins principaux identifiés dans les parcours d’insertion des jeunes.

Enfin, ce même capital social des personnes sera également renforcé par l’inclusion de ce dispositif dans une démarche d’accompagnement. En effet, les réseaux de structures associées au CPA seront à la disposition des bénéficiaires pour tester, enrichir ou concevoir leurs projets. L’apport de ces réseaux renforcera la viabilité des projets et pourra pour un certain nombre de jeunes adultes, palier des handicaps liés à des réseaux personnels moindres que pour d’autres.

La dotation universelle s’inscrit dans une logique d’accompagnement en ce que son activation est associée à un entretien préalable avec un professionnel de manière à permettre au bénéficiaire de tester son projet. Ainsi les deux dispositifs permettent à l’ensemble des personnes de bénéficier des mêmes conseils et appuis via un même réseau de structures et ont vocation à enrichir la socialisation des personnes via ces accompagnements et à palier pour certaines les lacunes d’un réseau social faible. Ces dispositifs ne consistent pas à donner de l’argent et à laisser les personnes se débrouiller. Non‑seulement les usages possibles de la dotation sont limités et encadrés, mais surtout ses droits sont associés à des droits à se faire accompagner et conseiller.

S’agissant de la question du financement de cette AILE(s), de nombreuses pistes peuvent être envisagées.

Pour 5 000 € par personne à 18 ans, la dotation universelle représente un coût de 4,5 milliards d’euros par an. Pour le revenu de base, le rapport de l’IPP décompose le coût global ainsi : l’automaticité du versement (passage à un recours à 100 %) sans modification du système est estimée à 2,9 milliards d’euros. La simplification du système RSA et prime d’activité est estimée à 1,5 milliards d’euros. L’éligibilité à ce revenu de base à partir de 18 ans coûterait 11,8 milliards d’euros annuels de dépenses supplémentaires, soit un coût total de 16,2 milliards d’euros annuels. Le coût annuel global de ces deux mesures serait donc d’environ 21 milliards d’euros.

Cette somme est à relativiser pour au moins deux grandes raisons. Premièrement, une partie provient du fait que le Revenu de base résout le problème du non recours aux droits. Ainsi, seront alloués des sommes qui devraient déjà l’être, soit presque 3 milliards d’euros. Deuxièmement parce que l’instauration de ce revenu de base devrait s’accompagner d’une révision profonde de certains dispositifs existants. C’est notamment le cas des bourses étudiantes, dont la quasi‑totalité sont inférieures au niveau du revenu de base, qui les remplacerait donc. Pour rappel, ces bourses qui se verraient substituer le revenu de base constituent à elles seules une dépense de 2 milliards d’euros chaque année.

Nous proposons de financer ces deux mesures qui visent à égaliser les conditions d’entrée dans la vie active et à sécuriser les parcours professionnels, par cinq améliorations de la progressivité de notre fiscalité tant sur le revenu, sur le patrimoine que sur les multinationales qui échappent pour certaines complètement à l’impôt :

Une première mesure consisterait à mettre en place une réforme ambitieuse de la fiscalité des successions, en créant un abattement unique.

Nous souhaitons en effet une réforme profonde de l’imposition des plus hautes successions, celles qui ne sont pas le fruit du travail d’une vie, mais celles qui entretiennent la rente de génération en génération. Une imposition réformée profondément qui ne sera plus assise sur chaque donation ou héritage, mais sur le total des sommes reçues par chacune et chacun tout au long de sa vie, organisant une redistribution intra générationnelle. Le patrimoine transmis par les Français s’élevant à 250 milliards d’euros chaque année, prélever les 4,5 milliards d’euros de plus nécessaires au financement de la dotation, reviendrait à porter de 5 % à 7 % la part moyenne des transmissions prélevées par l’impôt.

Pour y parvenir, plutôt que de rehausser les taux d’imposition actuels, il est proposé de revoir la logique d’imposition des successions et donations. Depuis la création des droits progressifs en 1901, le barème est appliqué à la part revenant à chaque héritier ou donataire sans qu’il soit tenu compte du patrimoine qu’il a déjà pu recevoir par le passé. Seules les donations effectuées dans les 15 dernières années par la même personne sont prises en compte.

La présente proposition de loi vise à rompre avec cette logique aveugle et à tenir compte, lors de l’imposition de chaque transmission, de l’ensemble du patrimoine qu’a déjà pu recevoir l’héritier ou le donataire, transmis par toute personne.

L’abattement de 100 000 € applicable actuellement par tranche de 15 ans est rehaussé à 300 000 € et sa portée devient générale : il ne s’applique plus seulement aux transmissions consenties à un descendant, mais à toute transmission perçue, et ne s’applique qu’une fois au cours de la vie : une fois son montant atteint (que ce soit en un héritage élevé ou en plusieurs transmissions de plus faibles montants), les autres transmissions reçues seront taxées au premier euro selon un barème progressif.

Par ailleurs, afin d’éviter que les hauts patrimoines bénéficiant d’exonérations spécifiques échappent à ces nouvelles règles, il est prévu de revoir trois dispositifs de faveur aujourd’hui applicables.

Le prélèvement spécifique applicable à l’assurance vie, premièrement, qui comporte un abattement supplémentaire de 152 500 € et dont le barème déroge au barème progressif de droit commun, s’appliquera dorénavant en tenant compte des sommes déjà perçues par le bénéficiaire au titre d’autres contrats d’assurance vie.

Deuxièmement, l’exonération à 75 % des transmissions de parts d’entreprises dite « Dutreil » (dont le taux peut atteindre 87,5 % en cas de donation avant 70 ans) sera modifiée pour ramener son taux à 50 % (soit le niveau initialement prévu par la loi Dutreil en 2003) et la plafonner, comme en Allemagne, à 26 millions d’euros d’actifs transmis, ce qui permettra de la cibler de manière prépondérante sur les petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire.

Enfin, l’exonération dont bénéficie aujourd’hui la transmission par héritage de l’usufruit d’un bien, au profit de l’héritier qui en a antérieurement reçu la nue‑propriété par donation, sera supprimée afin de mettre un terme aux montages d’optimisation auxquelles elle donne lieu.

Ciblée sur les très hautes successions, cette réforme exonère d’impôt plus de 85 % des Français. En prévoyant un financement via une taxation progressive des successions assise sur le capital reçu par chaque personne tout au long de sa vie, cette réforme organise une redistribution intra‑générationnelle. Tous les jeunes d’une même génération auront eu droit à leur dotation. Mais au cours de leur vie, selon le montant des héritages dont ils bénéficieront, seule une petite minorité financera le montant global de ce dispositif.

Une deuxième mesure consisterait à prévoir la création d’une tranche supérieure de l’impôt sur les revenus à 50 % pour les revenus supérieurs ou égaux à 250 000 €.

Le barème de l’impôt sur le revenu comprend aujourd’hui 5 tranches. La dernière modification de ce barème a été l’abaissement de 14 % à 11 % du taux de la deuxième tranche applicable aux revenus de 2020. On constate que la progressivité de ce barème s’est fortement affaiblie avec le temps (baisse du nombre de tranches, diminution du taux de la dernière tranche). L’introduction d’une nouvelle tranche supérieure revient souvent dans le débat public. La dernière en date est la proposition de Laurent Berger de créer une tranche avec un taux de 50 % pour les revenus supérieurs à 300 000 €.

Nous proposons une réforme un peu plus ambitieuse de ce barème, avec une 4e tranche avec un taux de 41 % pour les revenus compris entre 73 369 € et 124 999 € ; une 5ème tranche avec un taux de 45 % pour les revenus compris entre 125 000 € et 249 999 euros et une nouvelle tranche avec un taux de 50 % pour les revenus égaux ou supérieurs à 250 000 .

Le rendement dégagé serait de 1,5 milliard d’euros, concentré sur 200 000 ménages qui relèvent principalement du dernier décile

Par ailleurs, nous prévoyons le plafonnement du quotient conjugal au même niveau que le quotient familial, soit 1 567 € par an et par demi part.

Le quotient conjugal, utilisé depuis 1945 pour le calcul du montant de l’impôt sur le revenu dû par les couples mariés ou pacsés, a plusieurs inconvénients : l’avantage fiscal que peut procurer le quotient conjugal croît avec les revenus du couple ; Il peut décourager l’activité d’une des deux personnes du couple, le plus souvent la femme. Dans un document de novembre 2019, l’INSEE a montré que 7 millions de ménages ont bénéficié d’une baisse de leur impôt sur le revenu en raison du quotient conjugal, pour un gain moyen de 1 700 euros. Le quotient conjugal porte donc fortement atteinte à la progressivité de l’impôt sur le revenu, d’autant plus que l’avantage fiscal procuré par le quotient conjugal n’est pas plafonné, contrairement au quotient familial (parts attribuées pour les personnes à charge), dont l’avantage ne peut dépasser 1 567 euros par an et par demi part, soit 3 134 euros par part.

Plafonner le quotient conjugal permettrait donc de renforcer la progressivité de l’impôt en ne faisant contribuer que les couples mariés ou pacsés les plus aisés. La fixation d’un plafond identique à celui du quotient familial, soit 1 567   par an par an et par demi part, permettrait un surcroît de recettes fiscales égal à 3 milliards d’euros environ selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). 7 % des couples seraient perdants, soit moins d’un million de ménages, pour lesquels l’impôt augmenterait en moyenne de 3 232 € par an (près de 5 000 € par an en moyenne pour les 10 % des foyers fiscaux les plus riches).

Au‑delà des 3 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, l’avantage de cette réforme est double : il épargne les 40 % des foyers fiscaux les plus modestes, et plus un couple marié ou pacsé est riche, plus il verra son impôt augmenter.

Une troisième mesure passerait par le maintien de la taxe d’habitation pour les foyers les plus aisés.

Cette année, les 80 % des ménages les plus modestes ne paieront plus de taxe d’habitation. À compter de 2021, la taxe d’habitation sera progressivement supprimée pour les 20 % des ménages restants pour une suppression définitive en 2023. Dans son rapport sur la première partie du PLF 2020, le rapporteur général du budget écrit que « le coût associé à l’exonération des 20 % des contribuables est estimé à 2,3 milliards d’euros en 2021, 5,1 milliards d’euros en 2022 et 7,8 milliards d’euros à compter de 2023 ». Dans l’avant‑dernière version de leur rapport sur la refonte de la fiscalité locale, MM. Dominique Bur et Alain Richard avaient inclus le tableau présent sur la page suivante (retiré dans la version définitive du rapport). On y observe que la suppression de la taxe d’habitation est un cadeau fiscal de plus de 2 000 € pour les ménages imposés au taux marginal de 45 %.

Nous proposons de reporter, sine die, la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation pour certains foyers.

Une quatrième mesure viserait à réformer l’impôt sur les sociétés, sur la base du dispositif déjà proposé à deux reprises par l’amendement Vallaud‑Zucman, instaurant une imposition minimale des multinationales là où elles font leur chiffre d’affaire.

Chaque société domiciliée à l’étranger vendant des biens ou des services en France pour un montant excédant 150 millions d’euros (ce montant pouvant ultérieurement évoluer) deviendrait sujette à l’impôt sur les sociétés, qu’elle possède un établissement stable en France ou non. Les bénéfices imposables seraient calculés en multipliant les bénéfices mondiaux consolidés du groupe par la fraction de ses ventes mondiales faites en France.

Chaque année, 40 % des bénéfices des multinationales sont transférés artificiellement vers des paradis fiscaux et ainsi, 600 milliards de dollars de base taxable échappent aux États. En 2016, les entreprises américaines ont enregistré plus de profits en Irlande qu’en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits faramineux, elles se sont acquittées du taux dérisoire de 5,7 %. La course au moins‑disant fiscal désarme les États et érode chaque jour un peu plus leur souveraineté. Elle affecte tout, la loyauté de l’économie, le pouvoir d’achat des ménages sur lesquels est reportée la fiscalité, les services publics qui manquent de moyens, l’environnement qui n’est jamais la priorité. Cette faiblesse des États les prive des moyens nécessaires à la lutte contre les inégalités via des investissements dans l’éducation, dans les systèmes de santé, dans la préservation de l’environnement. Un cercle vicieux se met en place, l’optimisation fiscale agressive alimente jusqu’à l’insoutenable les inégalités et compromet l’avenir. Elle nourrit toutes les frustrations, tous les ressentiments, toutes les contestations de la démocratie libérale.

Pourtant, nous pouvons agir. Nombreux et documentés sont désormais les travaux de chercheurs proposant de réformer les dispositifs légaux afin de ramener les multinationales dans le droit commun de l’impôt sur les sociétés, en récupérant la base taxable qui échappent aux États du fait de pratiques d’optimisation fiscale agressive. Ils suggèrent en générale, pour plus d’efficacité, une forte coopération entre États pour y parvenir.

C’est le sens de cette proposition, écrite en collaboration avec l’économiste Gabriel Zucman.

Comme il est dit plus haut, le dispositif proposé vise à changer la définition de la base imposable en France. Chaque société domiciliée à l’étranger vendant des biens ou des services en France pour un montant excédant 150 millions d’euros (ce montant pouvant ultérieurement évoluer) deviendrait sujette à l’impôt sur les sociétés, qu’elle possède un établissement stable en France ou non. Les bénéfices imposables seraient calculés en multipliant les bénéfices mondiaux consolidés du groupe par la fraction de ses ventes mondiales faites en France.

Ce faisant, ce dispositif vise à donner corps à un principe simple : les multinationales doivent payer leurs impôts là où elles font leur chiffre d’affaires.

Ce dispositif propose de modifier le mode de calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, sans en changer le taux. Son adoption modifierait le code général des impôts de manière à ce que les multinationales payent en France leur impôt sur les sociétés au prorata du pourcentage de leurs ventes mondiales réalisées dans le pays. Si, par exemple, une multinationale fait 10 milliards d’euros de bénéfices consolidés dans le monde, et qu’elle réalise 10 % de son chiffre d’affaires en France, alors le calcul de son impôt sur les sociétés se fera sur la base de 10 % de ces 10 milliards, soit 1 milliard d’Euros. Quand bien même ces bénéfices auraient été artificiellement transférés comptablement vers des pays à fiscalité nulle ou très faible.

Un principe général peut être que les groupes dont le siège social est en France sont imposables en France sur leurs profits mondiaux (quelle que soit la fraction de leurs ventes faites en France), avec crédit d’impôt pour annuler tous les impôts sur les sociétés payés à des États étrangers, et que les groupes dont le siège social est à l’étranger sont imposables en France sur leurs bénéfices mondiaux ventilés au prorata des ventes faites en France. Les pays où les sièges sociaux sont domiciliés accordent des crédits d’impôt pour effacer l’impôt payé en France.

Avec ce dispositif la France peut engager un travail pionnier de rééquilibrage des rapports de force entre États et multinationales. La poursuite des travaux engagés au plan mondial, comme la renégociation des conventions fiscales dans le cas de la France devront être l’occasion de traiter de l’équité fiscale entre pays de production et pays de consommation, en envisageant par exemple les voies et moyens d’une déduction d’autres impôts et taxes (impôts de production, droits d’exploitation...) de la base de l’impôt sur les sociétés.

Le titre II comprend diverses dispositions relatives à la mise en œuvre de l’AILE(s). 

L’article 3 assure des coordinations avec la création du revenu de base dans les parties législatives des codes concernés.

L’article 4 prévoit que le revenu de base inconditionnel et la dotation en capital universelle entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2022.

En vue d’assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, l’article 5 gage le financement des dispositifs présentés précédemment par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code des impôts.

*

*   *

Au cœur d’une crise sans précédent qui nous conduit à reconsidérer la hiérarchie de nos priorités et de nos valeurs, d’insondables défis nous font face, économiques, écologiques, sociaux et démocratiques... L’avenir nous met à l’épreuve du présent. De la réponse à cette crise dépendra le nouvel ordre politique et social sur la base duquel nous aborderons le jour d’après.


proposition de loi

TITRE 1er

METTRE EN PLACE UNE AIDE INDIVIDUELLE À L’ÉMANCIPATION SOLIDAIRE

Article 1er

I. – Le chapitre II du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Revenu de base

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. L. 2621.  Le revenu de base a pour objets :

« 1° d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, de lutter contre la pauvreté et de favoriser l’insertion sociale et professionnelle ;

« 2° d’inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu’ils soient salariés ou non salariés, à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle et de soutenir leur pouvoir d’achat.

« Section 2

« Prestation de revenu de base

« Sous‑section 1

« Conditions d’ouverture du droit

« Art. L. 2622. – Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de base dans les conditions définies au présent chapitre.

« Le revenu de base est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire. Il est complété, le cas échéant :

« 1°par l’aide personnalisée de retour à l’emploi mentionnée à l’article L. 5133‑8 du code du travail ;

« 2° par un complément de soutien à la reprise d’activité dans les conditions définies au présent chapitre.

« Art. L. 2623.  Le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262‑2 est fixé par décret. Il est revalorisé le 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale.

« L’ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l’article L. 32‑1, est pris en compte pour le calcul du revenu de base, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État qui détermine notamment :

« 1° Les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu ;

« 2° Les modalités d’évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L’avantage en nature lié à la disposition d’un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire ;

« 3° Les prestations et aides sociales qui sont évaluées de manière forfaitaire, notamment celles affectées au logement mentionnées à l’article L. 821‑1 du code de la construction et de l’habitation ;

« 4° Les prestations et aides sociales qui ne sont pas incluses dans le calcul des ressources à raison de leur finalité sociale particulière.

« Le montant du complément de soutien à la reprise d’activité mentionné à l’article L. 262‑2 correspond à une fraction des revenus professionnels des membres du foyer fixée par décret.

« Pour les personnes âgées de moins de vingt‑cinq ans rattachées au foyer fiscal de leurs parents dans les conditions prévues au septième alinéa de l’article 6 du code général des impôts, les ressources prises en compte pour le calcul du revenu de base sont celles de ce foyer fiscal.

« Art. L. 2624.  Le bénéfice du revenu de base est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes :

« 1° Être âgé de plus de dix‑huit ans ou assumer la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître ;

« 2°Être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable :

« a) Aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d’un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents ;

« b) Aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l’article L. 262‑8, qui doivent remplir les conditions de régularité du séjour mentionnées à l’article L. 512‑2 du code de la sécurité sociale ;

« 3° Ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité. Cette condition n’est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l’article L. 262‑8.

« Art. L. 2625. – Pour être pris en compte au titre des droits du bénéficiaire, le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité du bénéficiaire doit remplir les conditions mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 262‑4.

« Pour être pris en compte au titre des droits d’un bénéficiaire étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, les enfants étrangers doivent remplir les conditions mentionnées à l’article L. 512‑2 du code de la sécurité sociale.

« Art. L. 2626.  Par exception au 2° de l’article L. 262‑4, le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse doit remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit de séjour et avoir résidé en France durant les trois mois précédant la demande.

« Cependant, aucune condition de durée de résidence n’est opposable :

« 1° À la personne qui exerce une activité professionnelle déclarée conformément à la législation en vigueur ;

« 2° À la personne qui a exercé une telle activité en France et qui, soit est en incapacité temporaire de travailler pour raisons médicales, soit suit une formation professionnelle au sens des articles L. 6313‑1 et L. 6314‑1 du code du travail, soit est inscrite sur la liste mentionnée à l’article L. 5411‑1 du même code.

« Le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, entré en France pour y chercher un emploi et qui s’y maintient à ce titre, n’a pas droit au revenu de base.

« La condition de durée de résidence prévue au premier alinéa n’est pas opposable aux ascendants, descendants ou conjoint d’une personne mentionnée aux 1° ou 2°.

« Art. L. 2627.  Un décret en Conseil d’État définit les règles de calcul du revenu de base applicables aux travailleurs mentionnés à l’article L. 611‑1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 722‑1 et L. 781‑9 du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu’aux salariés employés dans les industries et établissements mentionnés à l’article L. 3132‑7 du code du travail ou exerçant leur activité de manière intermittente.

« Art. L. 2628.  Le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262‑2 est majoré, pendant une période d’une durée déterminée, pour :

« 1° Une personne isolée assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ;

« 2° Une femme isolée en état de grossesse, ayant effectué la déclaration de grossesse et les examens prénataux.

« La durée de la période de majoration est prolongée jusqu’à ce que le dernier enfant ait atteint un âge limite.

« Est considérée comme isolée une personne veuve, divorcée, séparée ou célibataire, qui ne vit pas en couple de manière notoire et permanente et qui notamment ne met pas en commun avec un conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ses ressources et ses charges. Lorsque l’un des membres du couple réside à l’étranger, n’est pas considéré comme isolé celui qui réside en France.

« Art. L. 2629.  Le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262‑2 est majoré, pendant une période d’une durée déterminée, pour les bénéficiaires majeurs du dispositif mentionné à l’article L. 5131‑3 du code du travail.

« L’attribution de cette majoration est conditionnée à l’engagement du jeune dans le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie mentionné à l’article L. 5131‑5 du code du travail.

« Cette majoration est cumulable avec la majoration mentionnée à l’article L. 262‑8.

« Le montant ainsi que les modalités de cessation de la majoration sont définis par décret.

« Art. L. 26210.  Le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262‑2 est majoré, pendant une période d’une durée déterminée, pour les élèves, étudiants et stagiaires répondant aux conditions d’études, d’âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, afin de réduire les inégalités sociales.

« Cette majoration est cumulable avec la majoration mentionnée à l’article L. 262‑8.

« Des modalités définies par décret prévoient le montant et la procédure de cessation de cette majoration.

« Art. L. 26211.  I. – Le revenu de base est versé, y compris lorsque que le foyer n’a pas fait valoir ses droits aux prestations sociales, législatives, réglementaires et conventionnelles.

« II. ‑ En outre, il est versé y compris lorsque le foyer n’a pas fait valoir ses droits :

« 1° Aux créances d’aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 203, 212, 214, 255, 342 et 371‑2 du code civil ainsi qu’à la prestation compensatoire due au titre de l’article 270 du même code ;

« 2° Aux pensions alimentaires accordées par le tribunal au conjoint ayant obtenu le divorce, dont la requête initiale a été présentée avant l’entrée en vigueur de la loi n° 75‑617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce.

« Art. L. 26212.  Lorsque l’intéressé est éligible à des prestations sociales, législatives, réglementaires et conventionnelles ou titulaire d’une créance ou d’une pension mentionnée au II de l’article L. 262‑11, les organismes chargés de l’instruction des dossiers et du service du revenu de base, mentionnés aux articles L. 262‑15, assistent le demandeur dans les démarches visant à ce qu’il fasse valoir ses droits à ces prestations.

« Une fois ces démarches engagées, l’organisme chargé du service sert, à titre d’avance, le revenu de base au bénéficiaire et, dans la limite des montants alloués, est subrogé dans les droits du foyer vis‑à‑vis des organismes sociaux ou de ses débiteurs.

« Sous‑section 2

« attribution et service de la prestation

« Art. L. 26213.  Lorsque l’intéressé remplit les conditions d’attribution fixées par le présent chapitre, le revenu de base est attribué d’office par le directeur de l’organisme chargé du service du revenu de base dans lequel le demandeur réside ou a, dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du présent livre, élu domicile.

« Art. L. 26214.  L’instruction administrative du dossier est effectuée à titre gratuit, dans des conditions déterminées par décret, par l’organisme chargé du service du revenu de base.

« Le décret mentionné au premier alinéa prévoit les modalités selon lesquelles l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail peut concourir à cette instruction.

« Art. L. 26215.  Le service du revenu de base est assuré, dans chaque département, par les caisses d’allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole.

« Art. L. 26216.  Lorsque la réunion des conditions d’attribution est constatée par les organismes compétents, l’intéressé reçoit, de la part de l’organisme assurant le service de l’allocation, une information sur les droits des bénéficiaires du revenu de base définis à la section 3 du présent chapitre. Il est aussi informé des droits auxquels il peut prétendre au regard des revenus que les membres de son foyer tirent de leur activité professionnelle et de l’évolution prévisible de ses revenus en cas de retour à l’activité.

« Art. L. 26217.  Sous réserve du respect des conditions fixées à la présente section, le revenu de base est ouvert à compter de la date à laquelle il a été constaté que l’intéressé remplissait les conditions d’attribution.

« Art. L. 26218.  Les conditions dans lesquelles le revenu de base peut être réduit ou suspendu lorsque l’un des membres du foyer est admis, pour une durée minimale déterminée, dans un établissement de santé ou qui relève de l’administration pénitentiaire sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Il est tenu compte, lorsqu’il s’agit du bénéficiaire, des charges de famille lui incombant.

« La date d’effet et la durée de la réduction ou de la suspension ainsi que, le cas échéant, la quotité de la réduction varient en fonction de la durée du séjour en établissement.

« Art. L. 26219.  Un décret en Conseil d’État détermine le montant d’allocation calculée au‑dessous duquel le revenu de base n’est pas versé.

« Art. L. 26220.  Il est procédé au réexamen du montant de l’allocation mentionnée à l’article L. 262‑2 selon une périodicité définie par décret. Les décisions qui en déterminent le montant sont révisées entre chaque réexamen dans les situations prévues par décret.

« En cas de décès d’un enfant mineur à la charge du foyer, le bénéficiaire a droit au maintien de la prise en compte de cet enfant au titre des droits du foyer au revenu de base, à compter de la date du décès et, le cas échéant, jusqu’au quatrième réexamen périodique suivant.

« Sous‑section 3

« Financement du revenu de base

« Art. L. 26221.  Le revenu de base est financé par l’État, sous réserve des attributions des conseils départementaux en termes de droits à l’accompagnement social et professionnel du bénéficiaire prévus par la section 3 du présent chapitre.

« Art. L. 26222.  L’État et la Caisse des dépôts et consignations concluent avec l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et la Caisse nationale des allocations familiales, d’une part, et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, d’autre part, une convention précisant les modalités de versement des fonds dus au titre du revenu de base, afin de garantir la neutralité des flux financiers pour la trésorerie de ces organismes.

« À défaut des conventions mentionnées au premier alinéa, le service, le contrôle et le financement du revenu de base sont assurés dans des conditions définies par décret.

« Section 3

« Droits du bénéficiaire du revenu de base

« Art. L. 26223.  Le bénéficiaire du revenu de base a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique. Pour l’application de la présente section, les mêmes droits s’appliquent au bénéficiaire et à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

« Le bénéficiaire peut solliciter chaque année un rendez‑vous auprès des organismes mentionnés à l’article L. 262‑24 pour évoquer les conditions permettant l’amélioration de sa situation professionnelle.

« Art. L. 26224.  Le président du conseil départemental propose au bénéficiaire du revenu de base une des orientations suivantes :

« 1° lorsqu’il est disponible pour occuper un emploi au sens des articles L. 5411‑6 et L. 5411‑7 du code du travail ou pour créer sa propre activité, soit vers l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du même code, soit, si le département décide d’y recourir, vers l’un des organismes de placement mentionnés au 1° de l’article L. 5311‑4 du même code, notamment une maison de l’emploi ou, à défaut, une personne morale gestionnaire d’un plan local pluriannuel pour l’insertion et l’emploi, ou vers un autre organisme participant au service public de l’emploi mentionné aux 3° et 4° du même article ou encore vers un des réseaux d’appui à la création et au développement des entreprises mentionnés à l’article 200 octies du code général des impôts ;

« 2° lorsqu’il apparaît que des difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l’absence de logement ou à son état de santé font temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d’emploi, vers les autorités ou organismes compétents en matière d’insertion sociale ;

« 3° Lorsque le bénéficiaire est âgé de moins de vingt‑cinq ans et que sa situation le justifie, vers les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes mentionnées à l’article L. 5314‑1 du code du travail, qui peuvent notamment lui proposer l’accompagnement mentionné à l’article L. 5131‑1 du même code.

« Art. L. 26225.  L’organisme vers lequel le bénéficiaire du revenu de base est orienté désigne le référent prévu à l’article L. 262‑23.

« Lorsque le bénéficiaire est orienté vers l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail, le référent est désigné soit en son sein, soit au sein d’un organisme participant au service public de l’emploi.

« Si l’examen de la situation du bénéficiaire fait apparaître que, compte tenu de ses difficultés, un autre organisme serait mieux à même de conduire les actions d’accompagnement nécessaires, ou si le bénéficiaire a été radié de la liste mentionnée à l’article L. 5411‑1 du code du travail pour une durée supérieure à un seuil fixé par décret, le référent propose au président du conseil départemental de procéder à une nouvelle orientation.

« Le président du conseil départemental désigne un correspondant chargé de suivre les évolutions de la situation des bénéficiaires et d’appuyer les actions des référents.

« Art. L. 26226.  Si, à l’issue d’un délai de six mois, pouvant aller jusqu’à douze mois, selon les cas, le bénéficiaire du revenu de base ayant fait l’objet de l’orientation mentionnée au 2° de l’article L. 262‑24 n’a pas pu être réorienté vers l’institution ou un organisme mentionnés au 1° du même article, sa situation est examinée par l’équipe pluridisciplinaire prévue à l’article L. 262‑30.

« Art. L. 26227.  Une convention conclue entre le département, l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail, l’État, le cas échéant les maisons de l’emploi ou, à défaut, les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les organismes mentionnés à l’article L. 262‑15 du présent code et un représentant des centres communaux et intercommunaux d’action sociale définit les modalités de mise en œuvre du dispositif d’orientation et du droit à l’accompagnement prévus aux articles L. 262‑23 et L. 262‑24. Elle précise en particulier les conditions dans lesquelles sont examinés et appréciés les critères définis aux 1° et 2° de l’article L. 262‑24.

« Art. L. 26228.  Lorsque le département n’a pas décidé de recourir à un ou plusieurs des organismes visés aux 1° et 3° de l’article L. 5311‑4 du code du travail pour assurer de manière exclusive l’insertion professionnelle de l’ensemble des bénéficiaires faisant l’objet de l’orientation prévue au 1° de l’article L. 262‑24 du présent code, la convention prévue à l’article L. 262‑27 est complétée par une convention conclue entre le département et l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail ainsi que, le cas échéant, les maisons de l’emploi ou, à défaut, les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi. Cette convention fixe les objectifs en matière d’accès à l’emploi des bénéficiaires du revenu de base et les moyens d’y parvenir.

« Elle prévoit les modalités de financement, par le département, des actions d’accompagnement qu’il souhaite voir réalisées au profit des bénéficiaires du revenu de base, en complément des interventions de droit commun liées à la recherche d’un emploi prévues au 1° de l’article L. 5312‑3 du code du travail.

« Art. L. 26229. – Le bénéficiaire du revenu de base orienté vers l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail élabore conjointement avec le référent désigné au sein de cette institution ou d’un autre organisme participant au service public de l’emploi le projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article L. 5411‑6‑1 du même code.

« Art. L. 26230.  Le président du conseil départemental constitue des équipes pluridisciplinaires composées notamment de professionnels de l’insertion sociale et professionnelle, en particulier des agents de l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail dans des conditions précisées par la convention mentionnée à l’article L. 262‑27 du présent code, de représentants du département et des maisons de l’emploi ou, à défaut, des personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi et de représentants des bénéficiaires du revenu de base.

« Les équipes pluridisciplinaires sont consultées préalablement aux décisions de réorientation vers les organismes d’insertion sociale ou professionnelle qui affectent le bénéficiaire.

« Section 4

« Contrôle et échanges d’informations

« Art. L. 26231.  Pour l’exercice de leurs compétences, le président du conseil départemental, les représentants de l’État et les organismes chargés de l’instruction et du service du revenu de base demandent toutes les informations nécessaires à l’identification de la situation du foyer :

« 1° Aux administrations publiques, et notamment aux administrations financières ;

« 2° Aux collectivités territoriales ;

« 3° Aux organismes de sécurité sociale, de retraite complémentaire et d’indemnisation du chômage ainsi qu’aux organismes publics ou privés concourant aux dispositifs d’insertion ou versant des rémunérations au titre de l’aide à l’emploi.

« Les informations demandées, que ces administrations, collectivités et organismes sont tenus de communiquer, doivent être limitées aux données nécessaires à l’instruction du droit au revenu de base, à sa liquidation et à son contrôle ainsi qu’à la conduite des actions d’insertion.

« Les informations recueillies peuvent être échangées, pour l’exercice de leurs compétences, entre le président du conseil départemental et les organismes chargés de l’instruction et du service du revenu de base et communiquées aux membres de l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 262‑30.

« Art. L. 26232.  Les personnels des organismes cités au dernier alinéa de l’article L. 262‑31 ne peuvent communiquer les informations recueillies dans l’exercice de leur mission de contrôle qu’au président du conseil départemental et, le cas échéant, par son intermédiaire, aux membres de l’équipe pluridisciplinaire.

« Les organismes chargés de son service réalisent les contrôles relatifs au revenu de base selon les règles, procédures et moyens d’investigation applicables aux prestations de sécurité sociale.

« Les organismes chargés de son service mentionnés à l’article L. 262‑15 procèdent chaque mois à la confrontation de leurs données avec celles dont disposent les organismes d’indemnisation du chômage, à partir des déclarations mensuelles d’emploi et des rémunérations transmises à ces derniers par les employeurs. Ils transmettent chaque mois au président du conseil départemental la liste nominative des allocataires dont la situation a été modifiée à la suite de ces échanges de données.

« Les organismes chargés du service du revenu de base transmettent chaque mois au président du conseil départemental la liste de l’ensemble des allocataires ayant fait l’objet d’un contrôle, en détaillant la nature du contrôle et son issue.

« Art. L. 26233.  Lorsqu’il est constaté par les organismes chargés de l’instruction des dossiers ou du service du revenu de base, à l’occasion de l’instruction d’un dossier ou lors d’un contrôle, une disproportion marquée entre, d’une part, le train de vie du foyer et, d’autre part, les ressources dont ils ont connaissance au regard des informations recueillies, une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie, hors patrimoine professionnel dans la limite d’un plafond fixé par décret, est effectuée. Cette évaluation forfaitaire est prise en compte pour la détermination du droit au revenu de base.

« Les éléments de train de vie à prendre en compte, qui comprennent notamment le patrimoine mobilier ou immobilier, hors patrimoine professionnel dans la limite d’un plafond fixé par décret, sont ceux dont le foyer a disposé au cours de la période correspondant à la déclaration de ses ressources, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit.

« Art. L. 26234.  L’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail informe mensuellement le président du conseil départemental des inscriptions des bénéficiaires du revenu de base sur la liste des demandeurs d’emploi et de leur radiation de cette liste auxquelles elle procède en application des articles L. 5412‑1 et L. 5412‑2 du même code.

« Art. L. 26235.  Lorsque, en application de la procédure prévue à l’article L. 114‑15 du code de la sécurité sociale, l’organisme chargé du service du revenu de base est informé ou constate que le salarié ayant travaillé sans que les formalités prévues aux articles L. 1221‑10 et L. 3243‑2 du code du travail aient été accomplies par son employeur est soit bénéficiaire du revenu de base, soit membre du foyer d’un bénéficiaire, il porte cette information à la connaissance du directeur de l’organisme chargé du service du revenu de base, en vue notamment de la mise en œuvre des sanctions prévues à la section 6.

« Art. L. 26236.  Toute personne appelée à intervenir dans l’instruction des dossiers ou l’attribution du revenu de base est tenue au secret professionnel sous peine des sanctions prévues à l’article 226‑13 du code pénal.

« Toute personne à qui les informations relatives aux personnes bénéficiant du revenu de base ont été transmises, en application de l’article L. 262‑31 du présent code, est tenue au secret professionnel dans les mêmes conditions.

« Section 5

« Recours et récupération

« Art. L. 26237.  L’action en vue du paiement du revenu de base se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par l’organisme chargé du service du revenu de base ou l’État en recouvrement des sommes indûment payées.

« La prescription est interrompue par une des causes prévues par le code civil. L’interruption de la prescription peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, quels qu’en aient été les modes de délivrance.

« La prescription est interrompue tant que l’organisme chargé du service du revenu de base se trouve dans l’impossibilité de recouvrer l’indu concerné en raison de la mise en œuvre d’une procédure de recouvrement d’indus relevant des articles L. 553‑2, L. 821‑5‑1 ou L. 835‑3 du code de la sécurité sociale, L. 262‑38 du code de l’action sociale et des familles ou L. 351‑11 du code de la construction et de l’habitation.

« Art. L. 26238.  Tout paiement indu de revenu de base est récupéré par l’organisme chargé du service de celui‑ci.

« Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l’indu, le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif.

Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l’indu en une seule fois, l’organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de base  par retenues sur les montants à échoir.

« À défaut, l’organisme mentionné au premier alinéa peut également, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l’indu par retenues sur les échéances à venir dues au titre des prestations familiales et de l’allocation de logement mentionnées respectivement aux articles L. 511‑1 et L. 831‑1 du code de la sécurité sociale, au titre des prestations mentionnées au titre II du livre VIII du même code ainsi qu’au titre de l’aide personnalisée au logement mentionnée à l’article L.  351‑1 du code de la construction et de l’habitation.

« Par dérogation aux dispositions précédentes, lorsqu’un indu a été constitué sur une prestation versée en tiers payant, l’organisme peut, si d’autres prestations sont versées directement à l’allocataire, recouvrer l’indu sur ces prestations selon des modalités et des conditions précisées par décret.

« Les retenues mentionnées aux troisième et quatrième alinéas du présent article sont déterminées en application des règles prévues au troisième alinéa de l’article L. 553‑2 du code de la sécurité sociale.

« L’article L. 161‑1‑5 du même code est applicable pour le recouvrement des sommes indûment versées au titre du revenu de base.

« La créance peut être remise ou réduite par l’organisme chargé du service du revenu de base pour le compte de l’État, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration.

« Un décret en Conseil d’État détermine le montant au‑dessous duquel le revenu de base indûment versé ne donne pas lieu à répétition.

« Art. L. 26239.  Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de base fait l’objet, préalablement à l’exercice d’un recours contentieux, d’un recours administratif auprès de la commission de recours amiable de l’organisme chargé du service du revenu de base qui connaît des réclamations relevant de l’article L. 142‑1 du code de la sécurité sociale. Les modalités d’examen du recours sont définies par décret en Conseil d’État.

« Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour œuvrer dans les domaines de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté peuvent exercer les recours prévus au premier alinéa du présent article en faveur du foyer, sous réserve de l’accord écrit du bénéficiaire.

« Art. L. 26240.  Le revenu de base est incessible et insaisissable.

« Art. L. 26241.  L’article L. 132‑8 n’est pas applicable aux sommes servies au titre du revenu de base.

« Section 6

« Lutte contre la fraude et sanctions

« Art. L. 26242.  Le fait d’offrir ou de faire offrir ses services à une personne en qualité d’intermédiaire et moyennant rémunération, en vue de lui faire obtenir le revenu de base, est puni des peines prévues par l’article L. 852‑3 du code de la construction et de l’habitation.

« Art. L. 26243.  L’omission délibérée d’information ayant abouti au versement indu du revenu de base est passible d’une amende administrative prononcée et recouvrée dans les conditions et les limites définies, en matière de prestations familiales, aux sixième, septième, neuvième et dixième alinéas du I, à la seconde phrase du onzième alinéa du I et au II de l’article L. 114‑17 du code de la sécurité sociale. La décision est prise par le directeur de l’organisme chargé du service du revenu de base après avis de l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 262‑30 du présent code. La juridiction compétente pour connaître des recours à l’encontre des contraintes délivrées par le directeur de l’organisme assurant le service du revenu de base est la juridiction administrative.

« Aucune amende ne peut être prononcée à raison de faits remontant à plus de deux ans, ni lorsque la personne concernée a, pour les mêmes faits, déjà été définitivement condamnée par le juge pénal ou a bénéficié d’une décision définitive de non‑lieu ou de relaxe déclarant que la réalité de l’infraction n’est pas établie ou que cette infraction ne lui est pas imputable. Si une telle décision de non‑lieu ou de relaxe intervient postérieurement au prononcé d’une amende administrative, la révision de cette amende est de droit. Si, à la suite du prononcé d’une amende administrative, une amende pénale est infligée pour les mêmes faits, la première s’impute sur la seconde. L’amende administrative ne peut pas être prononcée s’il a été fait application, pour les mêmes faits, de l’article L. 114‑17 du code de la sécurité sociale.

« Le produit de l’amende est versé au budget général de l’État.

« Section 7

« Suivi statistique, évaluation et observation

« Art. L. 26244.  Les départements, la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole transmettent à l’État, dans des conditions fixées par décret, les informations relatives à la situation sociale, familiale et professionnelle et à l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de base, aux dépenses engagées à ce titre et à la mise en œuvre des actions d’insertion.

« Art. L. 26245.  Les départements, la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail et les autres organismes associés à la gestion du revenu de base transmettent à l’autorité compétente de l’État, dans des conditions fixées par décret, les informations relatives aux personnes physiques destinées à la constitution d’échantillons statistiquement représentatifs en vue de l’étude des situations et des parcours d’insertion des personnes physiques figurant dans ces échantillons, selon les modalités prévues à l’article 7 bis de la loi n° 51‑711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

« Art. L. 26246.  Les organismes mentionnés à l’article L. 262‑15 et l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail transmettent aux départements les données agrégées portant sur les caractéristiques des bénéficiaires du revenu de base.

« Section 8 

« Dispositions finales

« Art. L. 26247.  L’inspection générale des affaires sociales est compétente pour contrôler l’application des dispositions du présent code et du code du travail relatives au revenu de base.

« Art. L. 26248.  Sauf disposition contraire, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 821‑1 est supprimé ;

2° Les articles L. 821‑2 et L. 821‑3 sont abrogés.

III. – Le titre 4 du livre VIII du code de la sécurité sociale est abrogé.

IV. – La section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 5131‑5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « jeune », il est inséré les mots : « de moins de dix‑huit ans » ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Entre dix‑huit et vingt‑cinq ans, ou lorsqu’il assume la charge d’un enfant né ou à naître, il peut bénéficier du revenu de base majoré défini aux articles L. 262‑1 et L. 262‑9 du code de l’action sociale et des familles. » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 5131‑6, après le mot : « activité », sont insérés les mots : « pour les bénéficiaires de moins de dix‑huit ans ».

Article 2

Le chapitre unique du titre V du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le septième alinéa de l’article L. 5151‑2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un compte personnel d’activité est ouvert pour toute personne bénéficiant de la dotation tremplin. » ;

2° Après le 3° de l’article L. 5151‑5, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° De la dotation tremplin. »

3° Est ajoutée une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Dotation tremplin

« Art. L. 515113. – La dotation tremplin est un compte personnel ouvert le jour de son dix‑huitième anniversaire pour chaque personne résidant en France de manière stable et effective à cette date.

« Lors de son ouverture, il est crédité de 5 000 euros.

« Cette somme est revalorisée par décret au 1er janvier de chaque année par application du coefficient L. 161‑25 du code de la sécurité sociale.

« Il peut être abondé dans les conditions prévue à l’article L. 5151‑15. »

« Art. L. 515114. – Les sommes inscrites au sein de la dotation tremplin peuvent être utilisées par son titulaire pour financer les actions éligibles suivantes :

« 1° Les actions de formation initiale et professionnelle ;

« 2° L’apprentissage à la conduite des véhicules à moteur ;

« 3° L’achat d’un véhicule à moteur, d’un vélo, ou d’un abonnement de transports publics ;

« 4° Les actions de formation et d’accompagnement à la création d’entreprise ou à l’engagement associatif ou coopératif ;

« 5° La création ou reprise d’entreprise ;

« 6° Les frais liés aux actions de formation.

« Art. L. 515115. – La dotation tremplin peut faire l’objet d’un abondement par le fonds de dotation tremplin :

« 1° Lorsque le titulaire satisfait des critères sociaux ou de formation ;

« 2° Lorsqu’un projet d’utilisation est retenu par le fonds de dotation tremplin. »

« Art. L. 515116. – I. – Le fonds de dotation tremplin est chargé, au nom de l’État, de régler les frais liés aux actions éligibles engagées par le titulaire, dans la limite des sommes inscrites sur la dotation tremplin.

« Il élabore un cahier des charges, approuvé par arrêté des ministres chargés de la jeunesse, de l’emploi et de la formation professionnelle, fixant les critères sur lesquels le fonds peut décider d’abonder la dotation tremplin dans les conditions fixées par l’article L. 5151‑15.

« Il est financé par une contribution de l’État. Il peut recevoir des contributions et conclure des partenariats avec tout organisme public ou privé.

« II. – La gestion du fonds est confiée à une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

« Elle est administrée par un conseil d’administration composé de :

« 1° Deux représentants de l’État ;

« 2° Un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de son organisation ;

« 3° Un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de son organisation ;

« 4° Un représentant de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire ;

« 5° Un représentant de l’institution mentionnée à l’article L. 5312‑1 du code du travail ;

« 6° Deux parlementaires désignés, respectivement, par l’Assemblée nationale et le Sénat ;

« 7° Un représentant des missions locales désigné par le ministre chargé de l’emploi ;

« 8° Huit titulaires de la dotation tremplin tirés au sort.

« Les membres du conseil d’administration siègent à titre bénévole.

« Le conseil d’administration peut déléguer certaines de ses compétences à son président et à un bureau constitué en son sein.

« Le ministre chargé de l’emploi désigne un commissaire du Gouvernement auprès de cette association. Le commissaire du Gouvernement assiste de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. Il est destinataire de toutes les délibérations du conseil d’administration et a communication de tous les documents relatifs à la gestion du fonds.

« Lorsque le commissaire du Gouvernement estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance de l’association gestionnaire du fonds est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds, il peut s’opposer, par décision motivée, à sa mise en œuvre.

« Art. L. 515117. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la présente section. »

TITRE II

AUTRES DISPOSITIONS RELATIVES À L’AIDE INDIVIDUELLE À L’ÉMANCIPATION SOLIDAIRE

Article 3

I. – Dans le code civil, le code général des impôts, le code de la sécurité sociale, le code du service national et le livre des procédures fiscales, les mots : « revenu de solidarité active » sont remplacés par les mots : « revenu de base ».

II. – Dans le code général des impôts, le code de la sécurité sociale, le code du service national et le code du travail mots : « la prime d’activité » et « la prime d’activité mentionnée à l’article L. 841‑1 du code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « le complément de soutien à la reprise d’activité du revenu de base prévu au dernier alinéa de l’article L. 262‑2 du code de l’action sociale et des familles ».

Article 4

Les articles 1 à 3 sont applicables à compter du 1er janvier 2022.

Article 5

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La perte de recette pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 e  575 A du code général des impôts.

V. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux article 575 et 575 A du code général des impôts.

VI. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.