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N° 3750

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’instauration d’un chèque « bien manger » au profit des Françaises et des Français, favorisant la transition agroécologique du monde agricole,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Yolaine de COURSON, Matthieu ORPHELIN, Delphine BAGARRY, Delphine BATHO, Paula FORTEZA, Albane GAILLOT, Guillaume CHICHE, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Sébastien NADOT, Aurélien TACHÉ, Cédric VILLANI, Agnès FIRMIN LE BODO, Valérie PETIT, Annie CHAPELIER, Jennifer DE TEMMERMAN, Frédérique TUFFNELL, Martine WONNER, JeanPhilippe NILOR, JeanPhilippe ARDOUIN, Barbara BESSOT BALLOT, Loïc DOMBREVAL, PierreAlain RAPHAN, Annie VIDAL, Patrick VIGNAL, Isabelle VALENTIN, Olivier FALORNI, FrançoisMichel LAMBERT, Richard RAMOS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi poursuit les travaux issus des États généraux de l’alimentation, fait le lien avec le Programme national nutrition santé 2019‑2023, et prend acte des transformations qu’occasionnent la situation sanitaire et sociale en 2020.

L’objectif poursuivi est de conjuguer une bonne alimentation pour tous et d’accompagner la transition agro écologique de notre agriculture, dans une logique « Une seule santé, humaine, animale et environnementale ».

Cette approche en santé n’est pas nouvelle, mais devient fortement attendue aujourd’hui dans le contexte sanitaire de la pandémie. Le 12 novembre 2020, le ministre des affaires étrangères M. Jean‑Yves le Drian a annoncé la création d’un « Haut Conseil une seule santé », qui marque l’ambition de la France dans ce domaine.

Réaliser ce principe « Une seule santé » se construit sur la problématique majeure de cette santé globale : l’impact du réchauffement climatique dans les territoires ruraux, la transition écologique de ces territoires (énergies, biodiversité, protection du vivant, cohésion du monde rural) et en particulier la transition agro‑écologique scientifique de l’agriculture et l’accompagnement des femmes et des hommes qui la font.

Le secteur agricole est essentiel à la prise en compte de cette approche. On ne peut plus séparer production alimentaire, sauvegarde de la biodiversité et préservation des santés humaine, animale et environnementale.

Si le secteur agricole est à la fois le cœur et l’élément pivot de ces enjeux, la question de l’alimentation et de la santé globale concerne l’ensemble des acteurs du monde rural et au‑delà : habitants‑citoyens, élus et autres parties prenantes.

L’agroécologie impacte la santé environnementale et humaine. Aujourd’hui les maladies chroniques liées à une alimentation inadaptée coûtent 27 milliards d’euros chaque année à la sécurité sociale si l’on ne prend en compte que les maladies cardiovasculaires, les diabètes et les cancers ; et les personnes les plus modestes en sont les premières victimes.

Alors qu’aux États‑Unis le coût des maladies chroniques évitables s’évalue à 100 milliards de dollars, et que ce coût factorisé de l’impact sur l’ensemble de l’économie s’élève alors à 400 milliards de dollars, en France, le coût d’un chèque alimentation destiné aux 3,5 millions de foyers bénéficiaires des APL, ASS et RSA est évalué à un coût de 3 milliards d’euros.

Les Français traversent depuis cette année une crise qui s’annonce durable, mais éprouvent depuis de nombreuses années des difficultés à accéder à une alimentation saine et abordable. Alors qu’un français sur six est désormais pauvre selon le Secours catholique, et que l’accès inégal aux produits de qualité et sains occasionne des dangers réels sur la santé de nos concitoyens, le « Programme national Nutrition Santé » (PNNS) prévoit par exemple de répercuter d’un coût de 4,5 milliards d’euros pour la Sécurité sociale, les conséquences de la malnutrition qui sont aujourd’hui prioritairement l’obésité des adultes, l’obésité infantile et le diabète.

Le budget de l’alimentation est un facteur important de l’inégalité sociale. Les enfants sont malheureusement particulièrement touchés par les inégalités d’accès à une alimentation saine qui entraine des conséquences catastrophiques : un enfant d’ouvrier a quatre fois plus de risque d’être obèse qu’un enfant de cadre. Et la prévalence du surpoids des enfants chez les catégories sociales les moins favorisées est en augmentation, là où la prévalence de l’obésité chez les enfants des cadres stagne ou diminue. Et ce, dans un contexte où l’obésité infantile et adolescente a été multiplié par dix depuis quarante ans.

Cette proposition de loi veut contribuer à refermer cette inégalité d’accès à une alimentation saine en considérant la santé humaine comme objectif prioritaire. Elle propose ainsi à l’État de financer une partie du budget alimentation des ménages français.

Pour réaliser cet objectif, cette proposition de loi s’appuie sur l’un des attendus de la Convention citoyenne pour le Climat, qui projette la création d’une taxe sur les aliments surtransformés, l’intégration de la composante climat dans le PNNS, et l’instauration d’un chèque alimentation visant à combattre les effets sur la santé des aliments surtransformés.

Poursuivant cet objectif, cette proposition de loi s’inscrit aussi dans le cadre de deux stratégies de l’OMS : D’une part la stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé, qui repose sur quatre piliers : la lutte contre l’obésité, contre la consommation excessive de sucres et de sel, et en faveur d’un régime intégrant davantage de fruits et légumes, dans le but d’éviter les maladies chroniques non transmissibles. Et d’autre part, la stratégie « un monde, une santé », qui suggère une approche multisectorielle de la santé, qui englobe la santé humaine, environnementale et animale, afin de lutter contre les zoonoses et d’œuvrer en faveur de la sécurité sanitaire des aliments. Cette stratégie est le fruit d’une collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

La présente proposition de loi ambitionne de fournir à tous une alimentation saine et de qualité tout en levant les verrous qui empêchent la nécessaire transition de la production agricole et alimentaire vers un modèle plus respectueux du vivant, et plus solidaire pour les producteurs comme pour les consommateurs :

– En proposant une alternative aux obstacles techniques, fiscaux et psychologiques engendrés par un modèle agro‑écologique peu propice à la transition ;

– En créant un débouché économique pour les agriculteurs souhaitant opérer une transition ;

– En incluant les citoyens aux différentes instances existantes ou à mettre en place ;

– En faisant la promotion d’une alimentation saine, durable et dans la mesure du possible locale, dans la continuité de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (« loi EGalim ») ;

– En encourageant les comportements vertueux, garants de la préservation du vivant et des écosystèmes.

Les Français demandent à soutenir les agriculteurs français, mais éprouvent des difficultés d’accès à l’information quant aux produits alimentaires qu’ils se procurent et dont ils se nourrissent. Ainsi aujourd’hui, un effort doit être consenti pour améliorer cette information du consommateur, quand il se nourrit à son domicile ou en dehors.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à intégrer la représentation des consommateurs dans les orientations agricoles de notre pays, afin que leurs demandes et leurs choix soient davantage pris en considération lors de l’élaboration des programmes.

La proposition de loi qui vous est présentée ci‑dessous lie ces différents éléments de santé globale dans une approche simple et systémique dont le principe est le suivant : un chèque « bien manger » pour tous les Français, fléché sur des producteurs ayant effectué une transition agro‑écologique et sur des producteurs en cours de transition.

Ainsi, l’article 1, prévoit l’instauration d’un chèque « bien manger », qui permet aux Français de s’approvisionner directement auprès des commerçants de certains produits sains, durables, et de bonne qualité.

L’article 2, propose de qualifier les produits alimentaires qui sont éligibles au paiement par le chèque prévu à l’article précédent. Ces produits sont ainsi préalablement définis comme sains, de bonne qualité, et résultant d’une démarche de transition agro écologique. L’article 2 propose de définir les points de vente permettant l’usage du chèque visé à l’article 1.

L’article 3, vise à encourager la transition agro écologique, en s’appuyant sur les bénéficiaires du chèque « bien manger ». L’activité des intermédiaires locaux que sont les chambres d’agriculture, se voit enrichie des contributions des associations de consommateurs et de protection de l’environnement.

L’article 4, s’inscrit directement dans la crise sociale qui touche notre pays, et prend acte de la situation sanitaire et sociale qui va entrainer des conséquences durables. Il propose d’étendre le champ social de l’aide alimentaire afin que entités qui l’organise participent aux objectifs du Programme national nutrition santé, via la possibilité de proposer des ateliers de cuisine et de nutrition.

Cette proposition de loi poursuit l’objectif de la création d’un débouché commercial nouveau pour les produits agricoles sains, au bénéfice des agriculteurs engagés dans une démarche de transition, dans une logique incitative de vases communicants. C’est une approche Fork to farm (ou de la fourchette à la fourche), qui part des besoins et des attentes réels des populations en matière de santé, de plaisir et de moyens.

Tel est le sens de cette proposition de loi, dont les mesures présentées constituent un effort consenti en faveur de la transition écologique, et de la santé et du bien‑être des Françaises et des Français.


proposition de loi

Article 1er

Le chapitre préliminaire du titre III du livre II du code rural et de la pêche maritime est complété par un article L. 230‑5‑9 ainsi rédigé :

« Art. L. 23059. – I. – Le chèque « bien manger » permet d’acquérir des produits alimentaires auprès des établissements agréés au titre de l’article L. 230‑5‑10 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice du chèque « bien manger » est ouvert à toutes les personnes physiques résidentes en France. Le chèque comporte une valeur faciale modulée en fonction de la composition du ménage et du revenu fiscal de référence annuel de la personne bénéficiaire.

« Le montant du chèque « bien manger » est défini annuellement par le ministre chargé de l’économie. »

Article 2

Le chapitre préliminaire du titre III du livre II du code rural et de la pêche maritime est complété par un article L. 230‑5‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 230510. – Le chèque « bien manger » prévu à l’article L. 230‑5‑9 peut être utilisé pour l’acquisition auprès d’exploitations agricoles, de coopératives agricoles ou de distributeurs conventionnés par le ministre chargé de l’agriculture :

« 1° de fruits et légumes frais ;

« 2° de produits issus de l’agriculture biologique y compris les produits en conversion au sens de l’article 62 du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles ;

« 3° de produits bénéficiant de signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine ou de mentions valorisantes prévus à l’article L.640‑2 du présent code ;

« 4° de produits bénéficiant de l’écolabel prévu à l’article L. 644‑15 du même code. »

Article 3

L’article L. 511‑4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’exercice de sa mission, elle tient compte des contributions écrites des associations représentatives de l’environnement et des consommateurs présentes sur sa circonscription. Les modalités de prise en compte de ces contributions font l’objet d’une publication par voie électronique. »

Article 4

L’article L. 266‑1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de la lutte contre la précarité alimentaire, les personnes morales habilitées à fournir de l’aide alimentaire au sens de l’article L. 266‑2 organisent des ateliers de cuisine et de nutrition lors de la distribution des denrées alimentaires ».

Article 5

La charge pour l’État résultant de la présente proposition de loi est compensée, à due concurrence, par la hausse de la taxe prévue à l’article 1613 ter du code général des impôts.