Description : LOGO

N° 3761

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre l’extension de l’engrillagement de parcelles privées dans nos provinces et à renforcer le droit de propriété,

(Renvoyé à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Didier QUENTIN, Guillaume LARRIVÉ, Laurence TRASTOURISNART, Arnaud VIALA, JeanLuc REITZER, JeanYves BONY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La beauté incomparable de nos paysages et la diversité de nos provinces font l’âme de la France. Pourtant, ces richesses visuelles sont mises en péril par une pratique hélas de plus en plus courante : l’extension de l’engrillagement de parcelles privées. 

En Sologne, ces clôtures, longues de près de 5 000 kilomètres, contrarient habitants et touristes : elles enlaidissent nos paysages et perturbent notre horizon, obstruent nos chemins de promenade et empêchent la contemplation de la nature majestueuse ; plus grave, elles perturbent dangereusement la circulation des animaux, détériorent la qualité cynégétique de la faune et engendrent des risques d’épidémies, en contradiction avec la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, la préservation ou la remise en bon état des continuités écologiques. 

À ce titre, le sénateur Jean‑Noël Cardoux avertissait en ces termes l’hémicycle du Sénat, au cours d’une séance en date du 11 avril 2019 : « Ces engrillagements non seulement interrompent la continuité biologique et entravent la mobilité des animaux, mais surtout peuvent provoquer des épizooties – je songe toujours à la peste porcine africaine, qui est à nos portes. Autoriser le développement de tels engrillagements est donc extrêmement dangereux ». A la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, le législateur ne peut rester insensible devant de tels enjeux. 

Le rapport gouvernemental « Engrillagement en Sologne : synthèse des effets et propositions », paru en août 2019, fustige quant à lui « les impacts sur les continuités écologiques, la biodiversité, les risques sanitaires, la chasse et l’éthique, ainsi que les questions de nourrissage, de surdensité et de maîtrise des populations, d’illégalité de pratiques et d’artificialisation des milieux, d’image et de potentiel touristique ». 

Il rappelle également « le fait la Sologne est une région naturelle très concernée par l’engrillagement, mais qu’elle n’est certainement pas la seule (nordest, Landes…) ; à l’évidence, la question posée par la Sologne concerne à terme de nombreux territoires et sera regardée avec attention. Les aménagements législatifs et réglementaires nationaux que la mission suggère, dépassant la question solognote ». 

Pour l’ensemble de ces raisons, réglementer l’engrillagement des parcelles privées est un impérieux devoir qui s’impose à la représentation nationale.

Pour ce faire, la présente proposition de loi vise à apporter deux réponses fortes et équilibrées : 

1. La première consiste à interdire toute nouvelle clôture qui ne permet pas la libre‑circulation de la faune dans les zones de continuité écologique. Il s’agit aussi de développer parallèlement les clôtures en matériaux naturels, tels que la brémaille. En revanche, resteraient autorisées les clôtures permettant d’assurer la tranquillité du propriétaire d’un terrain, dans la limite de dix hectares autour de l’habitation principale, ou assumant un rôle de sécurité routière.

2. La seconde, et de façon complémentaire, relève aussi du législateur qui doit rappeler avec force que le droit de propriété, inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, est un droit fondamental. En ce sens, son respect doit être garanti par les pouvoirs publics contre toute forme d’intrusion et de dégradation. Or, à ce jour, la loi française ne sanctionne pas pénalement la pénétration sur le terrain d’autrui, même entouré d’une clôture, tant qu’aucun dommage n’est causé. En revanche, en l’état du droit actuel, un propriétaire peut voir sa responsabilité engagée sur fondement de l’article 1242 du code civil si une tierce personne se blesse dans sa propriété.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise aussi à créer un délit d’intrusion de propriété. Il serait également souhaitable de doubler les effectifs de terrain de l’Office Français de la Biodiversité, pour mieux protéger le droit de propriété et contrôler les pratiques illégales de la chasse.

Le législateur a aussi le devoir de réaffirmer que la chasse fait partie de nos traditions et qu’elle n’est aucunement remise en cause par cette proposition de loi ; qu’elle est un droit mais qu’elle comporte des devoirs, à savoir être exemplaire, responsable et exigeante.

Ainsi, la présente proposition de loi est à la croisée de nombreux enjeux, et assume l’ambition de rechercher un compromis intelligent et équilibré entre le droit de propriété et la tradition d’une ruralité ouverte, le droit de chasse et la préservation de la biodiversité, la défense de l’environnement et l’attractivité économique de nos territoires. C’est cet équilibre qui permettra de stopper l’absurde engrillagement de nos territoires, de protéger la biodiversité et de garantir le droit de propriété. En Sologne comme partout en France.

Fruit d’années de combats, en lien avec de nombreux acteurs et à l’initiative de l’opposition de la droite et du centre, c’est dans cet esprit que la majorité des élus de la Région Centre‑Val de Loire a voté au mois de décembre 2018 un amendement historique préconisant pour la première fois des règles sur l’édification des clôtures. 

Pour lutter pleinement à l’échelle nationale contre le phénomène de l’engrillagement et les risques qui y sont associés, il vous est donc demandé de sécuriser les décisions des exécutifs locaux et d’apporter des réponses complémentaires en la matière.

 


proposition de loi

Article 1er

Le I de l’article L. 424‑3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Dans les zones de continuité écologique, il n’est pas autorisé de bâtir une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins, afin de permettre le passage de la faune. Par ailleurs, les nouvelles clôtures doivent être en matériaux naturels. Toutefois, la clôture continue et constante peut être édifiée uniquement autour des terrains d’une surface maximale de dix hectares autour de l’habitation principale.

« Par exception à l’alinéa précédent, les terrains contigus à une voie routière ou ferroviaire peuvent faire l’objet, le long de ces voies, d’une dérogation dans les cas précis de sécurité routière, sur demande du maire et à l’appréciation du préfet »

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les propriétaires, possesseurs ou leurs ayant droit sont tenus de laisser l’accès à leurs possessions, à l’exception de leur domicile, à tout moment, aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l’article L. 170‑1 et aux officiers et agents mentionnés à l’article L. 172‑1 du présent code dès lors qu’ils exercent une activité soumise au présent titre.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture détermine les motifs patrimoniaux et historiques pour lesquels les dispositions du présent article ne sont pas applicables. »

Article 2

L’article L. 331‑26 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de s’introduire sur le terrain d’autrui, tel que défini à l’article L. 424‑3, sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit, même en l’absence de dommages causés, est un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »