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N° 3848

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 février 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre les individus violents lors de manifestations,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pascal BRINDEAU, JeanChristophe LAGARDE, Sophie AUCONIE, Thierry BENOIT, Guy BRICOUT, Béatrice DESCAMPS, Philippe DUNOYER, Yannick FAVENNECBÉCOT, Philippe GOMÈS, Meyer HABIB, Grégory LABILLE, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Nicole SANQUER, Valérie SIX, Agnès THILL, Michel ZUMKELLER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis de trop nombreuses années, les manifestations en France sont souvent victimes de la présence d’individus faisant incursion dans les cortèges afin de détruire, brûler, casser, piller et s’en prendre violemment à nos forces de l’ordre.

À chaque manifestation d’envergure, les Français estomaqués assistent aux mêmes images : des abris bus détruits, des voitures brûlées, des banques et des assurances dégradées, des commerces pillés et des policiers régulièrement passés à tabac.

Que ce soit au moyen de cocktails Molotov, de poings américains, de barres à mine, de boules de pétanques, de marteaux, de pioches, de barrières métalliques, de bombes de peinture, de clous et de vis, tous les objets, même les plus hétéroclites, servent à saccager, à piller, à détruire et à blesser nos forces de l’ordre.

Ces destructions et ces affrontements sont devenus quasi systématiques à tel point, qu’ils ne surprennent plus personne et qu’ils relèguent souvent au second plan les messages initiaux que souhaitaient délivrer les manifestants venus pacifiquement.

Parmi ces individus, on observe notamment ceux qui ont pris l’habitude de participer aux « Black Blocs ».

Leur modus operandi est toujours le même : ils se fondent dans la manifestation à l’image de manifestants ordinaires, puis se vêtissent d’habits, de protections et de masques de couleur sombre et finalement se regroupent pour casser du mobilier urbain, dégrader des commerces et affronter les forces de l’ordre. Une fois leurs actions terminées, ils endossent des habits de couleurs pour se fondre à nouveau dans la foule.

Comme l’expliquait Gérard COLLOMB « tout l’art des Black Blocs est de se mélanger parmi les gens pour faire en sorte qu’il y ait des blessés et des morts si la police intervient ».

La liste des manifestations, qui ont laissé place à un paysage de désolation fait de bris de verre, de pavés déchaussés ou de carcasses incendiées, est longue (manifestations contre la loi Travail, 1er Mai, manifestations des gilets jaunes, etc.).

Lors de ces scènes de violences urbaines, les forces de l’ordre doivent quant à elles essuyer pendant plusieurs heures des pluies de projectiles et subir des violences inacceptables.

À Paris, lors de la manifestation contre la loi « sécurité globale » de nombreux policiers et gendarmes ont été blessés. Un policier, alors qu’il venait d’être poussé au sol et qu’il se voyait roué de coups de pied, a été sauvé in extremis par un de ses collègues.

Ces scènes de guérillas urbaines, intolérables au sein de notre société, doivent être combattues avec force et détermination.

Il est inadmissible que les manifestants pacifiques se fassent constamment confisquer le message qu’ils souhaitaient délivrer par les agissements d’individus haineux et violents ne désirant que le chaos. Il est inacceptable que les commerçants, les banques et les restaurateurs soient terrifiés par l’état dans lequel ils pourront trouver leur enseigne au passage de cortèges. Enfin, il est intolérable que nos forces de l’ordre soient constamment prises pour cible.

La présente proposition de loi entend donc contribuer à la lutte contre ces scènes de guérillas urbaines en interdisant, sous certaines conditions, aux personnes les plus violentes de participer à des manifestations. Ces interdictions administratives très encadrées permettront de toucher les individus violents que nos forces de l’ordre n’ont pas réussi à appréhender ou qui n’ont pas été encore jugés. Afin de les tenir écartés des manifestations, ceuxci pourront donc être amenés à pointer au commissariat de police. Tel est le cœur de cette proposition de loi.

Concrètement, les personnes constituant des menaces particulièrement graves pour l’ordre public et dont les agissements auront conduit aux violences ou aux dégradations mentionnées plus haut pourront se voir interdire, par un arrêté motivé du Préfet ou du Préfet de police à Paris, de participer à une manifestation au cours de laquelle de telles atteintes et dommages sont susceptibles d’avoir lieu. Ces personnes pourront également se voir interdire de prendre part à toute manifestation sur l’ensemble du territoire national pour une durée ne pouvant pas excéder 10 jours. Le nonrespect de ces interdictions sera puni de trois ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Au moment de ces manifestations, ces personnes, à l’image des mesures prises à l’égard des hooligans dans le monde du football, pourront être amenées à pointer au commissariat de police. La méconnaissance de cette obligation sera, quant à elle, punie d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

Les dispositions, qui s’inspirent de l’article 3 de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, ont été modifiées afin de répondre à la décision du Conseil Constitutionnel.

 

 


proposition de loi

Article unique

La section 1 du chapitre IER du titre IER du livre II du code de la sécurité intérieure est complétée par un article L. 211‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 21141. – Lorsqu’une personne constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public par ses agissements ou par la commission d’un acte violent, ayant entraîné des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ou à des dommages importants aux biens à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique organisée il y a moins d’un an, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, lui interdire de participer à une manifestation sur la voie publique ayant fait l’objet d’une déclaration ou dont il a connaissance, lorsqu’il estime que cette manifestation peut donner lieu à de telles atteintes et dommages.

« L’arrêté précise la manifestation concernée ainsi que l’étendue géographique de l’interdiction, qui doit être proportionnée aux circonstances et qui ne peut excéder les lieux de la manifestation et leurs abords immédiats ni inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne intéressée.

« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne mentionnée au premier alinéa est susceptible de participer à toute autre manifestation concomitante sur le territoire national ou à une succession de manifestations et peut ainsi, par ses agissements ou par la commission d’un acte violent, entraîner des atteintes et dommages visés au même premier alinéa, le représentant de l’État dans le département de résidence de la personne concernée ou, lorsqu’elle réside à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, lui interdire de prendre part à toute manifestation sur l’ensemble du territoire national pour une durée qui ne peut excéder 10 jours.

« Le représentant de l’État dans le département de résidence de la personne concernée ou, lorsqu’elle réside à Paris, le préfet de police peut également imposer à la personne faisant l’objet d’une interdiction prévue aux premier ou troisième alinéas de répondre, au moment de la ou des manifestations, aux convocations de toute autorité qu’il désigne. Cette obligation est proportionnée à la menace mentionnée aux mêmes alinéas.

« Lorsque la manifestation a fait l’objet d’une déclaration, l’arrêté pris sur le fondement des premier ou troisième alinéas est notifié à la personne concernée au plus tard quarante‑huit heures avant son entrée en vigueur. Lorsque le défaut de déclaration ou son caractère tardif a empêché l’autorité administrative de respecter ce délai, l’arrêté est notifié à la personne concernée par tout moyen avant le début effectif de la manifestation et entre en vigueur au moment de sa notification.

« Lorsque l’arrêté pris sur le fondement des mêmes premier ou troisième alinéas fait l’objet du recours prévu à l’article L. 521‑2 du code de justice administrative, la condition d’urgence n’est pas requise.

« Le fait pour une personne de participer à une manifestation en méconnaissance de l’interdiction prévue aux premier ou troisième alinéas du présent article est puni de trois ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

« Le fait pour une personne de méconnaître l’obligation mentionnée au quatrième alinéa est puni d’an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. »