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N° 3867

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 février 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à combattre et à pénaliser les prédications subversives et séditieuses,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Nicolas DUPONTAIGNAN et José EVRARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis les meurtres perpétrés par Mohammed Merah en 2012, la France est la cible d’attentats terroristes islamistes. Tous les terroristes qui ont frappé notre pays ont été radicalisés sous l’influence d’une ou plusieurs formes de fondamentalisme islamiste.

Comme toutes les formes d’extrémisme religieux, les doctrines et organisations islamistes ont totalement dévoyé la religion pour en faire une idéologie fanatique, devenue le terreau d’une barbarie qui tue dans les rues de France.

L’islamisme a d’ailleurs depuis longtemps désigné les musulmans opposés à leur radicalité comme ses ennemis. Selon le centre de réflexion Fondapol, 82 % des 167 000 morts du terrorisme islamiste depuis 40 ans sont des victimes musulmanes. L’objectif des islamistes est clair : attaquer notre civilisation par tous les moyens, y compris en voulant diviser nos concitoyens selon leurs croyances religieuses ou non‑religieuses.

Le terrorisme islamiste est le bras armé des fondamentalistes qui affirment la supériorité de leurs croyances religieuses sur les droits de l’Homme, les principes de la République et les valeurs de la civilisation française. Les frontières entre les discours et les actes n’ont jamais été et ne seront jamais clairement définies. La doctrine empoisonne l’esprit des futurs terroristes dont les crimes nourrissent à leur tour la ferveur des prédicateurs à la recherche de « martyrs » pour faire valoir leur fanatisme.

Telle une trainée de poudre, les prédicateurs ont multiplié les associations pseudo‑culturelles et les œuvres de fausse charité, les mosquées et autres lieux de culte, les livres, brochures et vidéos. Ils sévissent dans tous les médias modernes et les réseaux sociaux, sans jamais avoir rencontré de réponse ferme de la part de la République.

Faute de base légale pour combattre l’idéologie à la source du péril terroriste, l’État ne peut intervenir que bien trop tard dans le processus de radicalisation. La France est aussi désarmée pour apporter une réponse culturelle frontale à cette idéologie faute de désigner clairement l’ennemi à combattre.

La République doit pénaliser la prédication et la diffusion des doctrines qui combattent nos valeurs et mènent à la violence, c’est‑à‑dire des idéologies subversives et séditieuses.

Toutes les prédications subversives et séditieuses diffusent le poison de la guerre religieuse et sèment les graines d’une guerre civile. À ce titre, ces idéologies ne relèvent pas de la liberté de conscience mais constituent une menace pour la République.

La pénalisation de la diffusion des idéologies subversives et séditieuses est fidèle aux limites prévues dès 1789 par la Déclaration des droits de l’Homme et des Citoyens à l’article 10 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

Ces idéologies constituent aussi une menace objective contre notre sécurité et les intérêts fondamentaux de notre Nation, ces doctrines étant bien souvent liées à des organisations ou États étrangers.

La pénalisation du prêche, de l’enseignement et de la diffusion des idéologies subversives et séditieuses au même titre que le négationnisme, le racisme, l’antisémitisme ou l’homophobie est une réponse légale proportionnée et fidèle à l’État de droit.

C’est la seule solution pour permettre à l’action judiciaire d’intervenir à la source du processus de radicalisation politico‑religieuse qui peut mener à la commission des faits terroristes, sans pour autant attenter à la liberté des individus, puisque cette intervention s’effectue dans le respect du principe de légalité et de proportionnalité des délits et des peines.

Les nations d’Europe ont, par le passé, péché par naïveté envers des idéologies haineuses qu’elles auraient pu et dû circonscrire avant que leur folie meurtrière ne frappe cruellement nos civilisations.

Il est donc légitime et nécessaire de déclarer toutes les prédications subversives et séditieuses comme hors‑la‑loi et de donner à l’État tous les moyens pour les faire disparaître de notre territoire.

L’État de droit dispose de tous les outils nécessaires pour faire reculer les idéologies barbares et violentes, tout en préservant la liberté de conscience et la concorde civile. C’est justement en agissant avec fermeté contre les extrémistes que nous protégerons durablement ceux qui cultivent leur foi et pratiquent leur religion en paix.

L’article 1 ajoute l’incrimination de « prédication subversive et séditieuse » à la dénomination de la section 1 du chapitre II du titre 1er du livre IV du code pénal.

L’article 2 définit la « prédication subversive et séditieuse » comme « le prêche, l’enseignement ou la diffusion par des paroles ou des écrits d’une idéologie ou de croyances ayant pour objet ou effet d’inviter à faire prévaloir la conformité à un texte religieux ou une doctrine sur le respect des principes constitutionnels de la République et ses valeurs fondamentales ».

Contre les prédicateurs subversifs et séditieux est créée une peine d’emprisonnement de 10 ans et une amende de 100 000 euros.

Si le prédicateur est étranger, cette peine est complétée par une interdiction du territoire français. S’il est binational français et étranger, le prédicateur est déchu de la nationalité française et interdit du territoire national.

L’article 3 prévoit une infraction spécifique punie d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende pour ceux qui sont les « complices moraux » des prédicateurs subversifs et séditieux, à savoir toute personne qui écoute ou étudie une prédication subversive et séditieuse sur tout support, oral ou écrit, ou qui fréquente des sites internet diffusant cette idéologie, ce de façon volontaire et répétée.

Si ce complice moral est étranger, cette peine est complétée par une interdiction du territoire français. S’il est binational français et étranger, il est déchu de la nationalité française et interdit du territoire national.

L’article 4 dispose que le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire, et le Préfet, dans le département de son ressort, peuvent dissoudre tout groupe subversif et séditieux, mais aussi ordonner la fermeture de leurs lieux de culte ou de tout lieu où se tient une prédication subversive et séditieuse.

Il modifie l’article L. 227‑1 du code de la sécurité intérieure pour faciliter la fermeture des lieux de culte qui diffusent une prédication subversive et séditieuse ou favorisent ces prédications.

L’article 5 modifie l’article 706‑23 du code de procédure pénale afin que les sites internet subversifs et séditieux puissent être fermés par le juge des référés à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

L’article 6 élargit l’apologie du terrorisme défini par l’article 421‑2‑5 du code pénal à toute personne soutenant une idéologie ou des croyances justifiant le recours à la violence physique.

L’article 7 élargit aux organisations terroristes ainsi qu’aux groupes subversifs et séditieux l’application des articles 411‑2 à 411‑11 pénalisant les intelligences avec l’ennemi et leur provocation en précisant leur champ d’application à l’article 411‑1 du même code.


proposition de loi

Article 1er

À l’intitulé de la section 1 du chapitre II du titre 1er du livre IV du code pénal, les mots : « et du complot » sont remplacés par les mots : « , du complot, de la prédication subversive et séditieuse ».

Article 2

La section 1 du chapitre II du titre 1er du livre IV du code pénal est complétée par un nouvel article 412‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. 41221. – Une prédication subversive et séditieuse consiste dans le prêche, l’enseignement ou la diffusion par des paroles ou des écrits d’une idéologie ou de croyances ayant pour objet ou effet d’inviter à faire prévaloir la conformité à un texte religieux ou une doctrine sur le respect des principes constitutionnels de la République et ses valeurs fondamentales ».

« Est considéré comme auteur d’une prédication subversive et séditieuse le prédicateur lui‑même ou toute personne qui diffuse une telle prédication. La prédication subversive et séditieuse est punie d’une peine d’emprisonnement de 10 ans et d’une amende de 100 000 euros d’amende.

« Si l’auteur de l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent article est de nationalité étrangère, cette peine est complétée par une expulsion et une interdiction du territoire français. S’il est ressortissant français ainsi que d’au moins un autre État, l’auteur est déchu de la nationalité française, interdit et expulsé du territoire français. »

Article 3

La section 1 du chapitre II du titre 1er du livre IV du code pénal est complétée par un nouvel article 412‑2‑2 ainsi rédigé :

« Art. 41222.  Le fait d’écouter ou d’étudier volontairement et régulièrement une prédication subversive et séditieuse sur tout support, oral ou écrit, ou de fréquenter des sites internet diffusant cette idéologie, est puni d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende.

« Si l’auteur de l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent article est de nationalité étrangère, cette peine est complétée par une interdiction du territoire français. S’il est ressortissant français ainsi que d’au moins un autre État, l’auteur est déchu de la nationalité française et interdit du territoire national. »

Article 4

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L’article L. 212‑1, est complété par des 8° et 9° ainsi rédigés :

« 8° Ou qui sont responsables de prédication subversive et séditieuse au sens de l’article 412‑2‑1 du code pénal ;

« 9° Ou qui sont responsables de tout lieu où est diffusée une prédication subversive et séditieuse au sens de l’article 412‑2‑1 du code pénal. »

2° Après le chapitre IV du titre II du livre II, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :

« Chapitre VI bis

« Fermeture des lieux de culte

« Art. L. 2241. – Le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire, et le représentant de l’État dans le département, dans le territoire de son ressort, peuvent ordonner la fermeture provisoire des lieux de culte ou de tout lieu où se tient une prédication subversive et séditieuse. »

3° Le premier alinéa de l’article L. 227‑1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette fermeture peut également être prononcée contre des lieux de culte ou associations diffusant une prédication subversive et séditieuse ou qui favorisent ces prédications au sens de l’article 412‑2‑1 du code pénal. »

Article 5

L’article 706‑23 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 70623. – L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits survenus aux articles 412‑2‑1 et 421‑2‑5 du code pénal, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. »

Article 6

Le premier alinéa de l’article 421‑2‑5 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Est notamment considéré comme auteur de la présente infraction toute personne soutenant une idéologie ou des croyances justifiant le recours à la violence physique comme forme politique d’action. »

Article 7

L’article 411‑1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 4111.  Les faits définis par les articles 411‑2 à 411‑11 constituent la trahison lorsqu’ils sont commis par un Français, un militaire au service de la France, une organisation terroriste ou un groupe subversif et séditieux au sens de l’article 412‑2‑1 du présent code.

« Les faits définis par les articles 411‑2 à 411‑11 constituent de l’espionnage lorsqu’ils sont commis par toute autre personne, y compris morale, énumérés au premier alinéa du présent article. »