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N° 3896

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2021.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

relative à la reconnaissance du vote blanc pour l’élection présidentielle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean LASSALLE, Bertrand PANCHER, Jeanine DUBIÉ, Jennifer DE TEMMERMAN, JeanMichel CLÉMENT, Michel CASTELLANI, JeanFélix ACQUAVIVA, PaulAndré COLOMBANI, Sébastien NADOT, Sylvia PINEL, Benoit SIMIAN, Martine WONNER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le suffrage universel est un fondement essentiel de notre démocratie, comme le dispose notre Constitution. « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2). « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (article 3).

Notre Constitution, depuis sa création, dans la partie concernée par l’élection du président de la République, a été modifiée et ces quelques modifications ont suivi les évolutions sociétales dans une démocratie qui se veut saine. Les avancées les plus significatives sous la Ve République sont les modifications de la Constitution qui rejoignent les nécessités démocratiques exprimées par les citoyens. Ainsi, depuis la révision constitutionnelle du 6 novembre 1962, le chef de l’État est élu au suffrage universel direct et non plus, comme initialement en 1958, par un collège de grands électeurs. En l’an 2000, le mandat présidentiel est passé de sept à cinq ans.

Selon l’article 7 de la Constitution, « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Si cette majorité n’est obtenue par aucun candidat à l’issue du premier tour (ce qui a été le cas dans toutes les élections présidentielles jusqu’à ce jour), il y a "ballottage" et il est procédé à un second tour. C’est à ce stade que les Français, lors des dernières élections présidentielles, ont significativement reconnu les limites considérables de ce suffrage et des outils électoraux pour exprimer pleinement leur opinion.

Un socle électoral solide, issu de scrutins marqués par une forte participation des électeurs inscrits, a longtemps assuré un fonctionnement stable de nos institutions. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, car la faible participation aux différents scrutins porte atteinte à la légitimité des élus. En effet, depuis plusieurs décennies nous assistons à une augmentation massive de l’abstention, toutes élections confondues. Lors de la présidentielle de 2017, l’abstention était de 22,23 % au 1er tour et de 25,44 % au 2nd tour. Un record depuis 1969. Aux législatives 2017, l’abstention a également atteint un taux record avec 51,3 % au 1er tour et 57,36 % au 2nd tour.

Notre démocratie est en danger. Le peuple signifie qu’il n’a plus ni la voix pour se révolter démocratiquement, ni le pouvoir suffisant pour changer fondamentalement le cours de notre histoire. Pour lutter contre l’abstention, plusieurs solutions ont été proposées. Parmi elles, le changement du mode de scrutin, avec une meilleure représentativité des diverses opinions et la reconnaissance effective du vote blanc.

Le contexte électoral a changé ces dernières années, rendant urgente et impérative la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé. En effet, le vote blanc est l’expression d’une pensée affirmée : « Je participe au vote mais aucun des candidats, aucun des projets ne correspond à mes attentes ». Il se différencie bien de l’abstention. Le vote blanc permet de signifier aux candidats que les citoyens non‑satisfaits attendent encore davantage de ce qui leur est proposé. Ils considèrent qu’ils ne sont ni compris ni entendus.

La loi du 21 février 2014 a modifié l’article L. 65 du code électoral : « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procèsverbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins ». Ainsi le vote blanc est seulement comptabilisé à part mais il n’est pas pris en compte dans les suffrages exprimés. Pourtant, au 2nd tour de la présidentielle 2017, 3 021 499 votes blancs (8,52 % des votants) ont été comptabilisés.

Par la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés, cette proposition de loi constitutionnelle, dans son article 1er, permettra de donner toute sa dimension au droit de vote. L’article 2 institue de nouvelles règles électorales en cas de non‑obtention de la majorité absolue. Ces mesures seront une grande avancée pour notre démocratie qui pourra s’appuyer sur une plus grande légitimité du Président élu.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi constitutionnelle.

En outre, il conviendra d’avoir cette même ambition pour les élections municipales, départementales, régionales, législatives, européennes et les scrutins référendaires, régies par le code électoral.

 

 


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Le premier alinéa de l’article 7 de la Constitution est ainsi modifié :

I. – Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés lors du premier et du second tour. Il en est fait mention dans les résultats des scrutins. »

II. – Au début de la deuxième phrase, les mots : « Si celle‑ci », sont remplacés par les mots : « Si la majorité absolue ».

Article 2

Après le premier alinéa de l’article 7 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si la majorité absolue n’est pas atteinte au second tour, le Conseil constitutionnel prononce l’invalidation de l’élection du Président de la République et déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales, du premier et du second tour, au plus tard trente‑cinq jours après cette invalidation. »