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N° 3907

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à prévoir l’imprescriptibilité pour les actes d’inceste
et de pédophilie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme MarieFrance LORHO,

députée.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que la parole se libère peu à peu sur les actes d’inceste et de pédophilie, il semble aujourd’hui nécessaire d’adapter notre droit au regard de l’évolution de notre société. Il apparaît aujourd’hui que la libération sexuelle des années 60 a entraîné de graves dérives avec lesquelles notre droit doit être aujourd’hui le plus ferme. 

Nos enfants constituent l’avenir de l’humanité. Porter atteinte à leur intégrité, c’est s’attaquer à l’intégrité de notre humanité. Cela constitue un crime contre l’Humanité et doit donc faire l’objet d’un régime juridique qui échappe à une quelconque prescription. Il est nécessaire que l’action publique, comme celle des victimes puissent se déclencher à tout moment. Cela se justifie par la gravité de ces actes. La pédophilie est l’un des pires crimes qui soit. Notre devoir en tant que législateur, notre honneur en tant civilisation, est de n’avoir aucune tolérance pour ceux qui s’en sont rendus coupables.

Il n’est pas disproportionné d’appliquer à ces crimes le régime de l’imprescriptibilité. Les victimes d’inceste et de pédophilie mettent des années, toute une vie et parfois même ne se remettent jamais des déviances qu’elles ont subies. L’imprescriptibilité leur permettrait ainsi de ne pas faire face à un déni de justice lorsqu’à un moment, elles auront su trouver le courage de s’élever contre leurs bourreaux.

Il s’agit ici de protéger nos enfants et de faire passer un message très clair quant à la fin de l’impunité pour ceux qui constituent la lie de l’humanité. Ce texte ne prétend pas apporter toutes les solutions sur des problématiques liées à l’atteinte à l’intégrité des mineurs : administration et conservation de la preuve sur le long terme, charge de la preuve, application stricte et sans aucune tolérance de la loi déjà en vigueur visant à sanctionner avec justesse les crimes commis et à produire un effet dissuasif sont autant de problématiques sur lesquelles une réflexion doit être portée afin de parfaire notre arsenal juridique.

Prévoir l’imprescriptibilité pour de tels crimes, c’est ne rien enlever aux droits des personnes mises en causes tout en ajoutant des droits aux victimes. L’imprescriptibilité n’affectera en rien notre système judiciaire tout en permettant aux victimes d’agir lorsqu’elles en auront trouvé la force.

Sur le plan du droit, le mot inceste a fait son entrée dans le code pénal en 2016. Il désigne les viols et agressions sexuelles commises sur un mineur par un ascendant, un frère ou une sœur, mais aussi par un oncle, une tante, un neveu ou une nièce « si cette personne a sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Sont également concernés les conjoints concubins pacsés de ces adultes ainsi que le tuteur ou la personne ayant l’autorité parentale. Deux ans plus tard, la loi du 3 août 2018 porte le délai de prescription pour le crime de viol sur mineur à trente ans à compter de la majorité de la victime, contre vingt auparavant. Aujourd’hui le sénat souhaite inscrire dans le droit français l’interdiction de tout rapport sexuel avec un mineur de moins de 13 ans. Cette proposition de loi aura notamment pour vocation de porter à 18 ans l’âge en dessous duquel la qualification de viol sur mineur peut être retenue.

Les diverses atteintes à l’intégrité de nos enfants ont ainsi fait l’objet de plusieurs évolutions législatives sans que jamais l’imprescriptibilité ne soit évoquée. Ce tabou, comme les autres, doit tomber et faire l’objet d’un débat.

L’imprescriptibilité en matière pénale est aujourd’hui un régime juridique réservé aux crimes contre l’humanité. En France, ce régime juridique, est consacré par la loi n° 64‑1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité qui dispose dans un article unique que : « Les crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par la résolution des Nations Unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l’humanité, telle qu’elle figure dans la charte du tribunal internationale du 8 août 1945, sont imprescriptibles par leur nature ».

Aujourd’hui et depuis la loi du 27 février 2017, la prescription en matière criminelle est de 20 ans. Ce principe souffre toutefois des exceptions, qui, au fil des années, se sont multipliées et les délais ont été allongés pour certaines infractions. Ces différents délais de prescription ont été adaptés afin que notre justice ne puisse pas être prise en défaut. Le délai de prescription doit être fonction de la gravité de l’infraction. Pierre Bayle disait en ce sens qu’« Il n’y a point de prescription contre la vérité : les erreurs pour être vieilles n’en sont pas meilleurs ». De la même façon, rien ne justifierait le principe selon lequel, un crime, pour être ancien, devrait être oublié. Rien ne saurait accroître plus le sentiment d’impunité, en particulier lorsqu’il s’agit de crimes parmi les plus graves. Les victimes n’oublient jamais, le droit ne doit donc jamais les oublier. Pour ces victimes, la bonne administration de la justice fait partie intégrante du processus de reconstruction.

Il ne sera jamais assez répété que la protection de nos enfants, sous toute ses formes, doit être une priorité absolue pour tous.

La prescription porte un réel préjudice aux victimes en ce qu’elle les prive de la réparation à laquelle elle devrait avoir droit, mais aussi en ce qu’elle leur dénie la justice. D’un autre côté, la prescription une fois acquise dans les affaires de cette gravité peut entraîner de graves atteintes à notre système judiciaire, au droit au procès équitable, et par conséquent à la démocratie. Dans certaines situations, les personnes mises en causes, du fait de l’acquisition de la prescription, seront jugé par l’opinion publique et le tribunal médiatique sans avoir la possibilité de se défendre à l’occasion d’un procès équitable et d’être, le cas échéant, lavées de tout soupçon. 

De par sa nature exorbitante et les questions juridiques particulières que l’imprescriptibilité implique, la proposition de loi est apparue comme le véhicule législatif le plus adapté pour porter cette question à l’attention de la représentation nationale, sans qu’elles soient mélangée avec les autres sujets qui peuvent concerner les violences sexuelles sur mineurs.

L’article 1er de la proposition de loi a pour objet de rendre imprescriptibles les infractions d’atteinte sexuelle sur mineur notamment lorsqu’elles ont un caractère incestueux.

L’article 2 de la proposition de loi a pour objet d’une part de porter à 18 ans l’âge prévu pour être considéré comme victime mineur du viol et entraînant l’application des circonstances aggravantes et d’autres part, de manière subséquente, de rendre imprescriptible l’infraction de viol sur un mineur de moins de 18 ans, notamment lorsque celui‑ci a été commis par une personne entrant dans la définition juridique de la relation incestueuse.

L’article 3 de la proposition de loi rempli le même objectif que l’article 2 en ce qui concerne les autres agressions sexuelles.

L’article 4 de la proposition de loi a pour objet d’appliquer la même imprescriptibilité pour les viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux.


proposition de loi

Article 1er

La section 5 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 227‑27‑4 du ainsi rédigé :

« Les infractions prévues aux articles 227‑25 à 227‑27‑3 du code pénal sont imprescriptibles. « 

Article 2

I. – L’article 222‑24 du code pénal est ainsi modifié :

1° Après le mot « de », la fin du 2° est ainsi rédigée : « moins de 18 ans »

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les infractions prévues au 2° et 4° du présent article sont imprescriptibles. « 

II. – L’article 227‑25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle, le fait, pour un majeur, d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de moins de dix‑huit ans est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende ».

Article 3

I. – L’infraction prévue au 2° de l’article 222‑28 du code pénal est imprescriptible.

II. – « Après le mot : « de », rédiger ainsi la fin de l’article 222‑29‑1 du code pénal est ainsi modifié :

« Après la troisième occurrence du mot : « de », rédiger ainsi la fin de l’article 222‑29‑1 du code pénal : «  moins de 18 ans. L’infraction prévue à l’alinéa précédent est imprescriptible ».

Article 4

Le paragraphe 3 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complété par un article 222‑31‑3 ainsi rédigé :

« Art. 222313. – Les infractions prévues aux articles 222‑31‑1 et 222‑31‑2 du code pénal sont imprescriptibles. »