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N° 3925

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à favoriser l’inclusion sociale, au sein même de leur lieu de vie, des personnes âgées ou handicapées en créant un statut de salarié cohabitant,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Dominique POTIER et les membres du groupe Socialistes(1) et apparentés(2),

députés.

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Marie-Noëlle Battistel, Gisèle Biémouret, Jean‑Louis Bricout, Alain David, Laurence Dumont, Olivier Faure, Guillaume Garot, David Habib, Chantal Jourdan, Marietta Karamanli, Jérôme Lambert, Gérard Leseul, Philippe Naillet, George Pau‑Langevin, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur‑Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory.

(2) Mesdames et Messieurs : Christian Hutin, Régis Juanico, Serge Letchimy, Josette Manin.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’inscription récente dans le code de l’action sociale et des familles du chapitre unique du CASF : « Habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées (Articles L. 281‑1 à L. 281‑4) » a consacré l’intérêt des formules qui permettent à des personnes handicapées ou âgées de « vivre chez elles sans être seules », c’est‑à‑dire d’habiter chez elles tout en bénéficiant, dans certains cas, du soutien relationnel d’autres personnes ayant fait le même choix.

Plusieurs dispositifs d’habitat inclusif reposent ainsi sur une cohabitation effective de personnes handicapées et de personnes valides. Il s’agit, en général, d’un logement sur place de tout ou partie des salariés qui, au‑delà de leur temps de travail, partagent la vie ordinaire des personnes âgées ou handicapées, comme le feraient des colocataires.

Appuyées dans leur choix de vie, dans une atmosphère de soutien mutuel, les personnes âgées ou handicapées prennent ainsi réellement part à la gestion de leur vie quotidienne, dans le respect des rythmes de vie et des capacités de chacun.

Cette réalité, riche en lien social, rend impossible un calcul horaire de la durée de travail des salariés concernés.

Il faut donc prévoir, pour les salariés qui font le choix de cette vie partagée, la faculté de décompter leur temps de travail en jours en la faisant dépendre de la tâche effectuée et de son mode d’exercice, à savoir :

– un accompagnement de vie quotidienne, sur un lieu de travail qui est aussi le lieu de vie du salarié ;

– les activités financées par le forfait Habitat inclusif prévu par la loi ELAN, l’AVP (Aide à la Vie Partagée), elle aussi récemment inscrite au CASF, lorsque le salarié choisit de vivre au sein de l’Habitat inclusif.

Le développement des Habitats inclusifs, au sens de la loi ELAN, permet de diversifier mais aussi de faire évoluer l’offre fournie par les établissements médico‑sociaux autorisés en application de l’article L. 313‑1.

Il n’y a donc pas lieu d’opposer les réponses apportées dans les habitats de droit commun et dans les établissements médico‑sociaux, mais au contraire d’encourager, autant que nécessaire, la mise en œuvre des solutions innovantes, qui favorisent l’inclusion des personnes âgées ou handicapées au sein même de leur lieu de vie, quel qu’il soit.

La promotion d’un environnement de travail de qualité passe par l’expérimentation d’organisations innovantes, comme l’affirme le plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand‑âge, établi par Myriam El Khomri en 2019. C’est le cas de la méthode Buurtzorg – littéralement « soin de proximité » – qui repose sur la mise en place d’équipes autonomes d’infirmiers ou d’auxiliaires de vie intervenant sur une zone géographique délimitée, proche de leur domicile. Le choix, pour un salarié, du même lieu de résidence que des personnes âgées ou handicapées peut être considéré comme une déclinaison du Buurtzorg, plus significativement orientée vers la permanence relationnelle.

Ces formes de vie « chez soi mais partagée » sont de nature à jouer un rôle catalyseur de certaines transformations nécessaires de l’offre médico‑sociale :  en permettant d’expérimenter de modes nouveaux d’intervention, elles peuvent offrir des perspectives professionnelles et des environnements de travail diversifiés, dans un contexte où l’attractivité des métiers de l’accompagnement est à réinventer. À l’aune notamment de l’accélération du vieillissement de la population, elles portent donc la promesse d’un continuum de santé publique qui ouvre la voie à une société du « prendre soin ».

À l’instar de la faculté, déjà reconnue aux « Lieux de vie et d’accueil » (article L. 433‑1 du CASF), de proposer aux salariés volontaires une mesure de leur durée du travail en forfaits‑jours, l’article unique de cette proposition de loi précise ainsi les conditions de mise en œuvre d’un forfait jours au sein des établissements mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles et des habitats inclusifs, tout en assurant aux salariés les modalités de contrôle de leur charge de travail en adéquation avec le droit du travail et les directives européennes. L’innovation que nous défendons ici ne constitue en rien une remise en cause du droit commun ou une porte ouverte à la dérégulation du temps de travail, mais bien un aménagement exceptionnel pour mieux prendre en compte une situation singulière.

 


proposition de loi

Article unique

Le titre III du livre IV du code de l’action sociale et des familles est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Salariés cohabitants

« Art. L. 4341. – I. – Les établissements mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312‑1, dans lesquels l’établissement constitue le milieu de vie commun aux personnes handicapées accueillies et aux salariés mentionnés au II du présent article, ainsi que les organismes porteurs d’habitats inclusifs prévus à l’article L. 281‑1, peuvent mettre en œuvre la convention individuelle de forfait en jours sur l’année définie au présent article.

« II. – Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite de 258 jours, les salariés cohabitants qui font le choix de vivre, à titre de résidence principale, dans les établissements et les habitats portés par les organismes mentionnés au I, afin de partager le quotidien de personnes vulnérables, âgées ou handicapées, auprès desquelles ils assurent un accompagnement continu et quotidien.

« III. – La convention individuelle de forfait en jours prévue au II peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :

« 1° L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi‑journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié.

« 2° L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est raisonnable et compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

« 3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation de son activité professionnelle avec sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

« À défaut de stipulations conventionnelles précisant les modalités de mise en œuvre des dispositions des 1° au 3° du présent III, ces modalités sont définies par l’employeur et rappelées dans la convention individuelle de forfait.

« IV. – Les salariés cohabitants ayant conclu une convention individuelle prévue au II ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, la répartition et l’aménagement des horaires prévues par le titre II du livre IER de la troisième partie du code du travail. »