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N° 3955

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un registre national des populations,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

PierreHenri DUMONT, Claude de GANAY, Raphaël SCHELLENBERGER, Philippe MEYER, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Josiane CORNELOUP, Virginie DUBYMULLER, Michel HERBILLON, Julien RAVIER, Guillaume PELTIER, Marine BRENIER, Yves HEMEDINGER, Didier QUENTIN, Annie GENEVARD, Valérie BEAUVAIS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dès avant le recensement des paroisses et feux des Bailliages et Sénéchaussées de France de 1328, divers dénombrements de populations, souvent limités aux adultes, ont été effectués. Le premier dont nous avons la trace fut réalisé à l’époque gallo‑romaine. Sous l’Ancien Régime, les dénombrements étaient exprimés en « feux », ce mot étant pris dans le sens de foyer ou famille. Cette tendance s’est poursuivie à travers les siècles.

Cependant, en 1815, avec la chute de l’Empire français, la France tourne définitivement le dos au principe du registre de population.

En revanche, dans les autres pays européens, la seconde moitié du XXe siècle sera marquée par la centralisation de tels registres. C’est en Islande que l’on organise, en 1953, le premier registre de population centralisé à l’échelle nationale.

Au cours des années 1960, cette tendance s’accélère avec le développement de registres centralisés successivement en Suède (1966), Norvège (1968), Danemark (1968) et Finlande (1970). L’idée de centralisation des données sous forme de recueils administratifs apparaît également en Belgique où un registre national y est élaboré dès 1968, tout d’abord dans un contexte extra‑légal, avant d’être légalisé à partir de 1985.

Plus récemment, les Pays‑Bas (1994), l’Espagne (1996) et l’Autriche (2000) ont opté également pour la tenue d’un registre centralisé de population au même titre que les pays baltes et la majorité des pays d’Europe centrale, leur permettant ainsi de mieux mesurer les chiffres statistiques de l’immigration.

Par exemple, le registre national belge regroupe les informations relatives aux personnes physiques et mesure les mouvements de population ayant lieu sur le territoire afin de remédier plus rapidement aux problèmes que pourraient causer ces flux migratoires.

A ce titre, la déclaration domiciliaire résulte de l’obligation faite aux communes de presque tous les pays européens de tenir le registre de leurs habitants.

À l’exception du Portugal et du Royaume‑Uni, tous les pays étudiés disposent de registres locaux de population. Ces registres sont tenus par les services municipaux, sauf en Suède, où c’est l’administration fiscale qui en a la charge.

La tenue des registres locaux oblige les résidents à déclarer leur changement de domicile, dans un délai variable selon les pays, mais le plus souvent de l’ordre de huit jours.

Le non‑respect de l’obligation de déclaration domiciliaire constitue une infraction, de nature administrative, voire pénale. Quelle qu’en soit la nature, cette infraction est punie d’une amende.

En outre, l’inscription au registre de la population détermine de nombreux droits et obligations, tels le droit de vote ou la perception de prestations sociales, de sorte que les sanctions expresses peuvent être considérées comme superflues.

L’absence de déclaration domiciliaire en France apparaît donc comme une exception, tandis que la généralisation des registres locaux de population à l’étranger s’explique par l’importance des compétences des communes, notamment en matière sociale.

Parmi les principes de base d’organisation d’un registre de population, sa nature obligatoire est essentielle. En France, de tels registres n’existent malheureusement pas encore.

Si le décret n° 47‑2410 du 31 décembre 1947 imposait une déclaration de domiciliation aux étrangers résidant sur le territoire français, celui‑ci a été abrogé en 2006. Les ordonnances des 15, 16 et 18 juin 1883 la rendent bien obligatoire en Alsace‑Moselle pour tout résident mais leur non‑respect ne donne plus lieu à sanction pénale depuis 1919.

Certes, l’article 104 du code civil offre à tout Français la possibilité d’effectuer une déclaration de domiciliation à la commune dans laquelle il s’installe, mais il ne permet pas de pallier ces carences du recensement du fait de son caractère facultatif.

Il parait donc impératif de créer dans notre pays un dispositif permettant aux maires de dresser une liste exhaustive de tous les habitants de leur commune et d’améliorer la connaissance des chiffres de la démographie, notamment ceux de l’immigration et d’appréhender avec plus de précision la réalité des flux migratoires qui traversent le territoire français et par la même de mieux les contrôler.

S’il existe des cas en France dans lesquels les maires peuvent constituer des registres nominatifs, il s’agit uniquement des situations d’urgence (inondation, canicule, incident nucléaire, épidémie etc..) nécessitant l’utilisation de moyens d’alerte et d’information des populations par les autorités compétentes. Pour faciliter l’assistance aux personnes en danger, les maires peuvent ainsi constituer des registres nominatifs, qui ne peuvent pas être prétextes à la constitution de « fichiers de population ». La CNIL en rappelle les règles applicables.

Depuis 2004, les représentants de l’État dans les départements et les présidents des Conseils départementaux doivent arrêter conjointement « un plan d’alerte et d’urgence au profit des personnes âgées et des personnes handicapées en cas de risques exceptionnels ».

Les maires ont, quant à eux, l’obligation d’établir un registre nominatif des personnes concernées par ce plan du fait de leur âge ou de leur état de santé, résidant à domicile dans leur commune et ayant manifesté leur souhait d’y figurer.

L’inscription sur ces registres doit résulter d’une démarche volontaire, émanant de la personne concernée ou d’un tiers agissant pour son compte. Leur finalité exclusive est de permettre l’intervention ciblée des services sanitaires et sociaux en cas de mise en œuvre, sous l’autorité du préfet, du plan départemental d’alerte et d’urgence : organisation de contacts périodiques avec les personnes inscrites afin de leur apporter les conseils et l’assistance nécessaires.

Les personnes résidant à leur domicile et pouvant être inscrites sur le registre nominatif sont :

‒ les personnes âgées de 65 ans et plus ;

‒ les personnes de plus de 60 ans reconnues inaptes au travail ;

‒ les personnes adultes handicapées bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de la prestation de compensation, de la carte mobilité inclusion, d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou d’une pension d’invalidité servie au titre d’un régime de base de la Sécurité sociale ou du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Les inscriptions sont fondées sur ces seuls éléments objectifs. Le maire ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation et, s’agissant d’un système déclaratif, n’a pas à exiger de pièces justificatives de l’appartenance à l’une ou l’autre des catégories cibles.

À travers cette proposition de loi, il est offert de transformer cette faculté pour les maires en une obligation, et ce pour l’intégralité de la population.

En effet, selon l’article L. 121‑6‑1 du Code de l’action sociale et des familles, les maires, afin de favoriser l’intervention des services sociaux et sanitaires, recueillent les éléments relatifs à l’identité, à l’âge et au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées qui en ont fait la demande.

Les maires peuvent également procéder à ce recueil à la demande d’un tiers à la condition que la personne concernée, ou son représentant légal, ne s’y soit pas opposée :

‒ au titre de leurs obligations en matière de participation au plan départemental d’alerte et d’urgence au profit des personnes âgées et handicapées en cas de risques exceptionnels (par exemple en cas de canicule), les maires doivent obligatoirement tenir un registre dédié à ces personnes et encadré par les dispositions du code de l’action sociale et des familles ;

‒ au titre de leur responsabilité en matière d’élaboration d’un plan communal de sauvegarde, ils peuvent décider de mettre en place, de façon complémentaire, un registre plus large, général, recensant des informations relatives aux personnes résidant dans la commune aux fins d’alerte et de protection en cas de réalisation de risques connus auxquels est soumis le territoire.

Aussi, cette proposition de loi a pour objectif d’une part, de créer un registre national de population mais aussi de conférer un caractère obligatoire à l’établissement du registre nominatif pour toutes les mairies de France.

Un tel registre permettra également au maire de la commune de comparer les chiffres du recensement de l’INSEE, servant de base à l’attribution des dotations, avec la réalité de sa population enregistrée sur sa commune.

Il sera un outil essentiel pour mieux anticiper les chiffres de l’inscription dans les écoles publiques et de connaître le nombre d’enfants instruits en dehors des établissements publics de la ville.

Ce registre donnera les moyens d’effectuer un rapprochement avec la liste électorale de la commune, ce qui favorisera la lutte contre la mauvaise inscription sur les listes et donc limitera l’abstention.

Cette proposition vise à créer un registre national des personnes physiques (article 1) qui consiste en une banque de données enregistrant un nombre limité d’informations fixées par décret (article 2).

Dans chaque commune, le maire recueille les éléments relatifs à l’identité, à l’âge et au domicile des personnes sous la forme d’un registre (article 3). Ce recueil d’informations obligatoire est communiqué au préfet de région qui les transmet aux personnels qu’il aura désignés à cet effet, lesquels sont soumis, dès lors, à un devoir de confidentialité (article 4 alinéa 1er) dans le cadre de leur mission de service public (article 4 alinéa 2).

Cette proposition se veut fonctionnelle et à destination prioritairement de tous les maires de France qui vont pouvoir, grâce à ce registre, mettre à jour rapidement et efficacement les documents administratifs de leurs administrés mais aussi déceler des usurpations d’identité au sein de leur commune. Elle donne également pouvoir aux Caisses d’allocations familiales pour accéder au registre et suspendre le versement d’une aide en cas de soupçon de fraude ou encore signaler au Procureur de la République les situations matrimoniales qui entreraient en contradiction manifeste avec la loi française (article 5).

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Il est créé un registre national des personnes physiques qui consiste en un système de données informatives relatives à l’identification des personnes physiques.

Article 2

Un décret pris en Conseil d’État organise ce registre et en précise les modalités et l’application sur le territoire Français.

Article 3

Après l’article L. 2122‑27 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2122‑27‑1 :

« Art. L. 2122271. – Dans chaque commune, le maire recueille les éléments relatifs à l’identité, à l’âge et au domicile des personnes sous la forme d’un registre. Ce recueil d’informations est obligatoire.

« L’inscription sur les registres est effectuée soit à la naissance soit lors de l’installation sur le territoire national par une déclaration à la mairie du lieu où la personne a choisi de fixer sa résidence principale. Cette déclaration concerne l’ensemble des personnes composant le foyer.

« Tout changement de résidence principale doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la mairie de la commune du nouveau domicile. Cette déclaration est obligatoire même s’il n’y a pas de changement de commune. Elle doit être effectuée dans les huit jours ouvrables suivant le déménagement. »

Article 4

Toutes les personnes accédant aux données de ce registre sont tenues au secret professionnel.

Toute personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende au sens de l’article 226‑13 du code pénal.

Les données relatives au registre national des populations sont communiquées au représentant de l’État dans la région qui les transmet aux personnels qu’il a désignés à cet effet dans le cadre de leur mission de service public.

Article 5

Après l’article L. 521‑1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 521‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 52111. – Les organismes en charge du versement des prestations familiales ont la faculté de déclarer au procureur de la République les situations matrimoniales qu’ils jugent incompatibles avec l’article 147 du code civil. »

Article 6

I. – La charge qui pourrait résulter pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.