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N° 3957

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à faire de la négation du génocide arménien
une infraction pénale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric CIOTTI, Julien RAVIER, Guy TEISSIER, Bernard BROCHAND, Émilie BONNIVARD, Isabelle VALENTIN, Stéphane VIRY, Nathalie PORTE, Michel HERBILLON, Bernard DEFLESSELLES, Annie GENEVARD, Geneviève LEVY, Bernard REYNÈS, Brigitte KUSTER, Josiane CORNELOUP, Laurence TRASTOURISNART, Arnaud VIALA, Constance LE GRIP, JeanClaude BOUCHET, JeanFrançois PARIGI,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2001‑70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 a constitué une réelle avancée, en permettant la reconnaissance officielle du premier génocide du XXème siècle. Sur 1 800 000 Arméniens vivant dans l’Empire ottoman, 600 000 avaient été assassinés sur place, 600 000 au cours de leur déportation, soit 1 200 000 morts ; 200 000 se réfugièrent dans le Caucase, 100 000 furent victimes d’enlèvements, 150 000 survécurent dans des camps à la déportation et 150 000 seulement échappèrent à la déportation.

Encore aujourd’hui, le déni, trop fréquent, de cette réalité pèse lourdement sur les descendants des victimes.

Ainsi, si cette loi de 2001 constitue une étape fondamentale, un travail législatif doit être réalisé afin de faire de la négation du génocide arménien une infraction pénale. Si plusieurs initiatives parlementaires ont été réalisées dans ce domaine ces dernières années, notamment émanant de la parlementaire Les Républicains Valérie Boyer, celles‑ci n’ont jamais abouti. En particulier, le Conseil constitutionnel a censuré la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, dans une décision du 28 février 2012, celui‑ci estimant qu’elle portait atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication.

La loi Gayssot de 1990 avait permis de sanctionner (un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende) la contestation des crimes contre l’humanité définis en annexe à l’accord de Londres du 8 août 1945. Par hypothèse, une loi de 1990 ne pouvait viser le génocide arménien, celui‑ci n’ayant fait l’objet d’une reconnaissance officielle qu’en 2001.

L’objectif de cette proposition de loi est par conséquent de remédier à cette lacune de notre droit en prévoyant de faire de la négation du génocide arménien une infraction pénale, punie des mêmes sanctions que celles prévues par la loi Gayssot.

La négation de ce génocide ne peut être appréhendée comme une simple opinion historique et appelle une réponse politique et juridique forte. La France ne peut accepter que l’on puisse impunément nier l’existence d’un tel crime car ce comportement constitue une atteinte aux valeurs de la République. En outre, afin de respecter le droit à la mémoire du peuple arménien, il est indispensable de sanctionner ceux qui nient la réalité de leur souffrance passée.

Cette intervention législative est d’autant plus indispensable dans le contexte actuel, marqué par l’attaque de l’Azerbaïdjan, satellite de la Turquie, qui est entré en guerre contre les Arméniens au Haut‑Karabakh où des villes et des populations sont prises pour cible, faisant de nombreuses victimes civiles.

Le Garde des Sceaux a d’ailleurs appelé ce travail de ses vœux lors de la séance publique du 10 février 2021, en invitant les parlementaires à « travaill(er) ensemble à faire de la négation du génocide arménien une infraction pénale », « notamment pour nos compatriotes et nos amis d’origine arménienne ».


proposition de loi

Article unique

La loi n° 2001‑70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 est complétée par un article 2 ainsi rédigé :

« Art 2. – La négation ou contestation du génocide arménien de 1915, dans des conditions fixées par décret pris en Conseil d’État, est passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ».