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N° 3961

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

ajoutant l’acte d’apologie publique du terrorisme parmi les motifs fondant le refus et le retrait du statut de réfugié et supprimant la condition supplémentaire de l’existence d’une menace grave pour la société française,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLouis THIÉRIOT, Philippe GOSSELIN, Guillaume LARRIVÉ, JeanFrançois PARIGI, Julien DIVE, Robin REDA, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Bernard BOULEY, Fabien DI FILIPPO, Michel VIALAY, Sandrine BOËLLE, Nicolas FORISSIER, Édith AUDIBERT, Guillaume PELTIER, Virginie DUBYMULLER, Didier QUENTIN, Josiane CORNELOUP, Raphaël SCHELLENBERGER, Michel HERBILLON, Bernard DEFLESSELLES, Arnaud VIALA, Ian BOUCARD, JeanLuc REITZER, Rémi DELATTE, Stéphane VIRY, Michèle TABAROT, Claude de GANAY, Éric PAUGET, Philippe MEYER, Nathalie SERRE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France et l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne peuvent être fiers, à travers l’asile, d’accorder aux réfugiés la protection qu’ils ne trouvent pas dans leur pays. Mais cet humanisme qui nous honore ne doit pas pour autant être pratiqué avec un angélisme aveugle. La générosité de l’asile suppose une contrepartie minimale qu’est le respect de nos lois.

Le statut de réfugié n’impose pas à son bénéficiaire d’acte d’intégration ou de gratitude particulier, il lui commande, seulement et simplement, de s’abstenir, comme tout citoyen ou résident de la Nation, de causer du tort à la société. Le respect de cette condition minimale paraît évident. Pourtant, l’actualité nous démontre régulièrement que loin de faire preuve de cette reconnaissance naturelle envers le pays qui les accueille, un certain nombre de bénéficiaires du statut de réfugié bafouent nos lois et se rendent coupables de crimes et de délits sur notre territoire. De la petite délinquance aux crimes les plus graves, ces comportements sont un camouflet pour notre politique d’asile, constituent une menace pour notre sécurité et nuisent durablement à l’image des réfugiés auprès de nos concitoyens.

C’est pourquoi il est impératif que le refus ou le retrait du bénéfice du statut de réfugié soit systématiquement prononcé à l’endroit des individus qui portent atteinte à la sûreté de l’Etat ou qui constituent une menace pour la société française.

En l’état du droit, l’article L. 711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) - qui sera recodifié dans les mêmes termes à l’article L. 511-7 à compter du 1er mai 2021, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance  n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile - impose à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de refuser ou de retirer ce statut lorsque :

«  Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ;

 La personne concernée a été condamnée en dernier ressort (…) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française. »

Le 2° de l’actuel article L. 711-6 et du futur article L. 511-7 du CESEDA pose ainsi deux conditions cumulatives au refus ou au retrait du statut de réfugié, la première tenant à une condamnation définitive pour une infraction pénale et la seconde à la constitution d’une menace grave pour la société française.

Concernant la première condition, l’individu concerné doit avoir été condamné soit pour un crime, soit pour un délit d’acte de terrorisme, soit pour un délit puni de plus de dix ans d’emprisonnement. Le 2° de l’article L.711-6 du CESEDA dresse donc une liste limitative des crimes et délits fondant les motifs de refus ou de retrait du statut de réfugié qui exclut par définition tous les autres délits de notre arsenal pénal, et notamment l’acte d’apologie publique de terrorisme. C’est ce que nous a révélé un arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, Req. n° 431239 du 12 février 2021).

Effectivement, le délit d’apologie publique du terrorisme défini par l’article L. 421-2-5 du code pénal comme « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » d’une part, n’est puni que de cinq ans d’emprisonnement voire sept ans s’il a été commis en utilisant un service de communication au public en ligne, et d’autre part, ainsi que l’a affirmé le Conseil constitutionnel, si ce délit « figure dans le chapitre du titre II du livre IV du code pénal intitulé “Des actes de terrorisme”, il n'a pas été qualifié, à la différence d'autres infractions du même chapitre, d'“acte de terrorisme” » (décision QPC n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018).

Dans la période actuelle que nous vivons, marquée par la récurrence d’attentats islamistes sur notre territoire, et quelques semaines seulement après la décapitation du professeur Samuel Paty précipitée par les exhortations circulant sur les réseaux sociaux, il est très choquant de constater que le délit d’apologie publique du terrorisme ne soit pas considéré comme un acte suffisamment grave pour motiver le refus ou le retrait du statut de réfugié. 

La présente proposition de loi entend donc réparer cette préjudiciable omission en ajoutant au 2° de l’article L. 511-7 du CESEDA dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-1733, lequel correspond à l’actuel article L. 711-6, le délit d’apologie publique du terrorisme parmi les motifs de refus ou de retrait du statut de réfugié.

Par ailleurs, le présent texte propose également une révision du dispositif des conditions cumulatives posées par ce 2°. Ainsi qu’il a été rappelé supra, le retrait ou le refus du statut de réfugié nécessite que soient remplies deux conditions, que l’individu ait été condamné pour un crime ou un délit particulièrement grave mais également que sa présence constitue une « menace grave pour la société française ». Il est proposé de supprimer cette seconde condition qui paraît surabondante dans son principe et trop subjective dans son application.

En effet, la condition tenant à la condamnation à une grave infraction pénale suffit en elle-même à présumer la menace pour la société française que constitue l’individu en cause. C’est précisément l’objet du droit pénal de réprimer les atteintes portées à la société et le rôle de l’emprisonnement que d’écarter de la société les individus qui la menacent. Il serait dès lors incohérent de considérer qu’un individu condamné pour un délit spécialement grave justifiant une peine d’emprisonnement conséquente ne représente pas pour l’application du CESEDA une menace grave pour la société.

Maintenir une telle rédaction, ce serait soutenir l’hypothèse qu’un tel individu pourrait ne pas constituer une « menace grave pour la société française » et laisser le champ à une interprétation subjective du juge administratif. Ce serait donc permettre légalement qu’une juridiction se substitue au législateur pénal pour dire qui représente une menace pour la société. Ce serait aussi demander au juge de rechercher, au-delà de la qualification pénale de l’infraction commise, d’autres raisons qui motivent la qualification de « menace grave pour la société française » et lui faire ainsi rechercher parfois une preuve impossible. Ce serait in fine soumettre inutilement la sécurité de nos concitoyens à l’aléa et à la subjectivité.

Inutilement en effet, car si l’on peut souvent exciper de textes normatifs supérieurs à la loi, constitutionnels ou européens, pour arguer qu’on ne peut légiférer autrement, tel n’est absolument pas le cas en l’espèce. La rédaction de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection » est à cet égard limpide.

L’article 14, paragraphe 4 de la directive 2011/95/UE énonce précisément que :

« Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler,

a)    lorsqu’il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l’État membre dans lequel il se trouve;

b)    lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. »

La rédaction du b) de cet article ne fait nullement mention d’une nécessité de transposer des conditions cumulatives en droit interne ; au contraire, la formulation laisse entendre que la constitution par l’individu d’une menace pour la société est une conséquence directe de la condamnation pour un crime particulièrement grave (la notion européenne de « crime » étant indépendante de la distinction entre crimes et délits opérée par le droit national).

Au demeurant, il est fait mention de « menace pour la société » et non de « menace grave pour la société », l’ajout du caractère de gravité dans le CESEDA manifestant si besoin le zèle excessif de la transposition nationale.

Pour l’ensemble de ces raisons, la présente proposition de loi entend supprimer au 2° de l’article L. 511-7 du CESEDA dans sa nouvelle rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-1733 la mention d’une condition supplémentaire d’une « menace grave pour la société » parmi les motifs de refus ou de retrait du statut de réfugié.

 


proposition de loi

Article unique

Après le mot : « terrorisme », la fin du 2° de l’article L. 511‑7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020‑1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est ainsi rédigée : « ou un acte d’apologie publique du terrorisme, soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement. »