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N° 3966

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL,  MarieGeorge BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, JeanPaul DUFRÈGNE, Sébastien JUMEL, Karine LEBON, JeanPaul LECOQ, JeanPhilippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Isabelle SANTIAGO,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Soixante‑et‑un ans c’est le nombre d’années qui sépare les premiers essais nucléaires français de nos jours. C’est l’histoire des peuples Français, Algérien, Polynésien et des travers d’un vieil État plus proche cette fois‑ci des mensonges, des malversations et des humiliations que des droits fondamentaux des êtres humains.

Le Parlement et ses membres ont vécu durant ces évènements et ont participé à l’éveil des consciences. C’est dans cet état d’esprit que nous voulons aborder l’histoire de la bombe et plus largement du nucléaire au travers de cette proposition de loi et répondre à deux interrogations : quels sont les progrès obtenus jusqu’à aujourd’hui et quels sont les progrès que nous voulons faire naître pour demain ?

Durant toutes ces années et jusqu’à aujourd’hui, des défis se sont révélés et restent à accomplir.

Rappelons que l’Algérie a encore demandé cette année que les zones qui ont servi aux expérimentations nucléaires françaises soient dépolluées. En Polynésie française, les blessures de Moruroa s’enfoncent si profondément qu’elle fait peser un risque d’effondrement perpétuel aux polynésiens et en premier lieu aux habitants de l’île de Tureia à quelques kilomètres. Les failles causées par les essais nucléaires sont apparues dans les zones où sont stockées les déchets radioactifs de l’armée. Un effondrement signifierait alors que la radioactivité se répande sur nous et dans tout le Pacifique Sud.

Un grand plan de dépollution et de traitement des déchets nucléaires est urgent pour nos populations mais aussi pour la France. Nous souhaitons que ce plan intègre le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR), les avancées des différents rapports sur le démantèlement futur des centrales nucléaires comme Fessenheim.

À l’évidence, le cadre normatif actuel n’est pas suffisant et il est important d’achever ces réflexions et d’y adosser des actes concrets. C’est le but de ce plan qui doit être proposé et intégrer toutes les conséquences de l’histoire nucléaire militaire de la France de son commencement à sa fin. C’est pourquoi, l’article 1er de la loi propose la mise en place d’une commission extraparlementaire qui aura la mission de proposer ce programme de dépollution des sites qui ont subi les essais nucléaires et la gestion des déchets issus de l’activité nucléaire.

Il s’agit de propositions qui doivent à la fois être juridique et technique afin de mettre un cadre sur un savoir‑faire dont le monde a déjà besoin.

Appréhender l’histoire nucléaire militaire de la France a toujours été un exercice que les Gouvernements qui se sont succédés ont pris la peine de mettre au placard. Des progrès voire des urgences sont à accomplir pour l’environnement et nos habitants.

Le nucléaire civil est issu du développement de l’arme atomique. Cette dernière s’est faite au prix de vies françaises, algériennes, polynésiennes et d’autres encore. La loi Morin du 5 janvier 2010 qui a été obtenue après près de dix années de débat dans cet Hémicycle n’a dû atteindre une version de départ correcte que depuis la loi EROM du 28 février 2017. Vingt‑cinq ans est le nombre d’années qui sépare les derniers essais nucléaires français de nos jours. L’indispensable indemnisation des personnes exposées directement aux essais nucléaires français ne couvre cependant pas toute la complexité des bouleversements causés par les expérimentations du Pacifique.

On sait que l’activité nucléaire militaire et son développement ont provoqué des maladies radio‑induites notamment en Polynésie française. Ces maladies ont été prises en charge par les seuls Polynésiens au travers de la Caisse de Prévoyance Sociale locale. L’article 2 du texte propose alors que la prise en charge des frais liées à la maladie et à ses conséquences sur les victimes pour les systèmes de sécurité sociale ou équivalent dont elles sont ressortissantes soit prise en considération dans un nouveau II de l’article 1er de la loi Morin. Les Polynésiens et toutes les victimes supportent injustement le coût sanitaire et social des essais nucléaires. Nous souhaitons replacer la prise en charge des victimes sous la responsabilité de l’État.

Le nouveau III de l’article premier de la loi Morin inclus l’indemnisation des possibles victimes de maladies Trans générationnelles dues aux essais nucléaires. Cela fait l’objet de nombreux débats face auxquels l’État français refuse de produire des données sérieuses et objectives. Actuellement, les informations recueillies durant la période concernées sont celles dont il est notoire que la Grande Muette a falsifié le contenu. Cette modification vient appliquer le principe de précaution aux habitants de la Polynésie française.

L’article 1er de la loi Morin est modifié pour inclure un IV qui reconnaît le droit à l’indemnisation en faveur de ceux qui subissent les essais nucléaires dans leur être. Il pose le droit pour les personnes qui partagent traditionnellement la vie de la personne qui souffre directement de la maladie radio‑induite de faire valoir leur préjudice. Ce sont les parents, les descendants et l’époux ou le partenaire de PACS qui non seulement assistent le malade mais l’accompagne bien souvent jusqu’à la fin. Il semble en effet impensable que ce qui est admis pour n’importe quel autre préjudice ne le soit pas pour des cas de cancers et d’autres pathologies graves dues à la volonté de l’État de faire des cobayes.

Si la réalité de ce lien affectif est de nature à pouvoir déduire l’existence d’un préjudice extra patrimonial, le préjudice patrimonial doit être prouvé par des justificatifs liés avec la prise en charge de la personne souffrant d’une maladie radio‑induite.

Le nouveau III de l’article 1er premier de la loi Morin inclus l’indemnisation des possibles victimes de maladies transgénérationnelles dues aux essais nucléaires. Cela fait l’objet de nombreux débats face auxquels l’État français refuse de produire des données sérieuses et objectives. Actuellement, les informations recueillies durant la période concernées sont celles dont il est notoire que la Grande Muette a falsifié le contenu. Cette modification vient appliquer le principe de précaution aux habitants de la Polynésie française.

Le II de l’article 2 de la proposition de loi fait référence à la présence des ascendants en Polynésie française ou en Algérie dans les périodes déjà fixées par la loi Morin pour faire sens avec les maladies radio‑induites que nous voyons être contractées par des descendants des habitants au moments des essais et des vétérans.

Le III de l’article 2 de la proposition restaure les conditions d’indemnisation de la loi Morin qui s’appliquaient postérieurement à la loi Égalité Réelle Outre‑Mer du 28 février 2017 et antérieurement à la loi de finance pour 2019. En effet, les malades du nucléaires, les associations qui les soutiennent ainsi que l’ensemble des Polynésiens et des vétérans de la bombe réclament la suppression du quasi risque négligeable réintroduit par le Gouvernement français et la sénatrice Lana Tetuanui au travers de la loi de finance pour 2019.


proposition de loi

Article 1er

Une commission composée pour moitié de parlementaires de chaque groupe parlementaire au sein du Sénat et de l’Assemblée Nationale et pour moitié de personnalités qualifiées est créée dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi et est chargée de proposer un programme de dépollution, de traitement, d’assainissement et de gestion des sites des essais nucléaires ainsi que des matières et déchets issus de l’activité nucléaire, vingt‑quatre mois après sa création. Ce programme est présenté au Gouvernement, au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Article 2

La loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi rédigé :

« Article 1er

« I. – Toute personne souffrant ou ayant souffert d’une maladie radio‑induite résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d’État conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale, mais également tout ascendant en ligne directe s’étant vu exposé au rayonnement ionisants dus à ces essais, peut obtenir réparation intégrale de son préjudice et la prise en charge de ses frais médicaux passés et à venir dans les conditions prévues par la présente loi.

« II. – La collectivité ou l’organisme de sécurité sociale ou équivalent ayant couvert tout ou partie des dépenses liées à la maladie radio‑induite d’une personne qui en souffre ou qui en a souffert a droit de se substituer à tout ou partie de la prise en charge proportionnellement aux dépenses déjà engagées.

« III. – Toute personne souffrant ou ayant souffert d’une maladie listée comme radio‑induite, née durant les essais nucléaires français ou postérieurement et dont l’un des ascendants en ligne directe s’est vu exposer aux rayonnements ionisants dus à ces essais peut obtenir une réparation de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi.

« IV. – Dès lors qu’il est reconnu qu’une personne souffre d’une maladie radio‑induite au sens de la présente loi, l’époux, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, les descendants en ligne directe et les ascendants en ligne directe sont reconnus comme étant des victimes indirectes des expérimentations nucléaires françaises qui ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice issu de la maladie radio‑induite et de ses conséquences matérielles et morales.

« V. – Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. Si elle est décédée avant la promulgation de la loi n°       du           visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français, la demande doit être présentée par l’ayant droit avant la fin de la deuxième année suivant la promulgation la même loi. Si la personne décède après la promulgation de ladite loi, la demande doit être présentée par l’ayant droit au plus tard le 31 décembre de la troisième année qui suit le décès.

« VI. – Lorsqu’une demande d’indemnisation fondée sur le I de l’article 4 de la présente loi a fait l’objet d’une décision de rejet par le ministre chargé de la défense ou par le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l’entrée en vigueur de la loi n°           du           précitée, le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires réexamine la demande. Il en informe l’intéressé, ou ses ayants droit s’il est décédé, qui confirment leur réclamation et, le cas échéant, l’actualisent. Dans les mêmes conditions, le demandeur, ou ses ayants droit s’il est décédé, peuvent également présenter une nouvelle demande d’indemnisation avant la fin de la deuxième année suivant la promulgation la même loi n°            du             » ;

2° À l’article 2, après le mot : « radio‑induite », sont insérés les mots : « ou l’ascendant en ligne directe » ;

3° L’article 4 est ainsi modifié :

a) Au I, après le mot : « indemnisation », sont insérés les mots : « et les demande de prise en charge » ;

b) Le V est ainsi modifié :

– Le premier alinéa est ainsi rédigé :

«V. – Ce comité examine si les conditions de l’indemnisation ou de prise en charge sont réunies. Lorsqu’elles le sont, l’intéressé bénéficie d’une présomption de causalité. » ;

– au deuxième alinéa, après le mot : « que », il est inséré le mot : « ne ».

Article 3

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.