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N° 4004

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à transformer l’action publique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Frédéric DESCROZAILLE, Sophie BEAUDOUINHUBIÈRE, Philippe BOLO, Yves DANIEL, Fabien GOUTTEFARDE, Mohamed LAQHILA, Sonia KRIMI, Michel LAUZZANA, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Cendra MOTIN, Laurent SAINTMARTIN, Marie TAMARELLEVERHAEGUE, Vincent THIÉBAUT, Alexandra VALETTA ARDISSON, Corinne VIGNON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit régissant l’action publique et plus particulièrement celui relatif aux rapports entre l’État et les Collectivités territoriales est aujourd’hui composé de règles trop nombreuses, trop complexes et parfois totalement inadaptées à la diversité de la vie de nos territoires. Le phénomène d’inflation législative et normative a pour conséquence d’alourdir considérablement nos codes et textes de lois et règlements. Cette situation conduit à des blocages dans les relations entre administrations et entrave l’action publique dans sa mission d’intérêt général.

Depuis quelques années, nous assistons à une prise de conscience des dangers de cette situation et par la même à une volonté quasiment unanime de tous les gouvernements et du Parlement de parvenir à une simplification du droit public et plus particulièrement celui s’appliquant aux collectivités territoriales. Force est de constater que cet objectif n’a pas été atteint au niveau espéré. Ainsi, les administrations communiquent difficilement entre elles, les normes et textes applicables empêchent les collectivités territoriales d’exercer leur mission et de prendre leurs décisions de manière optimale pour le bien public.

La décentralisation et la déconcentration sont ainsi entravées, le droit ne permettant ni aux collectivités territoriales ni aux administrations déconcertées d’agir de manière libre et efficace. Pourtant, depuis plusieurs décennies, elles sont apparues comme les deux piliers de nombreuses réformes cherchant toutes à améliorer l’efficacité de l’action publique. Sans que ces réformes n’aient réussi à provoquer le choc indispensable à un véritable changement dans le mode de fonctionnement de nos institutions.

Ainsi, le désir d’une plus grande proximité et lisibilité de l’action publique pour nos concitoyens qui s’est exprimé lors du Grand Débat national témoigne en creux de l’échec des réformes précédentes, il fait en outre écho à une forme de « bavardage de la loi » pour paraphraser le Conseil d’État. A ce stade, une nouvelle réforme n’aura de sens, que si, et seulement si, elle propose d’aborder sous un prisme différent les grands concepts déjà abondamment utilisés dans les textes de loi de ces dernières années. Il est indispensable de dépasser le simple ajustement juridique et de réaffirmer de grandes notions de droit afin de proposer une vraie et réelle transformation de l’action publique. Une transformation afin de la repenser dans sa globalité.

La transformation de l’action publique est une révolution copernicienne qui doit réinventer le modèle de détermination et de conduite des politiques publiques, en s’appuyant sur tous les leviers qu’offrent l’innovation et les technologies. Aujourd’hui le fonctionnement public repose sur un modèle de management quasi exclusivement régit par le droit, un droit critiqué de manière unanime pour sa trop grande complexité. C’est à ce fléau qu’il convient de s’attaquer en affirmant la nécessité d’une véritable transformation de l’action publique. Pour ce faire la décentralisation et la déconcentration doivent être utilisées comme des outils de la transformation, parallèlement il devient également urgent de décloisonner une administration devenue bien trop sectorisée.

La crise liée au covid‑19 a révélé que des allègements normatifs étaient possibles, sans nuire à la sécurité de nos compatriotes, bien au contraire, le formalisme excessif auquel nous sommes parvenus ralentit exagérément l’action publique. Beaucoup de ces allègements méritent d’être pérennisés. Et la violence de cette crise constitue un rendez‑vous historique justifiant un changement de paradigme de notre fonctionnement public et du droit qui le régit. Ces allégements doivent permettre de réaliser une décentralisation et une déconcentration effectives et efficaces. Car si on peut gouverner de loin on ne peut administrer que de près.

Pour beaucoup de politiques et de juristes, la complexité de notre droit est une sorte de fatalité, condamnant à énoncer dans la loi chaque difficulté pour lui trouver une solution. Il en résulte des lois contenant des articles toujours plus précis, des textes toujours plus longs animés de la folle ambition de vouloir prévoir chaque situation et d’anticiper chaque éventualité. Cette méthode nous semble vaine et sans chance, de sorte que nous optons clairement pour un traitement au niveau des principes généraux.

La méthode consistant à partir des cas particuliers pour poser des principes généraux nous semble vaine à raison de la diversité des situations. C’est pourquoi, nous optons pour une transformation stratégique de l’action publique construite sur des fondamentaux de portée générale, avec l’adhésion et l’engagement du haut de la pyramide des pouvoirs.

Afin de réaliser une transformation complète de l’action publique il est important de reconnaitre au numérique dans les relations entre citoyen et administration la place que notre siècle doit logiquement lui accorder. Si des siècles de papier comme support des règles ou formes de pensées pour notre droit peuvent faire craindre que le numérique ne soit pas en mesure de les assimiler et nous condamner à forger de nouvelles règles spécifiquement conçue pour lui, cette voie est d’un grave danger, car elle crée deux univers juridiques différents pour produire des effets de droit aux mêmes destinataires, avec des risques de divergence et de perte d’une immense culture juridique inutilement rattachée à l’univers papier dont le déclin paraît annoncé.

La présente proposition de loi vise donc à proposer une transformation de l’action publique afin d’aborder la décentralisation et la déconcentration d’une manière nouvelle, tout en permettant un décloisonnement entre les administrations publiques et en faisant du numérique l’un des outils de la transformation. Elle pourrait répondre à l’acronyme facilement identifiable : la loi T3D !

Elle comprendra quatre titres :

Titre Ier. – Transformer l’action publique

Titre II. – Parachever la Décentralisation

Titre III. – Renforcer la Déconcentration

Titre IV. – Décloisonner l’ensemble des administrations

Le premier titre sera consacré au concept de transformation. Son but est de poser des principes généraux comportant réforme de l’action publique et engageant toutes les administrations publiques et la pyramide de leurs pouvoirs de l’échelon le plus élevé au plus près de nos compatriotes. Ce premier titre a également pour ambition de formaliser des définitions propres à la démarche de transformation de l’action publique. Les définition légales ou stipulatives sont indispensables car par différence aux définitions lexicales, elles donnent un sens précis et nouveau à un terme couramment utilisé. Ce sens deviendra celui destiné à la mise en œuvre du concept de transformation de l’action publique.

L’article 1 définit « la transformation » de l’action publique. La transformation est la notion clé de la proposition de loi T3D dans la mesure où l’ensemble des changements induits par la présente proposition de loi doit être envisagé sous le prisme de la transformation. La transformation peut être définie comme la manifestation d’une forme de changement social, une réorganisation de la sphère de l’action publique au moyen de la proposition de loi T3D. Elle doit être envisagée comme un changement complet de paradigme et d’approche du mode de gouvernance. Elle doit permettre à l’action publique de se penser ‑enfin‑ comme la réponse aux objectifs fixés par les politiques publiques.

L’article 2 définit « l’État ». Dès lors que le vocable « État » est sans cesse utilisé dans la conduite de l’action publique, y compris lorsque celle‑ci relève d’une administration autre que lui‑même, l’État doit être défini, au sens d’entité en relation avec d’autres administrations publiques, dont les collectivités territoriales, pour mener ensemble l’action publique. Afin que les devoirs et droits de chacune des entités puissent être clairement identifiés. Leur dénomination respective doit être explicitée dans la loi par une définition simple mais claire. C’est en outre d’autant plus utile à préciser que le vocable « État » est également utilisé pour désigner plusieurs attributs, celui du mode d’organisation sociale territorialement défini ; comme celui désignant certaines administrations relevant de l’autorité du Gouvernement.

L’article 3 définit la « Collectivité territoriale ». En effet, organiser les relations entre l’entité État et les entités Collectivités territoriales justifie que leur dénomination soit explicitée également par une définition simple mais claire. C’est d’autant plus utile à préciser que ce n’est pas l’État (gouvernement) mais le législateur qui détermine leurs compétences, sans méconnaitre le principe de leur libre administration ni les priver d’attributions effectives dont il doit être expressément entendu qu’il n’est pas possible de les énumérer toutes dans la loi en raison de leur diversité.

L’article 4 définit « l’action publique ». Cette définition est ici nécessaire puisque son énoncé est utilisé dans un autre sens en droit pénal. Pour bien la transformer, il est aussi nécessaire de bien la définir. L’idée est donc ici d’établir une liste des différents acteurs en charge des missions de services publics.  Elle doit être vue comme un ensemble de politiques avec comme finalité l’intérêt général. Elle viser à vérifier la réalisation des objectifs de politiques publiques fixées par les lois et mesurer l’écart entre les effets attendus et ceux obtenus. Nous clarifions ici sa spécificité comparée à l’approche de droit pénal.

L’article 5 définit « l’intention du législateur ». De nombreuses controverses surviennent dans le détail de l’application de la loi par ignorance ou oubli de l’intention du législateur. Or, cette intention est l’essence de tout texte législatif, un principe fondateur qu’il convient de respecter dans la mise en place et dans l’application des lois. C’est pourquoi il est inséré un article visant à affirmer que l’intention du législateur doit être considéré comme la clé de voute de l’application des textes de loi et doit éclairer le pouvoir réglementaire sur les modalités de mise en œuvre relevant de son domaine, en l’invitant à ne pas entrer dans un luxe de détail qui viendrait à compromettre cette mise en œuvre.

L’article 6 ajoute un principe de « bonne légistique » qui vise à concourir à l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi exigeant une bonne rédaction des textes pour clarifier sans ambiguïté le but de la loi. La « bonne légistique » réaffirme la pensée de Portalis, pour lequel la loi ne peut tout prévoir ni anticiper toutes les situations possibles mais doit au contraire poser de grands principes en laissant ensuite une certaine liberté aux acteurs devant les mettre en application.

L’article 7 propose d’aligner les principes de droit entre le public et le privé, en levant toute ambiguïté sur l’interprétation de l’article 5 de la DDHC de 1789 pour affirmer qu’en droit public, comme en droit privé, tout ce qui n’est pas interdit est supposé autorisé.

Le deuxième titre est consacré au parachèvement de la décentralisation. Il s’agit d’un principe à valeur constitutionnelle qui a déjà fait l’objet de très nombreux textes, la présente proposition de loi entend rendre la décentralisation enfin plus lisible et plus efficace.

L’article 8 définit la décentralisation qui ne l’a pas été explicitement dans la loi. Elle est l’une des notions et l’un des outils indispensables à la transformation de l’action publique. Il y a donc lieu de mieux la circonscrire. Cette définition vise à rappeler le but de la décentralisation, c’est‑à‑dire le transfert de compétences de l’État central vers d’autres institutions. Il est clarifié que le principe de libre administration doit aussi s’appliquer aux compétences qui ont été transférées.

L’article 9 réaffirme le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il est clairement posé la portée de ce principe de libre « administration » qui doit juridiquement être apprécié de manière différente de celle de la libre « organisation » des collectivités territoriales. Le principe de libre administration confère aux collectivités la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et la liberté financière ; les seules limites à ces libertés sont la protection des droits fondamentaux, des libertés publiques et le respect du principe d’égalité ; hors compétences régaliennes, aucun pouvoir hiérarchique ne peut être invoqué. Ces précisions lèveront de nombreux malentendus dans l’interprétation des textes adoptés depuis trente ans.

L’article 10 instaure le principe de liberté contractuelle pour les collectivités territoriales. L’outil contractuel éluciderait un problème récurrent qui ralentit et renchérit inutilement l’action publique. En effet, pour résoudre la diversité des compétences transférées ou partagées, leur articulation entre les acteurs, la diversité des territoires, la complexité du droit qui régit cet ensemble, les collectivités doivent pouvoir invoquer, le principe de liberté contractuelle afin qu’aucune ne se voit interdire de « prendre des décisions pour des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon », selon la formule célèbre qui n’est pas appliquée, à raison des textes subséquents qui sont venus brouiller ce principe. Les dispositions du code qui contrarient cette conception doivent être considérées comme s’appliquant dans le seul cas de désaccord entre les collectivités concernées. Dit autrement, les conventions légalement formées entre les collectivités leur tiennent lieu de loi, sans qu’elles y soient explicitement autorisées. C’est ainsi que les modalités d’exercice des compétences seraient ouvertes à la liberté conventionnelle pourvu qu’elle soit consensuelle entre toutes les collectivités concernées.

L’article 11 reconnait la compétence des collectivités territoriales pour régler leurs affaires locales. Cette affirmation met fin aux controverses doctrinales qui subsistent sur ce sujet. La notion d’affaires locales est implicitement admise par le code général des collectivités territoriales (CGCT) notamment à l’article L. 1111‑2 alinéa 1 du CGCT aux termes duquel « les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. ».

Le troisième titre est quant à lui en lien avec la déconcentration. Si l’organisation des pouvoirs publics relève du domaine réglementaire, le législateur est légitime à exprimer ses vœux en matière déconcentration dans les domaines où elle impacte la vie des collectivités territoriales. La loi ATR de 1992 reste le texte de référence concernant l’organisation déconcentrée de l’État. La présente proposition de loi souhaite faciliter les relations entre administrations centrales et déconcentrées en tant qu’elles impactent la vie des collectivités territoriales. Elle définit uniquement de grands principes nécessaires à la mise en œuvre de la déconcentration, puisque les règles relatives à l’organisation et à la répartition des compétences entre autorités centrales et services déconcentrés relèvent du domaine réglementaire.

L’article 12 définit la déconcentration. C’est l’une des notions et l’un des outils indispensables à la transformation de l’action publique qu’il convient dès lors de circonscrire. Son objectif principal réside dans la capacité pour les administrations déconcentrées à mettre en œuvre des politiques publiques décidées au niveau national en coordination avec la pluralité d’acteurs locaux présente sur le territoire.

L’article 13 crée une notion nouvelle, celle « d’imputabilité » afin de créer une différence avec la responsabilité du fonctionnaire, lorsque celui‑ci est contraint d’agir au‑delà de la lettre du texte pour résoudre un cas d’espèce. Il serait introduit ainsi un délai court de validation, ce qui constituerait une adaptation du pouvoir hiérarchique dans les missions non régaliennes.

L’article 14 propose de renforcer le droit de dérogation des préfets instauré par le décret du 8 avril 2020. Selon ce décret le préfet peut déroger à l’application d’une norme réglementaire nationale par l’édiction d’une décision non réglementaire relevant de sa compétence. Ce nouvel outil est potentiellement un moyen particulièrement efficace de renforcer la déconcentration. L’article prévoit d’étendre ce dispositif aux dispositions de caractère législatif lorsqu’elles relèvent manifestement du domaine réglementaire. Cette dérogation fera l’objet d’une information au Parlement et au CNEN. En effet, l’excès de détail introduit dans la loi pour l’application d’une norme rend parfois cette application impossible ou excessivement coûteuse à raison de circonstances locales particulières. Au surplus, il est loisible au législateur de décider lui‑même, pour les dispositions législatives qu’il a lui‑même édictées, que les modalités difficilement applicables peuvent faire l’objet d’une dérogation préfectorale, lorsque lesdites dispositions auraient dû, par leur nature, relever du domaine réglementaire.

Le titre IV est consacré à la volonté de décloisonner le fonctionnement des administrations. L’action publique doit être appréhendée dans son ensemble, les administrations ne sont pas des entités indépendantes sans objectifs communs, elles doivent s’obliger à travailler et communiquer ensemble afin de permettre à l’action publique d’être la plus efficace possible. La déconcentration et la décentralisation doivent être appelées à être réalisées « en miroir » et aller de pair à cet effet l’inter‑ministérialité doit être amplifiée afin d’atteindre l’intérêt général et de rendre plus efficace l’action de l’État sur le territoire.

L’article 15 insère des dispositions préliminaires au CGCT. Les difficultés récurrentes connues dans notre Pays à propos de la décentralisation nécessitent d’insérer des dispositions préliminaires au Code Général des Collectivités Territoriales pour consacrer les principes fondamentaux du Code, avec pour ambition d’intégrer dans notre droit des objectifs philosophico‑politiques visant à rendre visibles les lignes forces du droit régissant les relations entre l’Etat et les Collectivités Territoriales, dont les règles techniques ne sont que le reflet plus ou moins intelligible. Autrement dit, une métaphore architecturale nous pousse à affirmer que les dispositions préliminaires seraient – de par leur contenu – la fondation du Code et – de par son contenant – le fronton de celui‑ci. Ces articles, par la netteté de leur rédaction, éclaireront d’une lumière neuve les relations entre les administrations publiques placées au service de la France et des français.

L’article 16 pose le principe de la diversité comme élément constitutif de l’unité, et celui de proximité comme constitutif du principe d’égalité. Il insère ainsi dans la loi le principe selon lequel l’exigence de transformation de l’action publique nécessite la reconnaissance de la diversité comme élément constitutif de l’unité nationale et la proximité de cette action publique avec les Français, pour s’adapter à leur réalité (qui n’est point identique en tous points du pays) comme élément indétachable du principe d’égalité, et d’organisation décentralisée de la République.

L’article 17 explicite le principe d’égalité entre collectivités territoriales. Il rappelle que le principe d’égalité vise la protection des droits fondamentaux constitutionnels, ce qui donne au législateur ordinaire une marge d’appréciation large sur ce qui ne relève pas de ces droits fondamentaux. Dès lors, l’égalité devant la loi doit cesser de n’être qu’une égalité formelle : envisagée abstraitement, sans prendre en compte les discriminations territoriales réelles résultant de l’histoire, de la géographie ou de circonstances naturelles. Il convient alors de faire exception à l’égalité devant la loi en recourant à l’égalité par la loi, afin de rétablir une égalité réelle. Cette rupture de l’égalité de traitement se justifiant par le rétablissement de l’égalité des situations. L’égalité de fait justifie un dépassement de l’égalité de droit.

L’article 18 rend obligatoire les études ex‑post. En effet, les études d’impact ex‑ante sont réalisées de manière systématique sans que les effets des dispositifs ne soient suffisamment étudiés. L’évaluation des politiques publiques est l’une des obligations constitutionnelles du Parlement, obligation qui peut se voir réaliser au seul moyen de ces études ex‑post comparées aux études ex‑ante.

L’article 19 pose un principe de neutralité technologique et d’équivalence fonctionnelle dans la loi. Des textes de cette nature existent en matière civile et ne sont pas explicites dans l’action publique. Il permet de souligner l’importance de poser le postulat d’équivalence (entre les univers analogique et numérique), le principe de neutralité technologique, dont est soulignée la double dimension – neutralité substantielle des textes (ou « principe de non‑discrimination technologique) et neutralité formelle des textes (ou « principe de neutralité terminologique ») –, et, enfin, le principe d’équivalence fonctionnelle stricto sensu.

L’article 20 rappelle qu’il est nécessaire de consacrer les principes de neutralité et d’équivalence du numérique pour réaliser une transformation complète de l’action publique. Un titre justifiant de l’identité d’un individu qu’il soit physique ou numérique doit ouvrir les mêmes droits à la personne devant justifier de son identité, cela s’applique aux autorités publiques ainsi qu’aux besoins des usagers.


proposition de loi

Titre Ier

Transformer l’action publique

Article 1er

La transformation de l’action publique consiste à adapter en continu la conduite des politiques publiques pour s’assurer du respect des objectifs fixés au moment de leur adoption et en utilisant toutes les ressources nouvelles de l’information, du management, du numérique et de l’innovation, dans le but d’assurer un meilleur service public pour les usagers, d’optimiser son rendement socioéconomique, et d’améliorer les conditions d’exercice des missions des agents publics. La transformation s’applique à toutes les administrations publiques.

Article 2

L’État est l’entité juridique dotée de la personnalité morale et de l’attribut de souveraineté de la France. Il est constitué d’un ensemble d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique. Il correspond au sous‑secteur des administrations publiques centrales.

Article 3

Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public distinctes de l’État et bénéficiant d’une autonomie juridique et patrimoniale.

Article 4

L’action publique regroupe celle du Gouvernement, de toutes les administrations publiques et autres acteurs, publics et privés, en charge d’une mission de service public. Ils agissent conjointement et solidairement au niveau national comme au niveau local dans les domaines du développement économique, de l’emploi, de l’environnement, de la santé, de l’éducation, de la culture, et des fonctions régaliennes telles que la justice et la police, sans que cette énumération puisse être limitative. L’action publique définit les critères à partir desquels son évaluation peut être effectuée. 

Article 5

L’intention du législateur est la source principale d’interprétation de la loi pour ses textes d’application. Le Conseil national d’évaluation des normes peut saisir le Parlement, sur ce fondement, s’il considère ce principe non respecté pour tous textes d’application du droit s’appliquant aux collectivités territoriales.

Article 6

La loi, pour sa bonne application, respecte un principe de bonne légistique. Il consiste, pour les textes à caractère législatif, à définir de grands principes, sans tenter de prévoir une réponse à chaque situation. Le non‑respect de ce principe constitue une présomption de non‑accessibilité et non intelligibilité.

Article 7

Le principe selon lequel « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas », tel qu’il résulte de l’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 est applicable au droit régissant les relations entre les administrations publiques.

Titre II

Parachever la décentralisation

Article 8

La décentralisation consiste, dans le transfert d’attributions de l’État à des collectivités ou institutions différentes de lui dans le respect des principes de libre administration et de subsidiarité. Les collectivités bénéficient d’une compétence d’attribution et d’une autonomie de gestion, sans tutelle autre que le contrôle juridictionnel.

Article 9

Le principe de libre administration confère aux collectivités territoriales la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et la liberté financière.

Article 10

La liberté contractuelle est un droit essentiel à l’exercice de la mission des collectivités territoriales. Elles peuvent répartir librement entres elles les compétences qui leur incombent, à l’exception de celles dévolues à l’État.

Article 11

Les collectivités territoriales sont compétentes pour régler les affaires locales en l’absence de lois attributives de compétence.

Titre III

Renforcer la déconcentration

Article 12

La déconcentration consiste à confier aux échelons territoriaux des administrations civiles de l’Etat le pouvoir, les moyens et la capacité d’initiative pour animer, coordonner et mettre en œuvre les politiques publiques définies au niveau national et européen, dans un objectif d’efficience, de modernisation, de simplification, d’équité des territoires et de proximité avec les usagers et les acteurs locaux. Les administrations déconcentrées agissent conjointement et solidairement avec les administrations décentralisées que sont les collectivités territoriales dans l’œuvre de transformation d’une action publique plus unifiée.

Article 13

Les agents publics peuvent, sans engager leur responsabilité, invoquer le principe d’imputabilité visant à proposer à leur hiérarchie une solution à une difficulté rencontrée, à charge pour celle‑ci de répondre dans un délai d’une semaine. L’absence de réponse vaut approbation.

Article 14

Le droit de dérogation du préfet peut s’étendre à des dispositions d’une norme législative relevant manifestement du domaine réglementaire dès lors qu’un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales rendent nécessaire cette dérogation pour respecter l’intention du législateur. Cette dérogation fait l’objet d’une information au Parlement et au Conseil national d’évaluation des normes.

Titre IV

DÉcloisonner les administrations publiques

Article 15

Au début du code général des collectivités territoriales, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :

« Titre Préliminaire

« Art. L. 1001. – Les administrations publiques sont l’ensemble des organismes dont la fonction principale est l’action publique. Elles visent à la production de services non marchands. Elles regroupent l’État et les organismes divers d’administration centrale, les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale.

« Art. L. 1002. – Le principe de libre administration confère aux collectivités territoriales la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et la liberté financière.

« Art. L. 1003. – La liberté contractuelle est un droit essentiel à l’exercice de la mission des collectivités territoriales. Elles peuvent répartir librement entres elles les compétences qui leur incombent, à l’exception de celles dévolues à l’État.

« Art. L. 1004. – Le droit qui régit l’exercice des compétences transférées ou partagées présume la bonne foi des acteurs, il s’applique selon le principe de confiance mutuelle. »

Article 16

La diversité des territoires est l’un des éléments constitutifs de l’unité nationale justifiant l’organisation décentralisée de la République.

Article 17

Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales respecte la protection des droits fondamentaux constitutionnellement garantis. Il ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Article 18

Les études ex‑ante doivent être suivies d’études ex‑post. L’Assemblée nationale et le Sénat disposent chaque année d’un droit de choisir une étude ex‑post correspondant à l’étude d’impact d’une loi précédemment adoptée afin d’apprécier la mise en œuvre effective des politiques publiques.

Article 19

Le principe de neutralité technologique reconnaît une égalité parfaite entre un document sur support numérique et sur support papier, il s’articule avec le principe d’équivalence fonctionnelle visant à ce que les deux supports aient la même valeur juridique dès lors qu’ils comportent la même information, que leur intégrité est assurée et qu’ils respectent les règles qui les régissent pour être utilisés aux mêmes fins.

Article 20

Les actes édictés par les autorités publiques ainsi que les actes relatifs aux besoins des usagers doivent s’apprécier selon les principes de neutralité technologique et d’équivalence énoncés dans l’article 19.