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N° 4006

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer la parité dans les mandats électoraux,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bérangère COUILLARD, Anne BRUGNERA, Christophe DI POMPEO, Natalia POUZYREFF, Didier BAICHÈRE, Guillaume GOUFFIERCHA, Carole GRANDJEAN, Laurence MAILLARTMÉHAIGNERIE, Françoise BALLETBLU, Stéphanie DO, Cathy RACONBOUZON, Alexandra LOUIS, Céline CALVEZ, Claire PITOLLAT, Corinne VIGNON, Damien PICHEREAU, Romain GRAU, Cécile MUSCHOTTI, Véronique RIOTTON, Fadila KHATTABI, Florence PROVENDIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de 20 ans après les premières lois de parité, et plus de 70 ans après le droit de vote et d’éligibilité accordé aux femmes, de nombreuses avancées législatives ont eu lieu permettant de faire évoluer la représentation des femmes au sein de la sphère politique française.

Ces différentes lois successives ont permis, en partie, de répondre au principe de parité, lui‑même inscrit dans la Constitution depuis le 8 juillet 1999 puis modifié le 23 juillet 2008, avec pour but de promouvoir « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Néanmoins, malgré des avancées législatives majeures, des résultats contrastés demeurent toutefois selon les modes de scrutin appliqués. Effectivement, il est à noter que le scrutin de liste, assorti de contraintes strictes quant à la composition paritaire des listes de candidats, a permis à la parité de devenir une réalité effective dans les conseils municipaux des communes de plus de 1 000 habitants, dans les conseils régionaux et dans les conseils départementaux. Les femmes représentant ainsi aujourd’hui 42,4 % des conseillers municipaux et 35,8 % des conseillers communautaires.

En revanche, dans les communes de moins de 1 000 habitants, la loi n’étant pas contraignante, les avancées de la parité sont plus limitées : 37,6 % de femmes dans les conseils municipaux après les élections de 2020 contre 46,6 % dans les communes de 1 000 habitants et plus.

Par ailleurs, la parité n’a que très peu progressé pour les élections qui reposent sur un scrutin uninominal, avec les élections législatives par exemple. La proportion de femmes élues a nettement progressée au fil des années, passant ainsi de 10,9 % en 1997 à 26 % en 2012, et notamment avec les dernières élections législatives de juin 2017 qui ont vu le nombre de femmes élues augmenter fortement avec 224 députés femmes, soit 38,8 % des 577 sièges de députés. Malgré une évolution importante, ce résultat reste tout de même contrasté et met en lumière l’absence notoire de femmes élues députées, toujours en deçà des 50 % effectif représentant une réelle parité au sein de l’Assemblée nationale. Cette situation illustre également que le principe des pénalités financières pour les partis politiques ne respectant pas la parité fait ses preuves mais que son efficacité rencontre des limites. C’est en ce sens, que même si l’Assemblée nationale se féminise, des partis politiques préfèrent cependant se voir infliger des pénalités financières importantes plutôt que d’investir des femmes. Certains se sont ainsi vu pénaliser d’un montant de 1,78 million d’euros sur les aides publiques qui leur sont octroyées !

Les intercommunalités sont également concernées par cette problématique. Ces dernières sont actuellement présidées quasi‑exclusivement par des hommes et la part des femmes n’y est que très faible. On relève ainsi 35,8 % de femmes au sein des conseils communautaires à l’issue des élections municipales de 2020, soit un total de 22 352 femmes occupant une fonction de représentation au sein des 1 254 établissements publics de coopération intercommunales.

Les femmes sont plus présentes dans les EPCI des communes de 1 000 habitants et plus où les règles électives exigent que la parité femme‑homme soit respectée. Les chiffres démontrent que plus la population de l’EPCI est importante, plus les femmes sont nombreuses. Il y a ainsi 39,1 % de femmes dans les conseils des intercommunalités de plus de 300 000 habitants. En revanche, leur progression est plus faible dans les EPCI qui regroupent des communes de moins de 1 000 habitants où les conseillers communautaires sont désignés selon un autre mode de scrutin.

Elles restent cependant très minoritaires dans les fonctions les plus hautes au sein des EPCI. Sur l’ensemble des 1 254 établissements publics, on ne dénombre que 140 femmes présidentes (11,2 %) et seulement un peu plus d’un quart de femmes parmi les vice‑présidents.

L’ensemble de ces données nous démontrent qu’une seule vérité : même si des avancées significatives ont été mises en place, cela ne suffit pas. Il faut donc aller plus loin, en mettant en œuvre des mesures contraignantes pour permettre d’atteindre une véritable parité dans tous les niveaux de la sphère politique représentative. Là où la loi n’est qu’incitative, les femmes sont encore sous‑représentées. Là où la loi ne dit rien : les hommes restent trop souvent largement majoritaires. En revanche, là où la loi oblige, la parité quantitative est presque de mise. Il serait donc juste d’indiquer ici que les contraintes légales et fortes assurent la parité, contrairement aux seules mesures incitatives. C’est pourquoi, cette proposition de loi vise à instaurer de réelles obligations.

La parité est nécessaire sur plusieurs points : elle est une exigence de justice et de démocratie.

Dans un pays composé de moitié de femmes, il semble aujourd’hui inconcevable qu’une juste représentation de la moitié des citoyens Français ne soit pas visibles dans les instances politiques de notre pays, et ce, à tous les échelons.

Puisqu’aujourd’hui, seules les communes de moins de 1 000 habitants ne sont soumises à aucune règles paritaire, l’article 1er propose donc de supprimer le seuil relatif au scrutin de liste paritaire pour les élections municipales et de l’appliquer à l’ensemble des communes afin de renforcer la présence des femmes dans les exécutifs locaux.

L’article 2 vise à rendre obligatoire la constitution de listes présentant alternativement des candidats de chaque sexe pour l’élection des adjoints aux maires, pour l’ensemble des communes et non seulement pour les communes de plus de 1 000 habitants. Le premier de la liste devant être d’un sexe différent de celui du Maire afin de favoriser les binômes Maire‑Premier adjoint paritaire.

Par ailleurs, cet article vise également à étendre le principe de désignation d’un ou plusieurs adjoints en cas de vacances, parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder, dans l’ensemble des communes et non seulement aux communes de 1 000 habitants.

L’article 3 vise à instaurer le principe de parité dans les bureaux des intercommunalités ainsi que dans le binôme Président‑Premier Vice‑Président afin que les femmes puissent également accéder aux postes à responsabilité au sein de ces instances.

L’article 4 quant à lui vise à augmenter significativement les pénalités financières pour les partis politiques ne respectant pas la parité dans les investitures. Pour inciter les partis politiques à proposer plus de candidates, des pénalités sont imposées depuis 2000 aux partis politiques si l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe aux législatives dépasse 2 % du nombre total de ces candidats. Il est ici proposé de multiplier par 5 le montant de ces pénalités afin de les rendre réellement dissuasives. Il est par ailleurs indiqué que si les pénalités dépassent le montant de ces subventions publiques allouées, alors ces dernières se verront être supprimées dans leur entièreté.


proposition de loi

Article 1er

I. – Le livre Ier du code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 19 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa du IV est ainsi rédigé :

« IV. – Dans les communes dans lesquelles une seule liste a obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement ou dans lesquelles il est impossible de constituer une commission complète selon les règles prévues aux V et VI, la commission est composée : » ;

b) Au premier alinéa des V et VI, les mots : « de 1 000 habitants et plus » sont supprimés ;

c) Le VII est abrogé ;

2° Le titre IV est ainsi modifié :

a) Au second alinéa de l’article L. 242, les mots : « visées aux chapitres III et IV du présent titre » sont remplacés par les mots : « de 1 000 habitants et plus » ;

b) Le chapitre II est ainsi modifié ;

– l’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions applicables aux communes à sections » ;

– la division et l’intitulé des sections 1 à 5 sont supprimés ;

– les articles L. 252, L. 253, L. 255‑2, L. 255‑3, L. 255‑4, L. 256 et L. 257 sont abrogés ;

– les deux premiers alinéas de l’article L. 258 sont supprimés ;

c) Le chapitre III est ainsi modifié :

– l’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions relatives à l’élection des conseillers municipaux » ;

– l’article L. 260 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les listes peuvent comporter :

« 1° Pour les communes de moins de 100 habitants, au moins autant de candidats que le nombre de conseillers municipaux mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2121‑2‑1 du code général des collectivités territoriales ;

« 2° Pour les communes de 100 à 499 habitants, au moins autant de candidats que le nombre de conseillers municipaux mentionnés au 1° du même article L. 2121‑2‑1 ;

« 3° Pour les communes de 500 à 999 habitants au moins autant de candidats que le nombre de conseillers municipaux mentionnés au 2° dudit article L. 2121‑2‑1.

« Les listes répondant aux conditions prévues au 1° à 3° du présent article sont réputées complètes. » ;

d) Le dernier alinéa de l’article L. 261 est supprimé ;

e) À la fin de l’article 273, les références : « , L. 244 et L. 256 » sont remplacées par la référence : « et L. 244 » ;

3° Le titre V est ainsi modifié :

a) L’intitulé du chapitre II est ainsi rédigé : « Mode d’élection et remplacement » ;

b) Au premier alinéa de l’article L. 273‑6, les mots : « de 1 000 habitants et plus » sont supprimés ;

c) Le dernier alinéa de l’article L. 273‑8 est supprimé ;

d) Le chapitre III est abrogé.

II. – Les quatrième et cinquième lignes du tableau du second alinéa de l’article L. 2121‑2 du code général des collectivités territoriales sont remplacées par deux lignes ainsi rédigées :

 

« 

De 500 à 999

13

 

 

De 1 000 à 2 499

17

 »

Article 2

La section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° L’article L. 2122‑7‑1 est abrogé ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 2122‑7‑2 est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, les mots : « Dans les communes de 1 000 habitants et plus, » sont supprimés ;

b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , le premier de la liste étant d’un sexe différent de celui du maire ; ».

Article 3

L’article L. 5211‑10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le premier vice‑président est d’un sexe différent de celui du président. » ;

2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’écart entre le nombre des vice‑présidents de chaque sexe ne peut dépasser 2 % du nombre total des vice‑présidents. »

Article 4

Le premier alinéa de l’article 9‑1 de la loi n° 88‑227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifié :

1° Le taux : « 150 % » est remplacé par le taux : « 750 % » ;

2° À la fin, les mots : « sans que cette diminution puisse excéder le montant total de la première fraction de l’aide » ;

3° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Si cette diminution excède le montant de la première fraction de l’aide, celle‑ci est supprimée. »

Article 5

Les articles 1er, 2 et 3 de la présente loi s’appliquent à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la présente loi.

L’article 4 s’applique à compter de la promulgation de la présente loi.