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N° 4012

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre la politique familiale plus juste et plus efficace,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Maxime MINOT,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ces six dernières années, la natalité dans notre pays n’a pas cessé de décroître. Alors que le taux de fécondité était de 2,01 enfants par femme en 2014, celui‑ci n’est plus que de 1,84 enfant par femme en 2020. Jamais la natalité en France n’avait été aussi faible depuis 1945. Si cette baisse des naissances peut en partie s’expliquer par la crise de la Covid‑19, ce n’est pas le seul facteur qui explique cette chute. En effet, l’âge moyen de la maternité continue de croître régulièrement : il atteint 30,8 ans en 2020, contre 29,3 ans vingt ans plus tôt.

Or force est de constater que la politique d’attribution des allocations familiales, établie à une époque qui date de plus de 70 ans n’est absolument plus adaptée aux familles françaises d’aujourd’hui. Il faut regarder ces dernières pour ce qu’elles sont au XXIe siècle. Une écrasante majorité d’entre elles est composée d’un ou deux enfants et de plus en plus de famille sont monoparentales.

En effet, les allocations familiales sont des aides pécuniaires versées par les caisses d’allocations familiales (CAF) aux personnes ayant des enfants à charge. Il existe de nombreux cas spécifiques de versement de ces prestations sociales, soit liés au nombre d’enfants, soit liés aux ressources du foyer dans lequel ils sont élevés. Ce sont les plus anciennes des prestations familiales distribuées par les caisses d’allocations familiales.

À l’heure actuelle, les allocations familiales sont versées à partir du deuxième enfant. Elles sont modulées en fonction du nombre d’enfants à charge puisque des compléments de prestations sont alloués à partir du troisième enfant. Ces conditions ont été posées dans le contexte de reconstruction du pays qui a suivi la seconde guerre mondiale. Le Gouvernement de l’époque avait alors pour ambition d’encourager les familles à avoir trois enfants et plus, pour compenser les lourdes pertes humaines du conflit.

Il apparaît donc comme nécessaire d’adapter la politique publique de distribution des allocations familiales afin de la rendre plus performante mais sans perdre de vue son objectif principal, lequel est de compenser la charge éducative que représente l’enfant dans le foyer afin de soutenir une natalité forte.

Dès lors, le versement des allocations familiales à partir du second enfant seulement ne semble pas être une solution adaptée lorsque l’on sait que c’est le premier enfant qui représente la plus grande charge financière pour les familles. En effet, c’est avec le premier enfant que les parents doivent acheter tout le matériel, bien souvent onéreux, qui est nécessaire à son arrivée et indispensable à son développement. En revanche, tout ce qui aura été acquis pour le premier enfant, pourra être réutilisé lors de l’arrivée des autres enfants, si bien qu’il semble moins nécessaire d’accorder des allocations familiales au‑delà de trois enfants. Le versement des allocations familiales à partir du second enfant seulement ne peut de ce fait que repousser les limites de l’âge moyen de la maternité, dès lors que les couples vont bien souvent attendre d’avoir une situation financière stable avant d’envisager une vie familiale propre. Les familles doivent donc être aidées dès l’arrivée du premier enfant.

Enfin, jusqu’au 30 juin 2015, les allocations familiales étaient du même montant pour toutes les familles, sans aucune condition de ressources. Or, depuis juillet 2015, les allocations familiales sont désormais modulées, également en fonction des revenus du foyer. Cette réforme malheureuse a directement amputé le pouvoir d’achat des classes moyennes et produit des effets dévastateurs sur le taux de natalité. En restaurant l’universalité des allocations familiales, c’est à dire en supprimant la condition de ressources, les familles, notamment les classes moyennes pourraient considérablement augmenter leur pouvoir d’achat, en se voyant réattribuer des montants qui oscilleraient entre 800 et 2 400 euros par an.

En ce qui concerne le versement de l’allocation rentrée scolaire (ARS), celle‑ci est versée aux familles modestes, qui ont un enfant à charge entre 6 et 18 ans. Or, depuis la rentrée 2019, l’instruction est obligatoire dès l’âge de 3 ans. Il serait ainsi bienvenu de verser la prime de rentrée scolaire, dès que l’enfant atteint ses 3 ans étant dès lors en âge de rentrer à l’école maternelle, puisque l’âge de l’instruction obligatoire a été abaissé. En outre, compte tenu des dévoiements auxquels elle peut donner lieu de la part de parents peu scrupuleux, l’allocation serait dorénavant attribuée sous la forme d’un titre de paiement à définir afin de limiter les abus et de servir sa finalité qui est celle d’équiper les enfants en matériels scolaires.

Cette proposition de loi vise donc à réformer l’attribution des allocations familiales en France, en les accordant dès l’arrivée du premier enfant mais en les limitant à trois enfants ; à supprimer la condition de ressources comme condition nécessaire à l’accès à ces allocations familiales et à étendre le versement de l’allocation de rentrée scolaire aux parents d’enfants entrant en maternelle.

Une telle mesure pourrait interroger quant au respect des exigences constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014‑706 DC du 18 décembre 2014, a considéré que si l’exigence constitutionnelle résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 impliquait une politique de solidarité nationale en faveur de la famille, « il est cependant loisible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d’aide aux familles qui lui paraissent appropriées » et donc qu’« en prévoyant que le montant des allocations familiales varie en fonction du nombre des enfants à charge et des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants, les dispositions contestées instituent des différences de traitement en lien direct avec l’objet de ces allocations ».

Au regard de cette jurisprudence, il peut raisonnablement être soutenu que la suppression des allocations familiales à partir du quatrième enfant n’est pas inconstitutionnelle.

Il ne s’agit pas de limiter, même indirectement, le nombre d’enfants ou de pénaliser les familles nombreuses, d’autant que les avantages fiscaux ou autres, comme pour le train, au‑delà de trois enfants ne sont en aucun cas remis en cause, et que le retour au principe d’universalité va accroître les aides perçues par les familles, mais de recentrer les aides familiales là où elles sont le plus nécessaires et le plus adaptées aux besoins, dans un contexte budgétaire contraint. D’autant que selon l’INSEE, en 2016, 44,8 % des familles avaient un enfant, 38,7 % deux enfants, 12,7 % trois enfants et 3,8 % quatre enfants ou plus.

Ce texte aspire, ainsi, à dessiner une nouvelle politique familiale moderne et ambitieuse et à promouvoir l’idée d’une politique nataliste dans notre pays, tout en redonnant aux familles plus de pouvoir d’achat.


proposition de loi

Article 1er

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 521‑1 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier » et sont ajoutés les mots : « et dans la limite de trois enfants » ;

2° Les troisième, cinquième et dernier alinéas sont supprimés.

2° Le second alinéa de l’article L. 755‑12 est supprimé.

Article 2

I. – Au premier alinéa de l’article L. 543‑1 du code de la sécurité sociale, après le mot : « attribuée », sont insérés les mots : « , sous forme d’un titre de paiement défini par décret, », et les mots : « un âge déterminé » sont remplacés par les mots : « son troisième anniversaire avant le 1er février de l’année suivant celle de la rentrée scolaire ».

II. – Au premier alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 2002‑149 du 7 février 2002 relative à l’extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, après le mot : « attribuée », sont insérés les mots : « , sous forme d’un titre de paiement défini par décret, », et le mot : « élémentaire » est remplacé par le mot : « maternel ».

Article 3

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par l’augmentation des taux de prélèvements mentionnés aux articles 302 bis ZH et 302 bis ZI du code général des impôts.