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N° 4054

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre l’obsolescence programmée : passer de la société du jetable à celle du durable,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Loïc PRUD’HOMME, Bénédicte TAURINE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Ugo BERNALICIS, Clémentine AUTAIN, Adrien QUATENNENS, Michel LARIVE, Alexis CORBIÈRE, JeanLuc MÉLENCHON, Mathilde PANOT, François RUFFIN, Sabine RUBIN, Éric COQUEREL, Muriel RESSIGUIER, Danièle OBONO, JeanHugues RATENON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors de la présentation de ses propositions pour la transition écologique en juin 2020, la convention citoyenne pour la climat a mentionné dans la liste de ses priorités la nécessité de lutter contre l’obsolescence programmée et de faire respecter son interdiction.

Cette pratique est définie en France par l’articles L441‑2 du code de la consommation qui dispose que : « L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles le metteur sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ».

Celle‑ci peut prendre plusieurs formes : mise sur le marché de produits plus fragiles ou moins efficaces alors que des techniques et matériaux plus performants sont déjà connus ; refus, au mépris des obligations légales d’afficher la durée de vie d’un produit ou de rendre possible la réparation ou le remplacement d’une seule composante défectueuse.

Cette pratique a des conséquences environnementales désastreuses : l’injonction à la surconsommation et la culture du “jetable” entraîne la production de 20 à 50 millions de tonnes de déchets électriques et électroménagers dans le monde chaque année. Cette surproduction se traduit par une extraction effrénnée de matières premières et conduit à l’épuisement des ressources naturelles par la destrcution des terres, l’élimination de la végétation au détriment des terres fertiles et écosystèmes.

Avec entre 16 à 20 kg de déchets électriques et électroménagers jetés par personne et par an en France, le problème environnemental de l’obsolescence programmée est de plus en plus préoccupant. À titre d’exemple, il faut rappeler l’impact environnemental d’un ordinateur : pour le concevoir, il faut près de 250 kg de matières premières, pour une émission de 40 kg d’equivalent CO2, soit 15 fois plus qu’une chaîne hi‑fi. L’essentiel de cet impact tient aux matières premières (30 kg environ) et à la distribution (8 kg environ).

Au delà des impacts environnementaux, l’obsolescence programmée et la surproduction qu’elle entraîne condamnent les économies du Sud à devenir les enfouisseur de déchets de celles du Nord dans des conditions de travail abominables.

La culture de l’obsolescence programmée fait également sans cesse, via la publicité de masse, la promotion de comportements de consommation insoutenables qui entraîne l’aliénation d’une partie des consommateurs. Les conséquences environnementales et sociales de cette culture du “jetable” sont désastreuses.

En 2015 la loi relative à la Transition écologique pour la croissance verte a pourtant clairement interdit le délit d’obsolescence programmée et les responsables encourent jusqu’à 2 ans de prison et une amende de 300 000 euros pouvant être portée jusqu’à 5 % de leurs chiffre d’affaire.

Au vu de l’ampleur du problème, il convient cependant de prendre d’autres mesures afin de mettre fin à ces pratiques responsables de la production de millions de déchets chaque année dans le monde.

L’objectif de cette loi, est de garantir dans les faits la durabilité légale et la réparabilité réelle des objets conformément à la définition donnée dans le code de l’environnement (art. L. 110‑1‑1) de l’économie circulaire qui vise à « l’allongement de la durée du cycle de vie des produits ».

C’est pourquoi la présente proposition de loi envisage dans son article 1er une extension de la durée minimale de garantie légale de 2 à 10 ans. Les produits sont faits pour durer, au moins le temps de la garantie, sans quoi le constructeur ou le distributeur devront prendre à leur charge les coûts de la réparation.

Cette disposition permettrait de passer d’une économie du jetable à une économie du réemploi. En effet, 80 % des marchandises tombées en panne pendant la garantie sont rapportées au vendeur ou au constructeur pour réparation. L’extension de la garantie décénale, portée également par de nombreuses associations, aurait l’avantage d’être un véritable gisement l’emploi, d’une part avec la relocalisation d’une production de qualité, et d’autre part avec le renforcement de celle de réparateurs indépendants. La Commission européenne estime que le développement de l’économie circulaire pourrait générer 170 000 emplois supplémentaires d’ici 2030, ces emplois relocalisés sont la condition sinequanone à la transition écologique, qui ne pourra advenir si on continue à faire voyager autant de marchandises à travers le monde.

L’article 2 garantit la disponiblité des pièces détachées à minima sur la durée de garantie légale. Allonger les garanties légales supposerait aussi de rendre les pièces détachées disponibles sur le long terme : dix ans, voire davantage, comme cela existe pour certains constructeurs d’électroménager. À l’heure actuelle, les fabricants limitent volontairement leur disponibilité afin de provoquer l’obsolescence, il s’agit donc de mettre en place un droit à la réparation, avec garantie de la réparabilité des objets et de la disponibilité des pièces détachées.

L’article 3 vise à préciser le délit d’obsolescence programmée afin d’interdire clairement les pratiques visant à rendre un produit irréparable, même par un professionnel.

Enfin, l’article 4 de la présente proposition de loi dispose que toute publicité incitant à dégrader, abandonner ou à remplacer des produits en état normal de fonctionnement est interdite à partir du 1er janvier 2022. Il faut mettre fin à la culture de l’obsolescence programmée, diffusée pour le profit des industriels et fabricants et largement relayée par les médias.

Cet article s’appuie pour cela sur les recommendations de développement durable de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui stipule dans son article 9 que « la publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergie et de ressources naturelles ».


proposition de loi

Article 1er

I. – À l’article 1648 du code civil, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « dix ».

II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 217‑7, les mots : « vingt‑quatre mois » sont remplacés par les mots : « dix ans » ;

2° À l’article L. 217‑12, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « dix ».

Article 2

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 111‑4 du code de la consommation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette date doit nécessairement être ultérieure à celle de la durée légale de garantie du bien meuble. »

Article 3

À l’article L. 441‑2 du code de la consommation, après le mot : « vie », sont insérés les mots : « ou à en empêcher sa réparabilité ».

Article 4

Le second alinéa de l’article L. 541‑15‑9 du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« Est interdite toute forme de publicité ou action de communication commerciale qui inciterait directement ou indirectement à dégrader, abandonner ou remplacer prématurément des produits dont la fonction principale est encore fonctionnelle. Est notamment considéré comme tel, tout contenu publicitaire, quel que soit son support, incitant au rachat à neuf de biens en état de marche, incitant au non‑entretien ou au mésusage des produits, incitant à l’achat en vue de la revente et non en vue de l’utilisation durable ou valorisant les produits jetables au détriment des produits réutilisables. »