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N° 4128

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la responsabilité pénale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume LARRIVÉ, Damien ABAD, Constance LE GRIP, Annie GENEVARD, Éric CIOTTI, Julien AUBERT, Arnaud VIALA, Geneviève LEVY, Michèle TABAROT, Olivier MARLEIX, Robin REDA, Brigitte KUSTER, JeanCarles GRELIER, Patrick HETZEL, Marc LE FUR, Emmanuel MAQUET, Véronique LOUWAGIE, JeanClaude BOUCHET, Sandrine BOËLLE, Nathalie PORTE, Bernard DEFLESSELLES, Émilie BONNIVARD, Laurence TRASTOURISNART, Bernard BROCHAND, Didier QUENTIN, Valérie BAZINMALGRAS, Xavier BRETON, JeanLuc REITZER, Michel HERBILLON, Bérengère POLETTI, AnneLaure BLIN, Bernard PERRUT, Robert THERRY, Charles de la VERPILLIÈRE, JeanPierre DOOR, JeanMarie SERMIER, JeanLouis THIÉRIOT, Gérard MENUEL, Thibault BAZIN, Jérôme NURY, Rémi DELATTE, David LORION, Stéphane VIRY, JeanJacques GAULTIER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans la nuit du 4 avril 2017, à Belleville, Kobili Traoré a fait irruption au domicile de Madame Sarah Halimi. Il l’a rouée de coups, aux cris d’« Allah Akbar ». Et il l’a tuée, en la précipitant par‑dessus un balcon.

L’auteur de ce crime antisémite ne sera, hélas, jamais jugé.

Ainsi en a définitivement décidé la chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt n° 404 du 14 avril 2021. Celle‑ci, effet, n’a pas censuré la chambre d’instruction de la cour d’appel qui avait estimé que Kobili Traoré devait être regardé comme pénalement irresponsable au motif que son discernement était aboli du fait de la consommation de stupéfiants – et que « la circonstance que cette bouffée délirante soit d’origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis, ne fait pas obstacle à ce que soit reconnue l’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, puisqu’aucun élément du dossier d’information n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle manifestation ».

Cet arrêt heurte la conscience tant il nous apparaît dénué de toute humanité et fait écho à l’adage summum jus, summa injuria qu’énonçait Cicéron dans son Traité des devoirs.

Il appartient au législateur, au nom du peuple français, de tenter de corriger cette injustice. La non‑rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne permettra pas, hélas, de rendre justice à Madame Sarah Halimi. Mais la loi nouvelle doit permettre que l’autorité judiciaire, à l’avenir, ne puisse plus commettre pareille injustice.

À cette fin, il est nécessaire de modifier le régime d’irresponsabilité pénale défini au premier alinéa de l’article 122‑1 du code pénal, qui prévoit que : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » Ces dispositions, inchangées depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994, sont les héritières du code pénal napoléonien, dont l’article 64, rédigé en 1810, énonçait qu’« il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister. » Ce régime d’irresponsabilité a été précisé par deux siècles de jurisprudence judiciaire et de doctrine universitaire. Si le nouveau code pénal a introduit une distinction entre l’abolition du discernement (cause d’irresponsabilité pénale) et l’altération du discernement (cause d’atténuation de la responsabilité), il n’a en revanche pas distingué parmi les causes de l’abolition du discernement.  Aussi la Cour de cassation, dans son arrêt du 14 avril 2021, relève‑t‑elle explicitement que « les dispositions de l’article 122‑1, alinéa 1er, du code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement. » Par conséquent, lorsqu’elle est à l’origine d’un trouble psychique, la consommation de produits stupéfiants n’est pas jugée comme une faute qui exclut l’irresponsabilité pénale. De manière plus directe encore, dans le commentaire publié à la suite de cet arrêt, la Cour de cassation se justifie en ces termes : « En cohérence avec la jurisprudence antérieure, mais pour la première fois de façon aussi explicite, la Cour de cassation explique que la loi sur l’irresponsabilité pénale ne distingue pas selon l’origine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes. Or, le juge ne peut distinguer là où le législateur a choisi de ne pas distinguer. »

Le temps est venu, pour le législateur, de procéder à cette nécessaire distinction, en excluant de l’irresponsabilité pénale la personne qui est atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, lorsque ce trouble résulte de l’absorption volontaire, c’est-à-dire de la consommation, de produits stupéfiants ou d’alcool.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article unique

Le premier alinéa de l’article 122‑1 du code pénal est complété par les mots : « , sauf si ce trouble résulte de la consommation de produits stupéfiants ou d’alcool. ».