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N° 4132

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021.

PROPOSITION DE LOI

pénalisant la négation et la banalisation du génocide arménien et des génocides reconnus par les lois de la République,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien RAVIER, Emmanuelle ANTHOINE, Édith AUDIBERT, Philippe BENASSAYA, Sandrine BOËLLE, JeanClaude BOUCHET, Marine BRENIER, Bernard BROCHAND, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Jennifer DE TEMMERMAN, Bernard DEFLESSELLES, Béatrice DESCAMPS, Julien DIVE, Nadia ESSAYAN, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, JeanChristophe LAGARDE, Mohamed LAQHILA, MarieFrance LORHO, Nicolas MEIZONNET, Éric PAUGET, Nathalie PORTE, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Isabelle SANTIAGO, Michèle TABAROT, Guy TEISSIER, Agnès THILL, Arnaud VIALA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a 106 ans, les populations arméniennes étaient victimes des exactions ottomanes. Ces sombres événements sont aujourd’hui connus comme le génocide arménien.

L’enjeu de la reconnaissance de ce génocide majeur est depuis sujet de nombreux débats. La Turquie, héritière de l’Empire ottoman, refuse encore à ce jour de reconnaître le génocide. Pire, elle prône sa négation et se montre agressive envers ceux, fidèles à une réalité historique, qui reconnaissent et commémorent le génocide arménien.

L’entrisme turque et les violences contre les Arméniens se renforcent pourtant chaque jour. Nier le génocide, c’est assassiner les victimes une deuxième fois. C’est par ailleurs un élément constitutif de la politique pro‑turque et anti‑arménienne. Il s’agit d’une expression favorisant les troubles à l’ordre public, la haine et le rejet de l’autre et les tensions communautaires.

À l’heure où la France prend conscience et essaie de lutter contre le séparatisme islamiste radical, la Turquie étend son influence autour de trois axes politiques que décrivait le Journal du Dimanche : le culte de la personnalité de Recep Tayyip Erdogan, le rejet des Kurdes et la négation du génocide arménien. C’est au travers d’associations notamment que l’idéologie du régime turque est exportée. Le groupe des Loups gris a notamment été dissous en novembre 2020, suite à des violences. Les militants radicalisés continuent néanmoins à agir et à propager les trois axes, dont le négationnisme.

Le Parlement européen a reconnu le génocide arménien en 1987. La République française a reconnu le génocide arménien en 2001.

Et pourtant, il est aujourd’hui possible en France de nier le génocide, de le banaliser, de le moquer… Seule son apologie est condamnable.

Le Parlement et la représentation nationale ont voté plusieurs fois favorablement la pénalisation de la négation ou de la banalisation du génocide arménien. Ce vote s’inscrit en conformité avec la décision‑cadre 2008/913/JAI du Conseil de l’Union Européenne, relative à la lutte contre le racisme et à la négation des crimes contre l’humanité et génocides.

Néanmoins, en raison d’une déclaration des autorités françaises annexée à la décision‑cadre, seule la pénalisation de l’apologie des génocides a été transposée dans le droit français.

La République française est le seul État membre à avoir activé cette clause de la décision‑cadre. Ce choix n’honore pas notre République et notre histoire commune avec le peuple arménien.

Cette déclaration de trois lignes, dénuée de toute explication, est aujourd’hui l’unique rempart permettant de protéger la liberté de nier ou de banaliser le génocide arménien.

Sans cette déclaration, rien n’empêcherait la France de pénaliser la négation du génocide et le Conseil constitutionnel pourrait ainsi valider l’encadrement de la liberté d’expression, puisque la norme européenne est supérieure.

Une proposition de résolution est ainsi déposée conjointement à la présente proposition de loi, pour demander le retrait de cette déclaration afin de permettre la pénalisation de la négation du génocide arménien sans problème d’inconstitutionnalité.

Comment peut‑on tolérer dans le pays des droits de l’Homme que la négation de certains génocides soit protégée par le droit ? D’autant plus lorsqu’ils sont reconnus par les lois de la République.

« Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». Pour que jamais nous n’oublions, il convient de pénaliser enfin dans la République française la négation et la banalisation des génocides reconnus par les lois de la République.

Tel est l’objet de la présente proposition.

 

 


proposition de loi

Article unique

Après le troisième alinéa de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 2° Ce crime a fait l’objet d’une reconnaissance par la loi, une convention internationale signée et ratifiée par la France ou à laquelle celle‑ci aura adhéré par une décision prise par une institution communautaire ou internationale ou qualifiés comme tels par une juridiction française rendue exécutoire en France ;

« 3° La négation, la minoration ou la banalisation grossière de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personne ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. »