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N° 4133

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la restitution de la couronne du dais de la reine Ranavalona III à la République de Madagascar,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs,

Mme Aina KURIC, Olivier BECHT, PierreYves BOURNAZEL, Annie CHAPELIER, Paul CHRISTOPHE, M’jid EL GUERRAB, Christophe EUZET, Agnès FIRMIN LE BODO, Thomas GASSILLOUD, Antoine HERTH, Dimitri HOUBRON, Philippe HUPPÉ, Loïc KERVRAN, Aina KURIC, Luc LAMIRAULT, JeanCharles LARSONNEUR, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Alexandra LOUIS, Lise MAGNIER, Valérie PETIT, Benoit POTTERIE, Maina SAGE, Maud PETIT, Sébastien NADOT, Bertrand BOUYX, Jennifer DE TEMMERMAN, Frédérique DUMAS, Benoit SIMIAN, Jacques KRABAL, Nathalie SARLES, Sira SYLLA, Alexandra LOUIS, David LORION, Delphine BAGARRY, Véronique RIOTTON,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 28 novembre 2017 à Ouagadougou, au Burkina Faso, le président de la République a fait part de la volonté politique qu’il souhaitait engager afin que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Ce discours a été suivi de faits. Le 17 décembre 2020, notre Parlement envoyait un symbole fort en adoptant un projet de loi permettant de restituer le « Trésor de Béhanzin » à la République du Bénin, et le sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall à la République du Sénégal.

Or, cette première étape, si elle doit être largement saluée, ne peut pas marquer la fin du travail primordial de réflexion mémorielle que nous menons. Il demeure, chez certains peuples, des volontés de réappropriation de biens ayant pu être confisqués, notamment dans un contexte colonial. La capacité de notre nation à reconnaître son passé, et à honorer les demandes des gouvernements africains lorsque celles‑ci sont légitimes, déterminera ainsi la réussite de la « nouvelle relation entre la France et l’Afrique » souhaitée par le président de la République française.

Dans ce contexte, le président de la République de Madagascar Andry Rajoelina a demandé le 20 février 2020, par une lettre remise au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean‑Yves Le Drian, la restitution de « la couronne royale de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III ». Cette requête ne concerne en réalité pas la couronne de la reine – dérobée à Tananarive en 2011 – mais un ornement de son dais royal.

En effet, en 1895, refusant le protectorat imposé depuis dix ans, la reine Ranavalona III, arrivée au pouvoir en 1883, déclare la guerre à la France lors d’un grand rassemblement solennel. Au sommet du dais utilisé à cette occasion puis pour annoncer la défaite malgache face aux troupes françaises la même année, se trouve un élément décoratif en forme de couronne. Deux ans plus tard, la reine Ranavalona III, soupçonnée de soutenir des révoltes contre le protectorat, est arrêtée par le gouverneur général Gallieni puis exilée, ce qui met fin à la monarchie.

Par la suite, le 5 novembre 1910, la couronne du dais est donnée à la France par Georges Richard, ancien membre du bataillon des volontaires de la Réunion engagé dans la conquête de Madagascar de 1884 à 1886. L’homme aurait acquis cet objet lors d’un second séjour sur l’île, entre 1895 et 1896. L’ornement a, de cette manière, été conservé au musée de l’Armée durant un siècle environ.

Cette situation a pris fin avec la réponse favorable accordée par le Gouvernement français à la demande du Président Andry Rajoelina. Le 5 novembre 2020, l’élément décoratif du dais a été mis en dépôt au palais de la Reine à Tananarive. Les garanties que présente ce musée, qui vient d’être entièrement rénové, de même que le profond attachement du peuple malgache à ce qui constitue un élément central de son histoire, nous permettent d’être assurés que l’ornement sera correctement conservé et valorisé, sur le long terme.

Si la signature de la convention permettant ce dépôt de la France à Madagascar est un acte hautement symbolique, il convient désormais d’achever le processus de restitution ainsi initié.

Dans cette optique, cette proposition de loi prévoit la sortie des collections, pour transfert de propriété, de l’élément décoratif du dais royal de la reine Ranavalona III, aujourd’hui toujours placé sous la garde du musée de l’Armée. Un délai d’un an est prévu pour permettre aux autorités françaises de remettre ce bien à la République de Madagascar.

Passer par la voie législative est indispensable pour pouvoir déroger, de manière limitée, au principe d’inaliénabilité qui protège les collections publiques françaises, consacré par l’article L. 451‑5 du code du patrimoine. Pour apaiser les relations entre la France et Madagascar, pour mettre fin aux conflits mémoriels, pour permettre au peuple malgache de renouer avec son passé, l’adoption de la présente loi est donc essentielle.

 


proposition de loi

Article 1er

Par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L. 451‑5 du code du patrimoine, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’élément décoratif du dais royal de la reine Ranavalona III conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée de l’Armée, dont la référence figure en annexe, cesse de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour transférer ce bien à la République de Madagascar.

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Annexe

Numéro d’inventaire du musée de l’Armée : 7568/Cd 757 − Elément décoratif du dais royal de la reine Ranavalona III.