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N° 4134

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger la rémunération des agriculteurs,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Grégory BESSONMOREAU, Stéphane TRAVERT, Thierry BENOIT, JeanBaptiste MOREAU, Monique LIMON, Aurore BERGÉ, Roland LESCURE, Barbara BESSOT BALLOT, Séverine GIPSON, JeanClaude LECLABART, Didier LE GAC, Nicolas DÉMOULIN, Catherine OSSON, Sylvain MAILLARD, JeanMichel MIS, Mireille ROBERT, Sylvain TEMPLIER, Xavier BATUT, Sophie BEAUDOUINHUBIÈRE, Jacques MARILOSSIAN, Patrice PERROT, Yannick HAURY, Hélène ZANNIER, Adrien MORENAS, MarieChristine VERDIERJOUCLAS, Pierre VENTEAU, Aude BONOVANDORME, JeanPhilippe ARDOUIN, Martine LEGUILLEBALLOY, AnneLaure CATTELOT, Damien ADAM, Hervé PELLOIS, Sébastien CAZENOVE, Fabien GOUTTEFARDE, Corinne VIGNON, Fabrice LE VIGOUREUX, Cendra MOTIN, Denis MASSÉGLIA, Christine HENNION, Yves DANIEL, Célia DE LAVERGNE, Huguette TIEGNA, Olivier DAMAISIN, Sereine MAUBORGNE, Nicole LE PEIH, Danielle BRULEBOIS, Véronique RIOTTON, Sacha HOULIÉ, Jacqueline DUBOIS, Bertrand BOUYX, Marion LENNE, Sonia KRIMI, Stéphanie RIST, Nicole TRISSE, Alain PEREA, Graziella MELCHIOR, JeanLuc FUGIT, Monica MICHEL, Philippe BOLO, Géraldine BANNIER, Stella DUPONT, Stéphanie KERBARH, JeanMarc ZULESI, Frédérique TUFFNELL, Muriel ROQUESETIENNE, Nicole DUBRÉCHIRAT, Lise MAGNIER, Charlotte PARMENTIERLECOCQ, MarieAnge MAGNE, Laëtitia ROMEIRO DIAS, Françoise DUMAS, Sandrine LE FEUR, Christelle DUBOS, Yannick KERLOGOT, Rémy REBEYROTTE, Annie VIDAL, JeanRené CAZENEUVE, Sandra MARSAUD, Fabienne COLBOC, Carole BUREAUBONNARD, Nathalie SARLES, Ludovic MENDES, Danièle HÉRIN, Claire BOUCHET, Marie TAMARELLEVERHAEGUE, François CORMIERBOULIGEON, Sylvain MAILLARD, Florent BOUDIÉ, Christine CLOARECLE NABOUR, AnneFrance BRUNET, Liliana TANGUY, Isabelle RAUCH, Éric BOTHOREL, Antoine HERTH, Raphaël GÉRARD, Stéphane MAZARS, Véronique HAMMERER, Justine BENIN, JeanCharles COLASROY, Hervé BERVILLE, Philippe HUPPÉ, Zivka PARK, Sylvie CHARRIÈRE, Éric GIRARDIN, Stéphane TROMPILLE, Michèle CROUZET, Annie CHAPELIER, Richard LIOGER, Sira SYLLA, Caroline JANVIER, Nicolas TURQUOIS, Paul CHRISTOPHE, Michel DELPON, Rodrigue KOKOUENDO, Daniel LABARONNE, Anthony CELLIER, Alice THOUROT, Anne BLANC, Éric ALAUZET, Nadia ESSAYAN, Luc LAMIRAULT, JeanMarie FIÉVET, Patrick VIGNAL, Yaël BRAUNPIVET, Philippe CHASSAING, Brahim HAMMOUCHE, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, AnneLaurence PETEL, Xavier PALUSZKIEWICZ, Aina KURIC, Valéria FAUREMUNTIAN, Bénédicte PEYROL, Christophe AREND, Pascale FONTENELPERSONNE, Erwan BALANANT, Agnès FIRMIN LE BODO, Agnès THILL, Richard RAMOS, Élisabeth TOUTUTPICARD,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cet homme, dans la force de l’âge, avait choisi ce si beau métier d’agriculteur. Mais le système a eu raison de son courage. Broyé, comme tant d’autres dans son cas, par toujours plus de normes, plus de contraintes, plus de paperasseries. Certains disaient « travailler plus pour gagner plus ». Dans le cas des éleveurs, c’est travailler plus pour gagner moins, (…) cet agriculteur était mon fils, mon petit garçon. Dans le cœur d’une maman, un enfant, quel que soit son âge, reste son petit. Ces mots sont ceux de la mère d’un éleveur de 52 ans qui s’est donné la mort il y a peu de temps. Chaque jour, un agriculteur de notre pays se suicide. Cette situation est intolérable et sa première cause est connue : la faiblesse de leur rémunération.

Cette proposition de loi est construite pour nos agriculteurs. Pour rééquilibrer les relations commerciales entre les différents maillons de la chaine alimentaire et agro‑alimentaire. Il est temps de mettre plus d’authenticité dans la définition d’un prix juste et éthique entre le monde agricole, l’industrie agro‑alimentaire et les acteurs de la grande distribution (GMS).

Face aux aléas économiques, face à la crise, devant l’instabilité climatique grandissante, le prix est le seul critère d’achat. La « guerre des prix » des produits de grande consommation les dernières années sera de facto accentuée. Il est donc essentiel de replacer les acteurs de la grande distribution et ses fournisseurs directs comme indirects au cœur du mécanisme de fixation des prix. Des acteurs qui savent travailler main dans la main avec les filières, notamment durant la crise sanitaire de la Covid‑19, pour favoriser la mise en avant de produits d’origine France.

Les dispositifs de cette proposition de loi sont une réponse efficace et pérenne à la défiance croissante entre acteurs de la production et ceux de la vente de produits de grande consommation. Ils ne constituent ni une charge, ni un protectionnisme quelconque. L’agriculture française nous nourrit ; elle transforme et préserve nos paysages ; elle est aussi un formidable atout économique et d’attractivité de notre pays ; elle est une force écologique pour tout notre pays. Surtout, elle est au cœur de notre identité́ française : les agriculteurs ont toujours tenu une place particulière dans notre société́ et il convient qu’ils la conservent. Améliorer leurs conditions de vie est une urgence, une exigence et une nécessité. Nos agriculteurs ne demandent rien d’autre que de pouvoir vivre de leur travail par un juste prix payé. Pour y parvenir, il faut continuer à̀ agir pour rémunérer le travail des agriculteurs et les libérer de la dépendance délétère aux aides publiques. La PAC n’est pas et ne sera pas là pour financer la guerre des prix.

Depuis trois ans, la France a adopté́ des mesures fortes pour soutenir son agriculture avec notamment les « États Généraux de l’Alimentation » portés par le Président de la République, puis la loi « EGAlim » avec le relèvement du seuil de revente à perte, la contractualisation, l’encadrement des promotions ou le recours possible en cas de prix abusivement bas.

Le Gouvernement a pris à bras le corps l’enjeu de la répartition de la valeur entre ceux qui produisent, ceux qui transforment et ceux qui distribuent les produits agricoles et alimentaires. C’était une demande constante des syndicats agricoles, et cela a été fait. Mais nous faisons face à trop de contournements de la loi « EGAlim ». Il nous faut la renforcer afin que s’organise un système où la valeur doit revenir, pour une juste part, à celles et ceux qui produisent, commercialisent et distribuent.

Cette proposition de loi s’inscrit donc dans la continuité́ de la commission d’enquête sur la grande distribution. Le rapport issu de cette commission a été adopté à l’unanimité et officiellement salué par les principaux syndicats agricoles de France.

La grande distribution est le premier employeur de France au travers de 800 000 emplois et rassemble 400 milliards d’euros de valeurs échangées sur le marché́́ national. C’est aussi le premier annonceur média français, le garant de la sécurité́́ alimentaire du territoire et enfin « le garde‑fou » du pouvoir d’achat des Français.

La grande distribution doit, dans le cadre de sa métamorphose, retrouver un résultat opérationnel en accord avec ses ambitions et cesser de chercher à̀ survivre par la création de marges arrières, de pénalités logistiques, de techniques de commercialisation amenant à̀ facturer depuis Genève, Zurich ou Bruxelles des prestations que l’on pourrait qualifier d’abusives.

Le modèle auquel nous croyons est celui d’enseignes proches de nos concitoyens, auxquelles ils sont attachés, qui sponsorisent nos associations sportives locales, qui investissent dans les territoires quand d’autres les quittent, qui participent à l’effort national de formation ou de recrutement des apprentis ; en d’autres mots, un modèle vertueux et porteur pour nos territoires et notre pays !

Il faut croire en la grande distribution, en l’expérience client, aux alliances locales et aux circuits courts en magasins et enfin au développement d’une alimentation plus durable et saine, grâce à̀ l’équilibre « volume/prix bas » que peut apporter la grande distribution.

Mais l’accessibilité par le prix, qui doit rester une priorité absolue, ne doit pas être destructrice de valeur. Il est temps d’allier la notion de prix juste à celle de prix éthique.

Juste, car la notion de prix résulte d’une association entre la qualité, la quantité et le coût. Depuis trop longtemps, et la commission d’enquête nous a permis d’en comprendre le mécanisme, une péréquation négative et destructive de valeurs encadre nos prix.

Éthique, car l’élaboration, la recherche et développement, la plantation, la culture, la récolte, la fabrication, la transformation, le conditionnement, la mise en rayon et la commercialisation ont un coût : celui d’un travail dur, celui d’un travail respectable et respecté et celui d’un travail digne et rémunérateur. La garantie de l’accessibilité de tous aux biens alimentaires ne doit pas mettre à̀ l’écart les nouvelles demandes sociétales, culturelles, environnementales et salariales. L’évolution du prix doit prendre en compte la réalité́́ de nos agriculteurs, des ouvriers de nos usines de transformation ou de production et la demande des Français pour une alimentation plus sûre, plus saine et plus durable.

En remettant de l’éthique pour définir ce qu’est le prix juste, nous redonnerons toutes ses lettres de noblesse à notre agriculture française, une agriculture qui nous rend fiers et à laquelle nous sommes viscéralement attachés. Nous le savons, de nombreux défis agricoles se règleront à l’échelle européenne. La vision politique du « chacun chez soi, chacun pour soi » est mortifère pour l’agriculture française. C’est mentir aux agricultrices et aux agriculteurs.

Cette proposition de loi permet de recréer la confiance nécessaire entre l’ensemble des acteurs, la confiance dans nos territoires, la confiance avec les consommateurs et les citoyens. Il en va de notre industrie agroalimentaire parce qu’il y a une excellence française en la matière. Il en va de notre alimentation, de notre santé, de notre pouvoir d’achat, il en va de notre distribution, il en va de nos territoires et de leurs équilibres.

L’article 1er de la proposition de loi fait des contrats écrits et pluriannuels la norme en matière de contrats de vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur, inversant la logique prévalant aux articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2 du code rural et de la pêche maritime. Par dérogation à ce principe, des accords interprofessionnels étendus ou des décrets en Conseil d’Etat pourront prévoir que le contrat de vente peut ne pas être écrit pour certains produits. La durée minimale des contrats est fixée à trois ans. Lorsqu’ils sont conclus à prix fixe, les contrats prévoient une formule de révision automatique des prix appuyée sur les catégories d’indicateurs dont l’usage a déjà été rendu obligatoire par la loi EGAlim pour les modalités de détermination du prix des contrats conclus à prix déterminable. Les parties restent toutefois libres de définir la formule de révision du prix et les indicateurs utilisés.

L’article 2 accroit la transparence du coût d’achat de la matière première agricole par l’industriel et en consacre le caractère non négociable. Un article L. 441‑1‑1 est ainsi créé dans le code de commerce afin de régir spécifiquement le contenu des conditions générales de vente (CGV) des produits alimentaires, en complément des obligations prévues par l’article L. 441‑1, pour préciser que les matières premières agricoles utilisées et leur prix d’achat devront figurer dans les CGV. Un nouvel article L. 441‑7‑1 prévoit, en outre, que la convention écrite conclue à l’issue de la négociation commerciale entre le fournisseur de produits alimentaires et son acheteur comporte les informations relatives au prix des matières premières agricoles entrant dans la composition du produit et que ces éléments sont exclus de la négociation commerciale. La convention écrite intègre également une clause de révision du prix. Les parties restent libres de déterminer les modalités de détermination de cette révision, en tenant compte des indicateurs mentionnés au III de l’article L. 631‑24 du CRPM.

L’article 3 de la proposition de loi crée un comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA) compétent pour connaître des litiges pour lesquels la médiation devant le médiateur des relations commerciales agricoles (MRCA) s’est soldée par un échec. Il pourra prononcer des injonctions, éventuellement assorties d’astreintes, ainsi que des mesures conservatoires, afin que les parties concluent ou modifient le contrat pour en assurer la conformité avec les articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2 du code rural et de la pêche maritime.

L’article 4 précise que, par principe, l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine.

L’article 5, enfin, prévoit que toute publicité hors magasin sur les opérations de dégagement est soumise à autorisation de l’autorité administrative, après avis de l’interprofession concernée. Par dérogation à ce principe, un décret peut préciser que certains produits ne sont pas soumis à cette obligation.

L’article 6 fixe les dates d’entrée en vigueur des différents articles et l’article 7 comporte un gage destiné à garantir le respect de l’article 40 de la Constitution.


proposition de loi

Article 1er

La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :

I. – L’article L. 631‑24 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite et est régi, dans le respect des articles 1365 et 1366 du code civil, par les dispositions du présent article.

« Le présent article et les articles L. 631‑24‑1 à L. 631‑24‑3 du présent code ne s’appliquent pas aux ventes directes au consommateur, aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées, aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d’intérêt national définis à l’article L. 761‑1 du code de commerce ou sur d’autres marchés physiques de gros de produits agricoles.

« Le présent article ne s’applique pas aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un seuil, le cas échéant adapté par produit ou catégorie de produits, défini par décret en Conseil d’Etat. » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Après le mot : « agricole », la fin du premier alinéa est supprimée ;

b) À la première phrase du second alinéa, les mots : « , pour les secteurs dans lesquels la contractualisation est rendue obligatoire en application de l’article L. 631‑24‑2 du présent code, » sont supprimés et les mots : « , dans tous les cas, » sont remplacés par le mot : « est » ;

3° Le III est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« Au prix et aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties, ou aux critères et modalités de détermination du prix » ;

b) Le 5° est complété par les mots : « qui ne peut être inférieure à trois ans » ;

c) Après le 7°, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :

« La durée minimale des contrats de vente et accords‑cadres mentionnée au 5° peut être augmentée jusqu’à cinq ans par extension d’un accord interprofessionnel en application de l’article L. 632‑3. L’accord interprofessionnel peut prévoir que la durée minimale des contrats portant sur un produit dont le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans est augmentée dans la limite de deux ans. Un producteur peut renoncer expressément et par écrit à ces augmentations de la durée minimale du contrat.

« Les contrats portant sur un produit dont le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans ne peuvent être résiliés par l’acheteur avant le terme de la période minimale, sauf en cas d’inexécution par le producteur ou cas de force majeure. Ils fixent la durée de préavis applicable en cas de non‑renouvellement.

« Lorsqu’un acheteur a donné son accord à la cession par le producteur d’un contrat à un autre producteur engagé dans la production depuis moins de cinq ans, la durée restant à courir du contrat cédé, si elle est inférieure à la durée minimale fixée en application du présent III, est prolongée pour atteindre cette durée.

« Est considéré comme un producteur ayant engagé une production depuis moins de cinq ans l’exploitant qui s’est installé ou a démarré une nouvelle production au cours de cette période ainsi qu’une société agricole intégrant un nouvel associé répondant aux conditions fixées au présent alinéa et détenant au moins 10 % de son capital social.

« Un décret en Conseil d’Etat précise les produits considérés comme relevant de la même production pour l’application du présent article.

« Les dispositions relatives à la durée minimale du contrat prévues au présent III ne sont applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins dont ils résultent. » ;

d) À la première phrase de l’avant dernier alinéa du III, après le mot : « modalités », sont insérés les mots : « de révision ou » ;

4° Au début du VI, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice du 5° du III, » ;

5° Il est ajouté un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – Lorsque le contrat ou l’accord‑cadre ne comporte pas de prix déterminé, l’acheteur communique au producteur et à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs, avant le premier jour de la livraison des produits concernés par le contrat, de manière lisible et compréhensible, le prix qui sera payé. ».

II. – L’article L. 631‑24‑2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 631242. – Par dérogation au I de l’article L. 631‑24, en vertu de l’extension d’un accord interprofessionnel en application de l’article L. 632‑3 ou, en l’absence d’accord étendu, en vertu d’un décret en Conseil d’Etat qui précise les produits ou catégories de produits concernés, le contrat de vente ou l’accord‑cadre peut ne pas être conclu sous forme écrite. Dans cette hypothèse, si le contrat est tout de même conclu sous forme écrite, il est régi par les dispositions de l’article L. 631‑24, à l’exception de celles du 5° du III de cet article. La durée du contrat peut alors tenir compte de la durée des contrats par lesquels l’acheteur revend des produits comportant un ou plusieurs produits agricoles.

« Au cas où un accord est adopté et étendu après la publication d’un tel décret en Conseil d’Etat, l’application de celui‑ci est suspendue pendant la durée de l’accord.

« Pour les produits ou catégories de produits agricoles pour lesquels il n’existe pas d’interprofession représentative, la dérogation prévue au premier alinéa du présent article fait l’objet d’une demande, motivée et accompagnée de toutes données utiles à l’appréciation de sa pertinence, par une organisation professionnelle représentant des producteurs.

« Dans le cas où la conclusion d’un contrat écrit n’est pas obligatoire, le producteur peut exiger de l’acheteur une offre de contrat écrit, conformément au 1 bis des articles 148 et 168 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil. »

III. – L’article L. 631‑25 est ainsi modifié :

1° Au début du 3°, sont ajoutés les mots : « Lorsque la conclusion de contrats de vente et d’accords‑cadres écrits a été rendue facultative dans les conditions prévues à l’article L. 631‑24‑2, » ;

2° Au premier alinéa du 6°, les mots : « a été rendue obligatoire » sont remplacés par les mots : « n’a pas été rendue facultative ».

Article 2

Le titre IV du livre IV du code de commerce est ainsi modifié :

I. – Après l’article L. 441‑1, est inséré un article L. 441‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 44111. – Pour les produits alimentaires, les conditions générales de ventes comportent une partie détaillant les matières premières agricoles entrant dans la composition du produit, ou dans celle des produits entrant dans sa composition, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat de ces matières premières agricoles, et les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du tarif proposé. Le prix d’achat de la matière première agricole est présenté de manière agrégée par matière première agricole. » ;

II. – Après l’article L. 441‑7, il est inséré un article L. 441‑7‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 44171. – I. – Pour les produits alimentaires, une convention écrite conclue entre le fournisseur et son acheteur, mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale, dans le respect des articles L. 442‑1 à L. 442‑3. Cette convention est établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat‑cadre et des contrats d’application.

« II. – La négociation commerciale ne porte pas sur les éléments des conditions générales de ventes mentionnés à l’article L. 441‑1‑1.

« III. – Outre les éléments mentionnés au III de l’article L. 441‑3, la convention mentionne, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des matières premières agricoles entrant dans la composition du produit, ou dans celle des produits entrant dans sa composition, tels qu’ils figurent dans les conditions générales de vente. La convention précise les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du prix du contrat.

« La convention comporte une clause de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de la part des prix du contrat qui résulte du coût de la matière première agricole, en fonction de la variation du coût de cette matière première agricole. Les parties déterminent librement, selon la durée du cycle de production, la formule de révision et, conformément à l’article L. 631‑24‑1 du code rural et de la pêche maritime, le ou les indicateurs utilisés. La facture fait apparaître le ou les indicateurs utilisés et leur impact sur le prix payé.

« IV. – La convention mentionnée au I du présent article est conclue pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans. La convention est conclue au plus tard trois mois après la communication par le fournisseur de ses conditions générales de vente à l’acheteur.

« V. – Sans préjudice des articles L. 442‑1 à L. 442‑3, tout avenant à la convention mentionnée au I du présent article fait l’objet d’un écrit qui mentionne l’élément nouveau le justifiant.

« VI. – Le présent article n’est pas applicable aux contrats de vente de produits agricoles mentionnés à l’article L. 631‑24 du code rural et de la pêche maritime et aux fournisseurs de produits mentionnés à l’article L. 443‑2 du présent code.

« VII. – Tout manquement aux dispositions du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »

III. – Après le mot : « écrits », la fin du dernier alinéa du I de l’article L. 443‑2, est ainsi rédigée : « est obligatoire en application de l’article L. 631‑24 du code rural et de la pêche maritime.

Article 3

La section 4 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :

1° L’article L. 631‑28 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « à », sont insérés les mots : « la conclusion ou » et, après la seconde occurrence du mot : « agricoles », sont insérés les mots : « et, en cas d’échec de la médiation, du comité de règlement des différends commerciaux agricoles mentionné à l’article L. 631‑28‑1 » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’échec de la médiation ou au terme du délai prévu au deuxième alinéa, toute partie au litige ou, le médiateur, après en avoir informé les parties, peut saisir le comité de règlement des différends commerciaux agricoles dans le délai d’un mois suivant le constat de cet échec. » ;

2° Après l’article L. 631‑28, sont insérés des articles L. 631‑28‑1 à L. 631‑28‑4 ainsi rédigés :

« Art. L. 631281. – I. – Le comité de règlement des différends commerciaux agricoles connaît des litiges mentionnés à l’article L. 631‑28.

« Il établit et rend publiques des lignes directrices qui précisent les modalités d’application des dispositions des articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2.

« II. – Il comprend trois membres, nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’agriculture. :

« 1° Un membre ou ancien membre du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires, président du comité ;

« 2° Une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière d’économie agricole ;

« 3° Une personnalité exerçant ou ayant exercé son activité dans les secteurs de la production, de la transformation ou de la distribution des produits agricoles.

« Le comité comprend également trois membres suppléants, désignés selon les mêmes règles que les membres titulaires.

« L’écart entre le nombre de femmes et d’hommes parmi l’ensemble des membres, d’une part, et parmi les membres titulaires, d’autre part, n’est pas supérieur à un.

« En cas de vacance de la présidence du comité ou en cas d’empêchement pour quelque cause que ce soit, les fonctions du président sont provisoirement exercées par son suppléant.

« Le mandat des membres du comité n’est renouvelable qu’une seule fois.

« Les membres du comité ne peuvent être nommés au-delà de l’âge de soixante‑dix ans.

« Art. L. 631282. – L’instruction et la procédure devant le comité de règlement des différends commerciaux agricoles sont contradictoires. Chaque partie peut être assistée ou représentée par toute personne de son choix.

« Le comité délibère à la majorité des membres présents. Il ne peut délibérer que si tous ses membres, titulaires ou suppléants, sont présents. Il délibère hors la présence du rapporteur.

« Les débats devant le comité ont lieu en séance publique après lecture du rapport par le rapporteur. Toutefois, le huis clos est de droit si l’une des parties le demande. Le président du comité peut également décider que la séance aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si la préservation du secret des affaires l’exige.

« Le comité se prononce dans un délai d’un mois. Le délai peut être porté à deux mois si la production de documents est demandée à l’une ou l’autre des parties. Ce délai de deux mois peut être prorogé sous réserve de l’accord de la partie qui a saisi le comité.

« Art. L. 631283. – I. – Pour les litiges relatifs à la conclusion d’un contrat ou d’un accord‑cadre, la décision du comité de règlement des différends commerciaux agricoles est motivée et précise les conditions conformes aux articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2 auxquelles le contrat devrait être conclu pour le règlement du litige.

« Pour les litiges relatifs à l’exécution ou à la renégociation d’un contrat ou d’un accord‑cadre, la décision du comité est motivée et précise les modifications du contrat ou de l’accord‑cadre conformes aux articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2 qu’impose le règlement du litige.

« II. – Le comité peut enjoindre aux parties de se conformer à sa décision. Cette injonction peut être assortie d’une astreinte pour contraindre les parties :

« 1° Pour les litiges relatifs à la conclusion d’un contrat ou d’un accord‑cadre, à conclure un contrat à certaines conditions conformes aux articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2, en application de la décision mentionnée au I ;

« 2° Pour les litiges relatifs à l’exécution ou à la renégociation d’un contrat ou d’un accord‑cadre, à modifier ou à renégocier un contrat pour le mettre en conformité avec les articles L. 631‑24 et L. 631‑24‑2, en application de la décision mentionnée au I.

« L’astreinte est prononcée dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen, par jour de retard à compter de la date qu’elle fixe. Le chiffre d’affaires pris en compte est calculé sur la base des comptes de l’entreprise relatifs au dernier exercice clos à la date de la décision.

« L’astreinte mentionnée au 1° est prononcée jusqu’à la conclusion du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’une partie décide de mettre fin à la négociation du contrat. Dans ce cas, cette partie notifie sa décision au président du comité.

« L’astreinte mentionnée au 2° est prononcée jusqu’à la modification du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à la relation contractuelle, le cas échéant dans le respect du délai de préavis prévu au contrat.

« L’astreinte est liquidée par le comité qui en fixe le montant définitif et est recouvrée comme une créance de l’Etat étrangère à l’impôt et au domaine.

« III. – Le comité peut, après avoir entendu les parties en cause, prendre les mesures conservatoires qui lui apparaissent nécessaires.

« Ces mesures ne peuvent intervenir que s’il est porté une atteinte grave et immédiate aux intérêts de l’une des parties au litige.

« Pour les litiges relatifs à la conclusion d’un contrat ou d’un accord‑cadre, les mesures conservatoires sont exécutées jusqu’à la conclusion du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’une partie décide de mettre fin à la négociation du contrat. Dans ce cas, cette partie notifie sa décision au président du comité.

« Pour les litiges relatifs à l’exécution ou à la renégociation d’un contrat ou d’un accord‑cadre, les mesures conservatoires sont exécutées jusqu’à la modification du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à la relation contractuelle, le cas échéant dans le respect du délai de préavis prévu au contrat.

« Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence.

« IV. – La décision est notifiée aux parties.

« V. – Si les injonctions ou mesures prévues aux II et III ne sont pas respectés, le comité peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l’article L. 631‑25.

« Art. L. 631284. – Les décisions et les mesures conservatoires prises par le comité de règlement des différends commerciaux agricoles en application de l’article L. 631‑8‑3 sont susceptibles de recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris.

« Le recours n’est pas suspensif. Toutefois, le sursis à exécution de la décision peut être ordonné par le premier président de la Cour d’appel de Paris, si celle‑ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou s’il est survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d’une exceptionnelle gravité.

« Le président du comité peut former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision prise en application de la présente section et peut présenter des observations devant la Cour de cassation. » ;

3° L’article L. 631‑29 est abrogé.

Article 4

L’article L. 412‑4 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas de produits constitués de plusieurs ingrédients, l’origine de l’ingrédient primaire est indiquée dans le respect des règles fixées par le droit de l’Union européenne. » ;

3° À l’avant‑dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : quatrième » ;

4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret peut préciser que certains des produits mentionnés au premier alinéa ne sont pas soumis à l’obligation prévue au présent article. »

Article 5

La section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de la consommation est complétée d’une sous‑section 7 ainsi rédigée :

« Sous‑section 7

« Opérations de dégagement relatives aux produits agricoles ou de première transformation 

« Art. L. 12224. – Toute publicité pratiquée en dehors des magasins relative à une opération de dégagement de produits alimentaires ou catégories de produits alimentaires définis par décret associant plusieurs magasins est autorisée par l’autorité administrative compétente après avis de l’organisation interprofessionnelle concernée.

« Une opération de dégagement est une opération promotionnelle visant à écouler une surproduction de produits alimentaires. »

Article 6

I. – Les dispositions de l’article 1er sont applicables aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022.

II. – Les dispositions de l’article 2 sont applicables à compter du 1er janvier 2022.

III. – Les dispositions de l’article 3 ne sont pas applicables aux médiations en cours à la date de publication de la présente loi.

IV. – Les dispositions des articles 4 et 5 sont applicables à compter du 1er janvier 2022.

Article 7

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.