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N° 4209

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juin 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative au surendettement et aux frais bancaires
visant à protéger les ménages en difficulté,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christophe NAEGELEN, Michel ZUMKELLER, Béatrice DESCAMPS,
Thierry BENOIT, Valérie SIX, Agnès THILL, JeanLuc WARSMANN,
Pierre MORELÀL’HUISSIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2017 les frais bancaires s’élevaient en moyenne à 193 €. En 2020, ils ont coûté aux français environ 215 € par an. En nette augmentation, ils sont encore plus élevés pour les usagers en situation de vulnérabilité financière qui paient environ 300 € en moyenne par an pour les seuls frais d’incidents et agios.

Une enquête d’associations de consommateurs montre que, chaque année, les banques françaises prélèvent 6,5 milliards d’euros en frais d’incidents bancaires (hors frais de tenue de compte donc), notamment sur des clients en difficulté. En plus des agios, les banques ont construit tout un système de facturation qui s’abat sur le client fragile financièrement.

Ces facturations en cascade, il faut bien l’admettre, n’ont guère de vertu pédagogique et aggravent bien souvent la situation de personnes déjà fragiles. Elles contribuent également à dégrader l’image du système bancaire et exacerbent les conflits entre usagers et banques, qui sont de moins en moins en capacité d’assurer un rôle de conseil.

Ces sommes sont immenses quand on considère que ces prêts à court terme ne coûtent presque rien aux banques. Sur les 6,5 milliards d’euros prélevés sur les clients en difficulté, les banques réalisent 4,9 milliards d’euros de bénéfices, soit un taux de rentabilité de 75 %. C’est bien la preuve que les découverts rapportent beaucoup plus aux banques qu’ils ne leur coûtent. Le chiffre de 4,9 milliards de bénéfice correspond à un cinquième du bénéfice total de toutes les activités bancaires. Cela signifie que, pour les banques françaises, un euro de bénéfice sur cinq est réalisé en grande partie sur le dos des clients en difficulté ! Il est difficilement acceptable que les banques françaises réalisent autant de profits au détriment de clients qui ont eu un ou plusieurs accidents de vie.

La France compte parmi les pays de l’Union européenne dont les frais bancaires sont les plus élevés. C’est notamment la raison pour laquelle, par un accord non contraignant pris en décembre 2018 (suite au mouvement des « gilets jaunes ») avec le Gouvernement, les banques se sont engagées à plafonner les frais d’incidents bancaires à 25€ mensuels pour les clients en difficulté (les clients professionnels ne sont pas concernés par cet accord).

Si la plupart des banques jouent le jeu, de fortes disparités existent dans le secteur, des disparités qui se retrouvent en matière de frais pour tous les publics, des plus modestes aux plus aisés. D’ailleurs, le tableau est contrasté ; certaines banques ayant recommencé, depuis le 1er janvier 2020, à réviser leurs brochures tarifaires.

L’exemple des frais de tenue de compte constitue un exemple illustrant bien la nécessité d’une meilleure réglementation afin d’encadrer les pratiques : n’étant soumis à aucun plafond légal, ces frais de tenue de compte ont fait l’objet d’une transition plutôt chaotique et sont en augmentation très nette depuis le décret du 27 mars 2014 relatif à la dénomination commune des principaux frais et services bancaires.

Certains frais bancaires sont plafonnés depuis 2014 mais les plafonds semblent beaucoup trop élevés pour être effectifs. C’est pourquoi il est nécessaire de faire baisser fortement ces plafonds. Il serait également opportun que les pouvoirs publics encadrent plus généralement le système des frais bancaires pour incidents de paiement, notamment dans le but d’améliorer la relation clients‑banques et de consolider la situation des usagers les plus en difficulté.

De plus, alors que la France connaît une crise sanitaire et économique d’une ampleur inédite, la forte hausse des défauts de paiements semble alarmante. L’estimation de 12 milliards d’euros de défauts de paiement en 2022 établie par une association de consommateurs doit impérativement être anticipée par les pouvoirs publics.

L’objectif de la présente proposition de loi est donc double. D’un part, il s’agit de protéger les consommateurs et les ménages modestes qui connaissent des difficultés financières, voire qui sont en situation de surendettement. D’autre part, les mesures proposées seraient un moyen de protéger les autres créanciers, pénalisés par les effets collatéraux d’un surendettement ravageur.

L’article 1 impose aux établissements bancaires de proposer à leurs clients en situation de surendettement une mesure de restructuration des crédits à la consommation, c’est‑à‑dire de renégociation des termes, au bout de deux incidents de remboursement. La moyenne des taux d’impayés s’avère deux fois plus importante pour les crédits à la consommation que pour les emprunts immobiliers. Dans seulement moins d’un cas sur trois les banques proposent des solutions de rééquilibrage – comme un allongement du terme, une diminution du taux d’intérêt, etc. Ces solutions seraient pourtant à même de soulager les ménages en difficulté.

L’article 2 vise à plafonner les frais de désolidarisation de compte joint à 10€. Les frais de désolidarisation de compte joint correspondent aux sommes qu’un établissement financier prélève à ses clients qui expriment la demande de transformer leur compte joint en compte personnel, ou quand l’un des co‑titulaires désire se retirer. Aujourd’hui ces frais sont variables d’un établissement bancaire à un autre. Si généralement ils sont d’une trentaine d’euros, certaines banques n’hésitent pas à monter jusqu’à 100€. La désolidarisation ou dénonciation de compte joint ayant souvent lieu dans des cas de séparations ou de divorces, alléger le coût financier d’une telle opération semble logique pour des personnes confrontées à des moments difficiles de leur vie. 

L’article 3 vise à inclure les intérêts débiteurs, ou agios, dans l’obligation d’information préalable gratuite du client prévue à l’article L. 312‑1‑5 du code monétaire et financier.

Les intérêts débiteurs, tels que définis à l’article D312‑1‑1 du code monétaire et financier, s’appliquent lorsque le compte est débité des intérêts à raison d’un solde débiteur du compte pendant un ou plusieurs jours. La loi prévoit que ce débit a lieu au minimum quatorze jours après la date d’arrêté du relevé de compte.

L’obligation d’information préalable gratuite du client implique que le client soit informé gratuitement, par le biais de son relevé de compte mensuel, du montant et de la dénomination des frais bancaires liés à des irrégularités et incidents que l’établissement entend débiter sur son compte de dépôt. Le présent article ajoute une obligation d’information préalable gratuite au respect du délai de quatorze jours avant de prélever les intérêts débiteurs sur le compte bancaire du client.

 


proposition de loi

Article 1er

Le V de l’article L. 312‑1‑1 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’incident de paiement relatif au remboursement d’un crédit à la consommation et à partir de deux incidents, l’établissement de crédit propose à son client une renégociation du crédit. »

Article 2

L’article L. 312‑1‑1 du code monétaire et financier est complété par un VII ainsi rédigé :

« VII. – Les frais de désolidarisation d’un compte joint ne peuvent excéder le plafond de 10 euros. »

Article 3

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 312‑1‑5 du code monétaire et financier, après le mot : « bancaires », sont insérés les mots : « et des intérêts débiteurs, tels que définis au présent code, ».