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N° 4248

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à faciliter l’expulsion systématique des squatteurs,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Béatrice DESCAMPS, Valérie SIX, Meyer HABIB, Thierry BENOIT, Agnès THILL, Guy BRICOUT, Michel ZUMKELLER, Frédérique MEUNIER, Laurence TRASTOURISNART, Richard RAMOS, Yves DANIEL, JeanClaude BOUCHET, Jean LASSALLE, Didier LE GAC, Robert THERRY, Bruno BILDE, Édith AUDIBERT, Agnès FIRMIN LE BODO, Nicolas DUPONTAIGNAN, Emmanuelle MÉNARD, Typhanie DEGOIS, Nicolas MEIZONNET, Véronique LOUWAGIE, David LORION, JeanLuc REITZER, MarieFrance LORHO, Didier QUENTIN, Martine WONNER, Bernard BROCHAND, Olivier FALORNI, Fabrice BRUN, François JOLIVET, Michel HERBILLON, Xavier BATUT, Valérie BEAUVAIS, Frédéric REISS, Françoise BALLETBLU, Yves HEMEDINGER, Guillaume PELTIER, Ian BOUCARD, Isabelle VALENTIN, JeanChristophe LAGARDE,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Considéré comme un droit naturel, sacré et imprescriptible de l’homme, dont nul ne peut être privé, le droit de propriété est consacré par larticle 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ces termes : « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce nest lorsque la nécessité publique, légalement constatée, lexige évidemment et sous la condition dune juste et préalable indemnité ».

Si la propriété est affirmée comme un « principe fondateur » de la démocratie, nombreuses sont les dérives en France qui la fragilisent et y portent manifestement atteinte, comme en témoignent les occupations illégales.

Récemment, dans un village paisible situé à la frontière entre la Lozère et le Gard, un hôtel a été envahi par une vingtaine d’individus s’estimant chez eux, profitant de l’abandon de l’hôtel, du fait que son propriétaire soit en maison de retraite.

Cet évènement n’est pas sans rappeler les précédentes violations du droit de propriété telles que le cas dune femme de 83 ans ayant lutté pendant dix‑huit mois pour récupérer un bien dont elle était propriétaire et qui avait été occupé deux ans, ou bien du propriétaire dont la maison a été occupée et qui sest vu opposer par les squatteurs un ticket de livraison de pizzas pour établir leur présence depuis plus de 48 heures ou bien encore celui d’un retraité de 88 ans qui a été chassé de son domicile à Toulouse par des squatteurs alors quil cherchait à vendre sa maison pour rejoindre son épouse dans un EHPAD.

Ces situations se complexifient par les difficultés que rencontrent les victimes de tels agissements pour défendre leurs droits.

Il existe une procédure permettant de recourir aux forces de l’ordre par l’intermédiaire du préfet au regard de l’article 38 de la loi n°2007290 dite loi DALO. Malheureusement le champ d’application est restreint à certains cas.

En effet, cet article 38 de la loi n° 2007‑290, modifié récemment par la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 dite loi ASAP dispose que :

« En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celleci peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarantehuit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur. 

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingtquatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l’auteur de la demande. 

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition de l’auteur de la demande dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. »

Cette procédure administrative d’expulsion s’applique dès lors que le délit de violation de domicile au sens de l’article 226‑4 du code pénal est constitué, c’est‑à‑dire en cas d’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte et de maintien à la suite de cette introduction.

L’infraction est désormais un délit continu, de sorte que tant que la personne se maintient dans les lieux, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance, sur le fondement de l’article 53 du code de procédure pénale, même si loccupation a débuté il y a déjà un certain temps.

Une fois que la plainte a été déposée, que la victime a fait la preuve que le logement constitue son domicile et a fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, le préfet pourra être saisi.

Depuis la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 dite loi ASAP, la procédure administrative a été étendue. Ainsi n’est plus seulement concernée la résidence principale, le dispositif intégrant dorénavant les résidences secondaires. De plus l’action est ouverte à toute personne dont le domicile est occupé (usufruitier, occupant de bonne foi, etc.) ou agissant dans son intérêt ou pour son compte (par exemple, les enfants d’une personne âgée résidant en EHPAD).

Toutefois, cette précision s’avère insuffisante dans la mesure où elle fait référence aux seuls biens immobiliers effectivement habités, restreignant par conséquent le droit de propriété et excluant d’autres biens immeubles tels que les appartements vides de meubles entre deux deux locations ou ceux vides d’occupation depuis un certain temps comme ce fut le cas de l’hôtel squatté en Lozère.

Afin de renforcer la protection des victimes de squats, la présente proposition de loi vise à étendre davantage le champ d’intervention de L’Etat pour l’expulsion des squatteurs.

L’article 1er de cette proposition de loi ouvre le champ d’intervention du préfet aux biens immeubles bâtis afin de prendre en compte les biens vides d’occupation.

De plus, l’article prévoit actuellement qu’en cas de mise en demeure non suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée. Dans un souci de clarification, il est proposé de préciser que le préfet recourt à la force publique afin de ne laisser aucune ambiguïté sur les moyens dont dispose le préfet dans le cadre de cette procédure.

Dans un souci de cohérence, l’article 2 modifie l’article 226‑4 du Code pénal afin d’étendre le champ de l’incrimination aux biens immeubles bâtis.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : «  ou dans un bien immeuble bâti » ;

b) Après la deuxième occurrence du mot : « domicile », sont insérés les mots : « ou le bien ».

c) Après la dernière occurrence du mot  : « domicile », sont insérés les mots : « ou que le bien lui appartient ou qu’il détient un droit ou un titre lui permettant de l’occuper ».

2° Au dernier alinéa, les mots  : « doit procéder sans délai » sont remplacés par les mots : « recourt sans délai à la force publique afin de procéder  ».

Article 2

L’article 226‑4 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « autrui », sont insérés les mots « ou dans un bien immeuble bâti sans l’accord du propriétaire ou de la personne disposant d’un titre pour l’occuper »

2° Au second alinéa, les mots : « le domicile d’autrui » sont remplacés par les mots : «  les lieux ».