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N° 4255

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la création d’une police des transports publics
sous l’autorité des régions,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Sébastien CHENU, Marine LE PEN, Myriane HOUPLAIN, Catherine PUJOL, Nicolas MEIZONNET, Bruno BILDE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les faits de délinquance, de crime et de dégradation dans les transports en commun et de leurs infrastructures sont devenus des exactions commises avec banalité. Malgré les tâches attribuées par les maires aux polices municipales en la matière, le sentiment d’insécurité dans les transports en commun est non seulement tangible mais il se provigne, se posant aujourd’hui comme une vérité indiscutable. D’une part, cette proposition de loi vise ainsi à réduire ce sentiment ainsi que les infractions qui portent atteinte aussi bien au bon sens, à l’ordre public qu’à la salubrité de nos transports en commun, en instaurant une police des transports publics sous l’autorité du conseil régional. D’autre part, cette proposition de loi vise à expérimenter en partie la gestion de la police nationale par la région, afin d’assurer la juste adéquation entre les directives des forces de l’ordre et les réalités de la région. La fin d’une telle gestion se traduit par la facilitation de l’action des forces de l’ordre, en impliquant les régions qui sont plus proches des citoyens que le ministère de l’intérieur et plus au fait en temps réel des insécurités encourues sur leurs territoires.

Le choix de gestion par le conseil régional répond à une double logique selon laquelle d’un côté, les voies et les compagnies de transports se déploient selon une projection et une stratégie régionales, et, de l’autre, que les coopérations entre régions ‑ relativement aux autres collectivités territoriales ‑ réduisent le nombre d’acteurs pour toute concertation en ce qui concerne la gestion partagée des voies et des infrastructures de transports publics engageant des dépassements de frontières entre régions. Par ailleurs, le conseil régional présente un atout indiscutable quant à la gestion de la sécurité sur les territoires ; il permet grâce à son rapport de proximité avec les habitants de la région, premièrement, d’élaborer des directives générales de sécurité en adéquation avec les réalités régionales, deuxièmement, de faire une jonction réaliste et rapide entre les habitants et le Gouvernement sur les besoins et les phénomènes sécuritaires, et, dernièrement, de faciliter par la décentralisation la gestion administrative, budgétaire et comptable de la police, ainsi que la collecte de leurs données et l’évaluation de leur effectivité.

Une police des transports publics répond avant tout à une volonté de cibler la délinquance et la criminalité dans un de ses environnements de prédilection. De même que sa mission portera sur le bon usage de nos transports en commun, de même il s’agira pour elle de constater et d’agir efficacement en constituant un agent de proximité.

D’une part, un des objectifs premiers de la police des transports publics est d’assurer une parité d’accès à la sécurité, en termes de prévention, de dissuasion, de constat et d’action dans un espace‑temps réduit. En 2018, au moins 267 000 personnes ont subi des atteintes sexuelles dans les transports en commun sur une période de deux ans, dont 44 % ont subi plusieurs agressions de même nature. L’enjeu de parité d’accès à la sécurité n’est pas moindre dans cette lutte contre l’insécurité dans les transports ; dans 85 % des cas, les victimes sont des femmes, pour lesquelles les deux tiers des agressions se manifestent par un contact physique avec un agresseur inconnu.

Par ailleurs, l’objectif est également de protéger les mineurs et les jeunes adultes, fortement exposés à ces risques. Les femmes entre 18 et 21 ans sont les plus exposées. Une étude de l’ONDRP (2018) ajoute également que les jeunes femmes mineures sont exposées, sachant que “13 % des victimes ayant porté plainte pour des atteintes sexuelles dans les transports en commun d’île de France avaient moins de 18 ans”. Les hommes sont aussi victimes, principalement d’exhibitions.

L’étude de l’ONDRP montre que si dans la plupart des cas l’agression est directe, l’acte peut être précédé d’une phase d’intimidation, qui se comprend comme le fait de suivre la victime, de créer un climat de tension, tenir des avances sexuelles, imposer de la proximité physique. Le recours à la violence physique par l’auteur peut advenir pour parvenir à ses buts. Parallèlement, force est de remarquer que la fuite des auteurs est courante. La mise en place d’une police de proximité permettrait donc également à la fois de dissuader ces comportements comme d’en témoigner, ce qui évite considérablement les débats sur l’installation surabondante ou non des outils de vidéosurveillance dans les espaces publics.

D’autre part, l’objectif d’une police des transports publics est de pallier les difficultés issues des dispositifs actuels en matière de vols, accompagnés de violence ou non. L’INSEE recense que, « parmi l’ensemble des vols réalisés directement sur les personnes, avec ou sans usage de violence, enregistrés par les services de police ou de gendarmerie nationales en 2018 sur le territoire français, environ 127 000, soit près de 16 % de l’ensemble des vols, sont commis dans les transports en commun ».

Si la fraction des coups et blessures volontaires dans les transports en commun est relativement marginale (3 % en France), ces violences ont augmenté sur l’ensemble du territoire. La mise en place de la police des transports publics devra évidemment être répartie selon les besoins géographiques, notamment en se concentrant dans les zones urbaines et les zones sensibles. Il est important par exemple de disposer dans les zones accueillant des ressortissants de nationalités étrangères une plus forte concentration d’agents de la police des transports publics. Rappelons qu’en région Ile‑de‑France, un tiers des victimes sont de nationalité étrangère ‑ contre 16 % sur le reste du territoire.

Dès lors, la création du régime juridique permettant l’instauration de la police des transports publics demande de modifier au Livre II, intitulé « Ordre et Sécurité publics », du Code de Sécurité intérieure, la structure du Titre VI, du nom de « Sécurité des transports en commun », et plus particulièrement en complément du chapitre Ier « Sécurité des transports en commun » (article 1er).

Le statut de la police des transports publics se traduit par le fait qu’il relève de l’autorité du conseil régional, malgré une intégration de cette police au sein de la coordination entre les différents acteurs de la sécurité par le ministère de l’intérieur, ainsi qu’une précision sur les types d’agents ‑ actifs ou administratifs ‑ desquels la police des transports publics doit bénéficier, et leurs protection syndicale (article 2). Ce statut exige une clarification des sujétions et des obligations des agents actifs de la police des transports publics par décret du Conseil d’État (article 3).

Un article se consacre ensuite à l’ensemble des sections qui déterminent les missions, la nomination, le contrôle du ministère de l’intérieur, la conduite déontologique et l’autorisation du port d’arme (article 4).

Le rôle de la police des transports publics étant le maintien de l’ordre public et la sécurité des usagers des transports en commun ainsi que leur personnel, une section des missions qui leur sont attribuées avec les modalités associées. Leurs missions se caractérisent par des compétences partagées avec la police municipale. Dans le respect de la dignité des individus, les agents de la police des transports publics peuvent procéder à la fouille des bagages et à la palpation corporelle.

Le recrutement s’effectue selon les critères fixés par les dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Le ministère de l’intérieur peut être saisi et lancer une procédure d’enquête sur la mise à disposition, la sécurité et les équipements des agents de la police des transports publics.

Un code de déontologie et l’autorisation du port d’arme pour les agents actifs de la police des transports publics seront mis en place, dans une logique concomitante à celle qui dirige la police municipale.

Parallèlement, les précisions concernant le matériel et la formation seront décrétés par le Conseil d’État, de même que les réseaux de coopération avec les autres acteurs de la sécurité sous avis du ministère de l’intérieur en fin de maximiser la coopération et l’efficacité des opérations (articles 5 et 6).

En complément de la création de cette police des transports publics, cette proposition de loi cherche à modifier le champ de compétences du conseil régional en l’élargissant au domaine de la sécurité, notamment en lui attribuant une double mission : la gestion de la police des transports (article 7) ; le devoir de rendre annuellement un rapport sur les insécurités et la gestion de la sécurité au niveau de la région (article 8).

Aussi, les compétences du Président du conseil régional sont élargies : un droit de saisir le ministère de l’intérieur pour signaler des incohérences ou des effets pernicieux de la politique nationale appliquée à l’échelle régionale ; une certification du rapport sur les insécurités et la gestion de la sécurité au niveau de la région ; un droit de saisir le ministère de l’intérieur pour signaler des incohérences ou des effets pernicieux de la politique nationale appliquée à l’échelle régionale (article 9).

Enfin, la proposition de loi soumet au décret du Conseil d’État une expérimentation de la gestion de la police nationale par la région et ses modalités (article 10).


proposition de loi

CHAPITRE IER

STATUT ET DROIT DE LA POLICE DES TRANSPORTS PUBLICS

Article 1er

Au début du chapitre II du titre VI du livre II du code de la sécurité intérieure, est ajoutée une section 1 qui comprend l’article L. 261‑1 et est ainsi rédigée :

« Section 1

« Prévention à la délinquance et sécurisation des transports en commun »

Article 2

Après l’article L. 261‑1 du code de la sécurité intérieure, est insérée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Statut de la police des transports

« Art. L. 26121. – La police des transports publics relève de l’autorité du conseil régional.

« Art. L. 26122. – La police des transports publics comprend des personnels actifs ainsi que des personnels administratifs.

« Art. L. 26123. – L’exercice du droit syndical est reconnu aux personnels de la police des transports publics dans les conditions prévues à l’article 8 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant sur les droits et les obligations des fonctionnaires. »

Article 3

Les sujétions et obligations particulières applicables aux personnels actifs de la police des transports publics sont définies par décret en Conseil d’État.

CHAPITRE 2

MISSIONS, RECRUTEMENT ET MODALITÉS DE LA POLICE DES TRANSPORTS PUBLICS

Article 4

Après la section 2 du chapitre II du titre VI du livre II du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, sont insérées des sections 3, 4, 5, 6 et 7 ainsi rédigées :

« Section 3

« Missions

« Art. L. 26124. – Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de la police des transports publics exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant du représentant du président du conseil régional. Ce dernier confie les tâches aux agents de la police des transports publics en matière de prévention et de surveillance du bon sens, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité pour un respect de l’ordre public dans les transports en commun et leurs infrastructures.

« Ils sont chargés de constater par procès‑verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route et également de constater, en collaboration avec la police nationale et la gendarmerie nationale, les infractions aux dispositions du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

« Les agents de la police des transports publics sont affectés à la sécurité des transports en commun. Ils peuvent procéder à l’inspection visuelle et à leur fouille, dans le respect de la dignité de leur propriétaire. Ils peuvent procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. La palpation de sécurité doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet.

« Les compétences attribuées par les septième et huitième alinéas de l’article L. 511‑1 constituent des compétences partagées, dont les agents actifs de la police des transports publics disposent. »

« Section 4

« Nomination et agrément

« Art. L. 26125. – Les fonctions d’agent de police des transports publics ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l’article 6 de la loi n° 84‑53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

« Ils sont nommés et agréés par le conseil régional et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu’ils continuent d’exercer des fonctions d’agents de police des transports publics. En cas de recrutement par une commune ou un établissement de coopération intercommunale situés sur le ressort d’un autre tribunal judiciaire, les procureurs de la République compétents au titre de l’ancien et du nouveau lieu d’exercice des fonctions sont avisés sans délai.

« Art. L. 261‑2‑6. – L’agrément peut être retiré ou suspendu par le conseil régional, le représentant de l’État ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, en cas d’urgence, l’agrément peut être suspendu par le procureur de la République sans qu’il soit procédé à cette consultation.

« Section 5

« Contrôle du ministère de l’intérieur

« Art. L. 26127. – À la demande du maire, du directeur de la compagnie de transport, du représentant de l’État dans le département, le ministère de l’intérieur peut décider de la vérification de l’organisation, du fonctionnement de la police des transports publics. Cette vérification porte sur la mise à disposition, la sécurité et les équipements des agents de la police des transports publics.

« Cette vérification peut être menée par les services d’inspection générale de l’État.

« Les conclusions sont transmises au maire, au directeur de la compagnie de transport ainsi qu’au représentant de l’État dans le département.

« Section 6

« Déontologie de la police des transports publics

« Art. L. 26128. – Un code de déontologie des agents de la police des transports publics est établi par décret en Conseil d’État sur le rapport du ministre de l’intérieur.

« Section 7

« Port d’armes et règles d’usage des armes 

« Art. L. 26129. – Les agents de la police des transports publics peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’État dans le département, sur demande motivée du conseil régional, à porter une arme, sous réserve de l’existence d’une convention de coordination avec les forces de sécurité de l’État.

« Un décret en Conseil d’État précise, par type de mission, les circonstances et les conditions dans lesquelles les agents de police municipale peuvent porter une arme. Il détermine, en outre, les catégories et les types d’armes susceptibles d’être autorisés, leurs conditions d’acquisition et de conservation par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale et les conditions de leur utilisation par les agents. Il précise les modalités de la formation que ces derniers reçoivent à cet effet.

« Art. L. 261210. – Les agents de police des transports publics autorisés à porter une arme selon les modalités définies à l’article L. 261‑2‑9 peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 435‑1 et dans les cas prévus au 1° du même article L. 435‑1. »

Article 5

La tenue, les équipements et les formations des agents de la police des transports publics sont déterminés par décret en Conseil d’État.

Article 6

La coordination entre la police des transports publics, la police municipale et les forces de sécurité de l’État, ainsi que les particularités de mise en place de cette police selon les zones est déterminée par décret en Conseil d’État sur avis du ministre de l’intérieur.

CHAPITRE 3

COMPÉTENCES DU CONSEIL RÉGIONAL EN MATIERE DE SÉCURITÉ SUR SES TERRITOIRES

Article 7

Après le 10° de l’article L. 4211‑1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :

« 10° bis La gestion et les missions de la police des transports publics »

« Les modalités des attributions et de cette gestion seront fixées par décret en Conseil d’État sur rapport du ministre de l’intérieur. »

Article 8

Le chapitre unique du titre II du livre II de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 4221‑7 ainsi rédigé :

« Art. L. 42217. – Le conseil régional, par ses délibérations, rédige annuellement un rapport sur les insécurités, les phénomènes de délinquance et de criminalité, et la gestion des forces de l’ordre sur son territoire. Ce rapport doit être remis au ministère de l’intérieur afin d’ajuster la projection sur ses territoires des forces de l’ordre ainsi que leur stratégie face aux réalités et aux dynamiques sécuritaires spécifiques à la région.

« Le contenu et la forme du rapport est déterminé par décret en Conseil d’État. »

Article 9

Le chapitre unique du titre III du livre II de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 4231‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 423110. – Le président du conseil régional participe au maintien de l’ordre et à la sécurité des habitants au sein de la région dont il est le représentant.

« Il a autorité sur les agents de la police des transports publics. Il procède à l’élaboration des directives et des missions de la police des transports publics en fonction sur le territoire régional, après délibération du conseil régional.

« Il certifie le contenu du rapport sur les insécurités, les phénomènes de délinquance et de criminalité de la région, qu’il remet annuellement au ministère de l’intérieur.

« Il dispose d’un droit de saisine du ministère de l’intérieur, après délibération du conseil régional, pour signaler des incohérences liées à l’application des lois, ordonnances et règlements nationaux en matière de sécurité à l’échelle de sa région. »

CHAPITRE 4

EXPÉRIMENTATION DE LA GESTION RÉGIONALE DE LA POLICE

Article 10

La loi autorise, en vertu de l’article 72 de la Constitution et des articles L. O. 1113‑1 à L. O. 1113‑7 du code général des collectivités territoriales, pour un délai de trois ans, la gestion de la police nationale par le conseil régional.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de cette gestion.

CHAPITRE 5

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 11

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.