1

Description : LOGO

N° 4286

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 juin 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à promouvoir la bientraitance dans l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité et des majeurs protégés
et à lutter contre la maltraitance,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Annie VIDAL, Audrey DUFEU, Monique IBORRA, Didier MARTIN, Véronique HAMMERER, Christine CLOARECLE NABOUR, Graziella MELCHIOR, Stéphanie ATGER, Huguette TIEGNA, Jacques MARILOSSIAN, Thierry MICHELS, Danièle HÉRIN, Véronique RIOTTON, Mireille ROBERT, JeanLouis TOURAINE, Aude BONOVANDORME, Philippe BENASSAYA, Jennifer DE TEMMERMAN, Olivier FALORNI, Benoit SIMIAN, Sylvain TEMPLIER, Carole BUREAUBONNARD, Sandrine JOSSO, Yannick KERLOGOT, Laurence VANCEUNEBROCK, Stella DUPONT, Stéphanie RIST, Laurianne ROSSI, Agnès FIRMIN LE BODO, Sandrine LE FEUR, Claire BOUCHET, Sonia KRIMI, PierreYves BOURNAZEL, Laetitia AVIA, Annaïg LE MEUR, Jeanine DUBIÉ, Damien ADAM, Patrice ANATO, Gaël LE BOHEC, Michel LAUZZANA, Yves DANIEL, M’jid EL GUERRAB, Nicole LE PEIH, Fabienne COLBOC, Stéphane CLAIREAUX, Guillaume CHICHE, JeanLuc REITZER, Frédérique DUMAS, Claire O’PETIT, Sylvie CHARRIÈRE, JeanMarc ZULESI, Anne BRUGNERA, Béatrice DESCAMPS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire liée à l’épidémie de covid‑19, que nous traversons maintenant depuis plus d’un an, a impacté la vie de chacun et a touché notre société au cœur. Elle a mis en lumière les situations de vulnérabilité dans lesquelles se trouvent certaines personnes, malades, âgées, handicapées ou majeurs protégés. Cette période a également renforcé l’isolement et les phénomènes de maltraitance dont ces personnes sont victimes, à domicile ou en établissement. Ce sont autant de réalités que nous devons aujourd’hui regarder en face pour agir.

Avec l’accélération du vieillissement de la population, ces situations de fragilité vont se développer. Selon l’INSEE, le nombre de personnes âgées en situation de perte d’autonomie pourrait augmenter de 22 % entre 2017 et 2030 et de 41 % entre 2030 et 2050 ([1]). Ces personnes auront besoin d’être soignées, aidées et accompagnées, par des professionnels et par leurs proches avec qui ils entretiennent des liens intimes et de confiance. Dans ce contexte, des situations de maltraitances peuvent potentiellement survenir. Il ne s’agit pas forcément d’actes individuels, conscients et volontaires. La maltraitance s’installe parfois faute de compréhension de l’autre et des difficultés que sa privation d’autonomie entraîne. Elle peut être le résultat d’un manque de formation ou de négligences, qui s’exercent en établissement ou à domicile et qui conduisent à des blessures physiques ou psychologiques.

Les maltraitances sont des phénomènes complexes et multiformes, qui recouvrent des expériences vécues très différentes et sur lesquelles il est souvent difficile de poser des mots. La Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance, instance conjointe du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a débuté un vaste travail de concertation et d’analyse sur ce sujet en 2018.

La démarche de consensus que la Commission a entrepris, avec l’appui méthodologique de la Haute Autorité de santé, a d’ores et déjà permis d’aboutir à la création d’un vocabulaire partagé, précis et opérationnel pour tous les acteurs. La maltraitance d’une personne en situation de vulnérabilité intervient « lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action, compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux, et/ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement ([2]) ».

De cette analyse émergent quatre « modes‑type » de maltraitance qui appellent des réponses différentes ([3]). Le premier est l’acte individuel et conscient qui mérite d’être identifié en tant que tel et qui appelle des mesures de sanction, protectrices et réparatrices. Le deuxième est l’acte individuel involontaire qui peut être dû à un manque de formation. L’auteur doit en prendre conscience et être accompagné pour modifier son comportement. Le troisième décrit une situation de maltraitance collective et consciente qui résulte le plus souvent d’une carence grave de l’organisation et d’un dysfonctionnement collectif. Il convient d’y répondre par une mise à niveau des organisations tant quantitative que qualitative. Enfin, le quatrième type de maltraitance correspond à une situation collective et non consciente qui échappe au regard de tous. Il s’agit d’une maltraitance institutionnelle et systémique, qui est le reflet d’un manque de discernement collectif et de la nécessité d’une réflexion éthique sur l’accompagnement des personnes.

La « maltraitance institutionnelle » est représentative de la complexité des phénomènes de maltraitance, car elle repose sur une articulation entre des responsabilités individuelle et collective. On parle de maltraitance institutionnelle « lorsque des situations de maltraitance résultent, au moins en partie, de pratiques managériales, de l’organisation et/ou du mode de gestion d’une institution, d’un organisme gestionnaire, voire de restrictions ou dysfonctionnements au niveau des autorités de tutelle sur un territoire ([4]) ». Elle peut donc s’exercer à l’échelle d’un établissement, d’un groupe d’établissements ou même d’une collectivité territoriale. Il s’agit d’un dysfonctionnement collectif qui peut échapper au regard du groupe, et qui nécessite un travail de réflexion éthique de tous les acteurs pour changer les systèmes d’organisation et les comportements du quotidien.

Pour faire face à l’ampleur de ces défis, la Commission présidée par Alice Casagrande a pris le parti d’une approche transversale à tous les publics, quel que soit l’âge, l’état de santé, la situation familiale et sociale, afin de prendre en compte toutes les vulnérabilités et la diversité des parcours de vie. Cette proposition de loi s’inscrit dans cette démarche inclusive et a été élaborée sur la base de cette expertise. Elle porte la conviction que les problématiques partagées peuvent susciter une mobilisation à toutes les échelles, capable de faire converger tous les acteurs vers des objectifs communs : mieux comprendre les maltraitances, y réagir collectivement, et prévenir leur survenance.

Mieux identifier les phénomènes de maltraitance nécessite d’abord de poser des mots sur les maux, grâce au vocabulaire partagé établi par la Commission nationale pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance. Les mandataires judiciaires peuvent aussi s’impliquer dans cette démarche par le respect d’un code éthique et déontologique. Un système efficace de remontée des informations permettra de mieux identifier ces violences, de l’échelon territorial à la consolidation de données fiables sur l’ampleur et les formes des phénomènes de maltraitance. C’est indispensable pour mieux évaluer les situations et les traiter à temps, grâce à une coordination des acteurs concernés.

Réagir collectivement face aux maltraitances est un défi, car il est parfois difficile pour la personne victime de prendre conscience des maltraitances qu’elle subit et de trouver la force et le moyen d’en témoigner. Il faut donc encourager les établissements et les services à être à l’écoute des personnes accompagnées et de leurs proches, à analyser les dysfonctionnements organisationnels et à mettre en œuvre de bonnes pratiques. Il est aussi nécessaire de prévoir le contrôle des antécédents judiciaires des professionnels en amont, et de renforcer le rôle des professionnels et des mandataires judiciaires à la protection des majeurs dans le signalement des maltraitances.

Prévenir les maltraitances, c’est la clé pour construire une société de la bientraitance. Il faut former les professionnels et sensibiliser les proches à mieux accompagner une personne en situation de vulnérabilité, et développer ensemble une exigence éthique et morale au bénéfice de tous. Nous devons repenser le soutien aux personnes en situation de vulnérabilité en concertation avec tous les acteurs et selon une approche interministérielle. Enfin, la protection des droits des personnes par la sécurisation et la centralisation des dispositions anticipées est indispensable pour respecter leur libre‑arbitre et leur statut de citoyen à part entière. Nous veillons ainsi à ce qu’ils puissent exercer leurs droits et rester maîtres de leurs vies.

Ainsi, le chapitre Ier vise à mieux identifier les situations de maltraitance.

L’article 1er prévoit l’intégration du vocabulaire partagé établi par la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance pour caractériser les informations transmises sur les situations de maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité et des majeurs protégés.

L’article 2 précise la mission du mandataire judiciaire à la protection des majeurs auprès de la personne protégée et prévoit la création d’une charte éthique et déontologique pour cette profession, ainsi que la création d’un référentiel par la Haute autorité de santé sur les modes d’intervention.

L’article 3 prévoit le recueil et le traitement des informations préoccupantes par des cellules territoriales compétentes. Un Observatoire national de la maltraitance établit la synthèse des données consolidées localement, les diffuse et émet des recommandations pour améliorer la lutte contre la maltraitance et promouvoir la bientraitance.

L’article 4 vise à établir un bilan de l’action des cellules territoriales de recueil des informations préoccupantes et de l’Observatoire de la maltraitance après leur mise en place.

Le chapitre II vise à réagir collectivement face aux maltraitances.

L’article 5 prévoit de clarifier le cadre juridique du signalement pour permettre aux professionnels d’alerter plus facilement sur les maltraitances constatées et de contrôler les antécédents judiciaires des professionnels.

L’article 6 renforce la prise en charge des majeurs protégés en rendant obligatoire le signalement des situations de maltraitance à l’autorité judiciaire et la mise en place de mesures pour y mettre fin.

L’article 7 vise à améliorer l’écoute des personnes prises en charge par les établissements ou les services et de leurs proches, en réalisant un bilan interne régulier. Les structures sont tenues de mettre en œuvre un plan de réponse aux incidents et d’assurer une organisation respectueuse des droits des personnes.

Le chapitre III vise à développer la prévention et à promouvoir la bientraitance.

L’article 8 vise à assurer la formation des professionnels à la prise en charge bientraitante des personnes en situation de vulnérabilité, en établissement et dans les services, afin d’améliorer l’accompagnement des personnes.

L’article 9 vise à renforcer les dispositifs anticipés de soutien à l’exercice des droits en précisant et clarifiant le rôle de la personne de confiance. Il harmonise et met en cohérence les différents textes de lois existants.

L’article 10 vise à créer un dispositif de centralisation des dispositions anticipées, pour faciliter la connaissance des dispositions anticipées de la personne en situation de vulnérabilité et mieux respecter ses volontés.

L’article 11 crée une instance représentative réunissant l’ensemble des acteurs qui interviennent auprès des personnes en situation de vulnérabilité liée à l’âge, à la maladie ou au handicap, qu’elles bénéficient ou non d’une mesure de protection juridique, pour renforcer la coordination et le pilotage de cette politique selon une approche interministérielle.

L’article 12 vise à limiter les risques de maltraitance ordinaire en inscrivant l’exigence d’analyse des pratiques dans les fonctions des établissements et des services accueillant ou accompagnant des personnes en situation de vulnérabilité. Pour les établissements et services médico‑sociaux, cela sera accompagné d’une réflexion sur l’éthique de l’accueil et de l’accompagnement qui existe déjà en établissement de santé. Ces espaces seront accessibles aux aidants familiaux et aux professionnels.

Enfin, l’article 13 prévoit le gage de recevabilité de la présente proposition de loi.


proposition de loi

Chapitre Ier

Mieux identifier les situations de maltraitance

Article 1er

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

I. ‒ L’article L. 116‑2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1162. ‒ L’action sociale et médico‑sociale est conduite dans le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains avec l’objectif de répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d’entre eux et de garantir un accès équitable sur l’ensemble du territoire, en luttant contre les situations de maltraitance. Une situation de maltraitance intervient lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte au développement, aux droits, aux besoins fondamentaux, ou à la santé de la personne, et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. »

II. ‒Après l’article L. 331‑8‑2, dans sa rédaction résultant de la présente loi, il est inséré un article L. 331‑8‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 33183. ‒ Les informations transmises à l’article L. 331‑8‑1, concernant les personnes en situation de vulnérabilité liée à l’âge, à la maladie ou au handicap et les majeurs protégés, intègrent la définition d’une situation de maltraitance prévue à l’article L. 116‑2. »

Article 2

L’article L. 471‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 4711.  Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exercent à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles leur confie au titre du mandat spécifique auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d’accompagnement judiciaire, ou qui leur sont confiées dans le cadre du mandat de protection future. Leur mission vise à soutenir les libertés fondamentales de la personne protégée et l’exercice de ses droits. Elle vise également à promouvoir son autonomie et son aptitude à décider en s’assurant de l’expression de sa volonté.

« L’accompagnement de la personne par le mandataire, en lien avec les autres professionnels, s’effectue sans préjudice de l’accompagnement social auquel elle peut avoir droit. Il est destiné principalement à conforter la sécurité juridique de certains actes accomplis par cette dernière ou qui lui sont opposables, vérifier l’existence et la manifestation de son consentement, et aider la personne à faire valoir ses droits fondamentaux.

« Les modes d’intervention et limites de cet accompagnement sont déterminés par le mandat judiciaire confié au mandataire et mis en œuvre conformément au référentiel national fixé par voie réglementaire après avis de la Haute autorité de Santé.

« Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs s’engagent à respecter une charte éthique et déontologique portant sur les principes éthiques afférents à leurs modes de fonctionnement et d’intervention et leurs pratiques professionnelles. La charte est définie par voie réglementaire en associant notamment les mandataires professionnels et les représentants des usagers. »

Article 3

Après l’article L. 331‑8‑3 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la présente loi, il est inséré un article L. 331‑8‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 33184.  I. ‒ L’État, les départements et des personnes morales de droit public ou privé constituent un groupement d’intérêt public pour gérer un Observatoire national de la maltraitance afin d’exercer, à l’échelon national, les missions de recueil, de synthèse et de diffusion des analyses quantitative et qualitative des cas de maltraitance constatés et recueillis localement. L’Observatoire définit et recommande à ces fins des mesures répondant au code déontologique qu’il élabore en concertation avec les professionnels concernés.

« II. ‒ Le président du conseil départemental est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux personnes en situation de vulnérabilité en raison de leur âge, leur maladie, leur handicap, ou leur qualité de majeur protégé et victimes de maltraitance. Le représentant de l’État et l’autorité judiciaire lui apportent leur concours.

« Des protocoles sont établis à cette fin entre le président du conseil départemental, le représentant de l’État dans le département, les partenaires institutionnels concernés, les acteurs associatifs et l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation de ces informations.

« Cette cellule territoriale conduit les enquêtes pluridisciplinaires nécessaires à sa mission d’évaluation et est dotée d’une structure de pilotage pour établir une synthèse locale des situations de maltraitance déclarées.

« L’évaluation réalisée par la cellule territoriale compétente doit notamment comporter :

« 1° La typologie de la situation de maltraitance ;

« 2° Le lieu d’intervention de la maltraitance ;

« 3° La description de la personne ayant subi la maltraitance ;

« 4° L’auteur de la maltraitance et son niveau de responsabilité ;

« 5° L’origine et la durée de la maltraitance ;

« 6° La réponse apportée à la situation de maltraitance. »

« Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l’objet d’un signalement à l’autorité judiciaire.

« Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de personnes en situation de vulnérabilité ou des majeurs protégés victimes de maltraitance, participent au dispositif départemental.

« Les informations mentionnées au premier alinéa ne peuvent être collectées, conservées et utilisées que dans le cadre de ces missions. Elles sont transmises sous forme anonyme à l’Observatoire national de la maltraitance prévu à l’article L. 331‑8‑1. La nature et les modalités de transmission de ces informations sont fixées par décret ».

Article 4

Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est saisi par le Parlement pour établir un bilan de la mise en œuvre de la cellule opérationnelle départementale et de l’Observatoire national de la maltraitance, afin d’évaluer l’impact de ces nouveaux dispositifs, ainsi que les coûts de sa mise en œuvre par les départements et les compensations versées par l’État.

Chapitre II

Réagir collectivement face aux maltraitances

Article 5

Pour les privations et sévices subis par les personnes en situation de vulnérabilité et qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison de leur âge, de leur incapacité physique ou psychique, ou de leur qualité de majeur protégé, un décret définit les droits et obligations relatifs aux conditions de levée du secret professionnel, aux obligations de signalement, et aux conditions de contrôle des antécédents judiciaires des professionnels.

Article 6

Après l’article L. 471‑3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 471‑3‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 47131.  Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs informent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’autorité administrative compétente et le juge des tutelles les ayant désignés pour assister ou représenter les personnes protégées, de tout dysfonctionnement ou événement grave portant atteinte aux droits des personnes protégées, à leur santé, leur sécurité ou leur bien‑être physique ou moral, et des mesures qu’ils ont mis en œuvre, en coordination avec l’ensemble des acteurs compétents, pour y mettre fin. Cette information porte notamment sur les situations de maltraitance au sens de la définition prévue à l’article L. 116‑2, qui doivent par ailleurs être signalées au procureur de la République par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs lui‑même. »

Article 7

Après l’article L. 311‑8 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 311‑8‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 31181. ‒ À l’occasion de chaque réécriture de projet d’établissement ou de service, et après la consultation du conseil de la vie sociale prévue à l’article L. 311‑8 et une concertation large des personnes accueillies ou accompagnées et des familles, un bilan est réalisé sur les conditions effectives de vie des résidents, sur les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’établissement, sur les éventuels incidents signalés par les résidents et leurs proches et les suites apportées.

« Les établissements ou services sont tenus d’intégrer dans le projet d’établissement mentionné à l’article L. 311‑8 un plan détaillant les modalités d’organisation à mettre en œuvre pour répondre aux incidents signalés et permettre un fonctionnement de la structure respectueux des droits fondamentaux de chacun des résidents ou personnes prises en charge.

« Ce plan doit être conforme à un cahier des charges arrêté par le ministre chargé des solidarités et de la santé. »

Chapitre III

Prévenir la maltraitance et promouvoir la bientraitance

Article 8

Après l’article L. 311‑8‑1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la présente loi, il est inséré un article L. 311‑8‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 31182.  Les établissements et services sont tenus d’intégrer dans leur plan de formation, défini par le projet d’établissement ou de service mentionné à l’article L. 311‑8, le développement des compétences professionnelles favorisant un accompagnement avec bientraitance des personnes. »

Article 9

L’article L. 311‑5‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 31151.  I. ‒ Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche entretenant avec elle des liens étroits et stables ou, lorsque la mission est limitée aux missions prévues à l’article L. 1111‑6 du code de la santé publique, le médecin traitant, qui est consulté au cas où elle serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information à cette fin. La personne de confiance rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage.

« II. ‒ Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, dans un hôpital des armées ou à l’Institution nationale des Invalides, ou lors de toute prise en charge dans un établissement ou service social ou médico‑social, à l’exception des services mandataires judiciaires mentionnés au quatorzième alinéa de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, il est proposé à la personne majeure de désigner, si elle ne l’a pas déjà fait, une personne de confiance.

« III. ‒ Cette désignation, qui doit être faite par écrit et cosignée par la personne de confiance désignée, est valable dans les champs sanitaire, social et médico‑social, sauf précision contraire et expresse dans la désignation. Elle est révisable et révocable à tout moment.

« IV. ‒ La personne de confiance est consultée dans le cas où la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté ou rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension des informations données, et qu’elle ne peut pas prendre seule et sans aide des décisions éclairées relatives à son parcours de santé, aux interventions médicales la concernant ou à sa prise en charge.

« V. ‒ Si la personne majeure le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste à ses entretiens médicaux, sociaux et médico‑sociaux afin de l’aider dans son parcours, la soutenir dans ses prises de décisions, s’assurer de la bonne compréhension des informations qui lui sont délivrées, et des enjeux qui s’attachent aux mesures et interventions préconisées.

« VI. ‒ Le mandat de protection signé par la personne majeure peut prévoir expressément la désignation d’une personne de confiance dont il précise les missions par référence au présent article et à l’article L. 1111‑6 du code de la santé publique.

« VII. ‒ Hors le cas d’une désignation anticipée au sens des I et VI du présent article, le présent article ne s’applique pas lorsqu’une mesure judiciaire de protection est ordonnée et que le juge autorise la personne chargée de la protection de la personne à représenter celle‑ci en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 459 du code civil. »

Article 10

Après l’article L. 311‑5‑1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 311‑5‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 31152. ‒ Les dispositions anticipées prises par la personne sont publiées sur un registre spécial dont les modalités et l’accès sont définis par décret en Conseil d’État. »

Article 11

Après l’article L. 471‑9 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 471‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 47110. ‒ Il est institué une commission nationale interministérielle des droits et de la protection des personnes en situation de vulnérabilité, telles qu’établies par le vocabulaire partagé de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, et des majeurs protégés.

« Cette commission instituée auprès du Premier ministre est chargée de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique en matière de respect des droits et de protection des adultes en situation de vulnérabilité, d’en évaluer la mise en œuvre et de formuler des avis sur toute question s’y rattachant.

« Ses missions, sa composition, les modalités de désignation de ses membres et ses modalités de fonctionnement sont définies par décret en Conseil d’État. »

Article 12

I. ‒ Après le 6° de l’article L. 311‑1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Actions de réflexion éthique liées à l’accueil et l’accompagnement social et médico‑social et à la prise en charge médicale. »

II. ‒ Un décret prévoit d’intégrer, dans la définition réglementaire des fonctions attendues des différents établissements et services mentionnés dans le code de l’action sociale et des familles, l’exigence d’analyse des pratiques.

Article 13

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La charge pour les collectivités territoriales est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) Ministère des solidarités et de la santé, Vieillir en bonne santé, une stratégie globale pour prévenir la perte d’autonomie 20202022, janvier 2020.

([2]) Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, Dossier d’appui et annexes de la démarche nationale de consensus pour un vocabulaire partagé de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, mars 2021, p. 11.

([3]) Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, Note d’orientation pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie, janvier 2019, pp. 16‑24.

([4]) Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, mars 2021, op. cit., p. 16.