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N° 4342

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à faire de la diffusion de la propagande électorale un service public non ouvert à la concurrence et assuré en régie par le prestataire du service universel postal,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, JeanChristophe LAGARDE, Valérie SIX, Christophe NAEGELEN, Guy BRICOUT, Meyer HABIB, Agnès THILL, Thierry BENOIT, Yves DANIEL, Michel ZUMKELLER, Philippe BENASSAYA, Benoit SIMIAN, Bruno BILDE, Paul MOLAC, Loïc DOMBREVAL, Jennifer DE TEMMERMAN, Éric COQUEREL, Martine WONNER, Robert THERRY, Olivier FALORNI, Valérie BEAUVAIS, Sophie MÉTADIER, Luc LAMIRAULT, Ian BOUCARD, Sira SYLLA, Emmanuelle ANTHOINE, Michel HERBILLON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours des élections départementales et régionales 2021, marquées par une abstention record sous la Vème République à 66,1 %, l’entreprise Adrexo avait la responsabilité pour la première fois de la distribution des professions de foi et de la propagande électorale des candidats auprès de chaque Français.

Cette entreprise avait remporté l’appel d’offres du ministère sur 51 départements, à hauteur de 200 millions d’euros, privatisant ainsi, via des intérimaires, un service traditionnellement géré par la Poste. Cette décision repose sur une Directive européenne de 1997 qui impose l’ouverture à la concurrence des services de poste et inclut explicitement la propagande électorale.

Cette société de 25 000 salariés, basée à Aix‑en‑Provence, est spécialisée dans la distribution de brochures publicitaires, c’est‑à‑dire de documents sans adresses. Ces derniers jours, plusieurs élus et candidats ont alerté sur les retards dans la distribution des professions de foi, avec à l’appui de nombreuses photos. 

En janvier 2021, la section CGT de La Poste s’était interrogée sur les capacités de l’opérateur privé à remplir sa mission, avec seulement 17 000 distributeurs, contre quatre fois plus de facteurs pour La Poste.

Le soir du scrutin, la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa a tenu à rassurer en indiquant sur France 2 qu’« Il y a 50 millions de plis qui ont été confiés à la Poste. La Poste nous déclare avoir livré 100 % de ces plis. 42 millions de plis ont été confiés à Adrexo. Adrexo déclare, suite à interpellation du ministère de l’Intérieur, en avoir livré 99 %, ils nous disent qu’un 1% de ces plis n’a pas été livré. […] Il y a donc au total 21 000 électeurs qui n’ont pas reçu la propagande. »

Ces chiffres ont immédiatement été contestés puisqu’au‑delà des documents jamais acheminés, d’autres n’ont simplement pas été distribués jusqu’au bout. En amont du scrutin, de nombreuses photos partagées sur les réseaux sociaux montraient des plis électoraux, contenant la propagande des candidats, soit abandonnés au sol, dans un bois ou derrière une poubelle, soit disposés aléatoirement dans des halls d’immeubles.

Lundi 21 juin, Adrexo a publié un communiqué, en fin d’après‑midi, dans lequel elle impute ces problèmes à « une cyberattaque ». « Avec la résolution de cet incident, Adrexo s’est organisée pour permettre à ses équipes de distribuer dans les meilleures conditions malgré les fortes contraintes informatiques et opérationnelles », a encore expliqué l’entreprise.

Dans les faits, les difficultés de cette société ne sont pas nouvelles, puisque l’État lui a confié une partie de la distribution du matériel électoral pour tenter de sauver le groupe Hopps, dont l’entreprise fait partie, et qui était au bord de la faillite. Or, depuis, Adrexo rencontrait toujours des difficultés financières importantes et rencontrait des difficultés à recruter des distributeurs de courrier du fait de ses pertes récurrentes.

À la suite du comptage des manquements par les Préfectures, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a indiqué à la commission des lois du Sénat mercredi 23 janvier que l’estimation des électeurs n’ayant reçu aucune information est estimée à 9 % ce qui est doublement supérieur aux difficultés résiduelles liées aux déménagements, décès, etc.

Il apparait que si La Poste a pu rencontrer des difficultés, toutes les professions de foi non distribuées sont systématiquement récupérées et les adresses revues afin d’essayer de corriger le tir, ce qui n’est pas réalisé par la société Adrexo.

Les élus locaux et les partis politiques ont pourtant alerté à de nombreuses reprises sur ces manquements graves. De nombreux Français ignoraient même l’existence des élections le dimanche 20 juin 2021.

Lundi soir, la société a été convoquée au ministère de l’Intérieur, mais n’a pas été déchargée de son mandat et s’est engagée à prendre des mesures pour corriger cette situation à l’avenir.

Cet engagement est loin d’être suffisant pour assurer lors des prochaines échéances électorales l’information de l’ensemble des Français de la tenue d’une élection et de la diffusion des professions de foi des candidats.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019‑28 ELEC du 21 février 2019 relative aux élections législatives de 2017 avait déjà enjoint les autorités compétentes à « sécuriser davantage les opérations de mise sous pli et d’acheminement de la propagande électorale ». 

Cette responsabilité fondamentale pour toute démocratie, ne peut‑être délégué à une entreprise privée. Il s’agit ici d’une mission de service public à la charge de l’État et qui ne peut être géré que par une régie.

Par ailleurs, faire de la distribution de la propagande électorale un service public non ouvert à la concurrence conduira aussi à remuscler les préfectures qui ont pour certaines été drastiquement affaiblies ces dernières années, comme c’est le cas en Lozère où les effectifs sont passés de 130 agents à 90 ce qui ne permet plus d’exercer efficacement toutes ses missions.

Le Groupe La Poste doit ainsi devenir la régie unique de l’État en charge du service public de distribution de la propagande électorale.  

Tel est l’objet de cette proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 48‑2 du code électoral, il est inséré un article L. 48‑3 ainsi rédigé :

« Art. 483. ‒ La distribution de la propagande électorale est un service public non soumis à la concurrence.

« Le service public de distribution de la propagande électorale a pour objet la distribution de plis électoraux et des professions de foi des candidats.

« Il vise à garantir l’intérêt général attaché à l’information éclairée des citoyens en période électorale et la sincérité du scrutin.

« Dans ce cadre, il contribue à fournir à chaque citoyen en âge de voter une information loyale, claire et transparente sur l’identité et le projet de chaque candidat.

« Il concourt au respect des dispositifs du chapitre V du titre Ier du livre Ier du code électoral relatif à la propagande.

« Il est assuré par le prestataire du service universel postal désigné au regard des dispositions de l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques.

« Une cellule de suivi de distribution de la propagande électorale est systématiquement mise en place entre le prestataire du service universel postal, le ministère de l’intérieur et les préfectures pour s’assurer que ce service public est pleinement assuré et satisfait. 

« Les documents de propagande électorale doivent également être affichés à l’entrée de chaque bureau de vote et consultables par tous. 

« Un décret pris en Conseil d’État précise les dates de distribution qui doivent être respectées afin de permettre une diffusion à l’ensemble des citoyens en droit de voter. »

Article 2

Après l’alinéa 2 de l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service public de distribution de la propagande électorale est réservé au prestataire du service universel postal, conformément aux dispositions de l’article L. 48‑3 du code électoral. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.