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N° 4348

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer et à accélérer la lutte contre la prolifération
de la chenille processionnaire du chêne,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Stéphane VIRY, Emmanuelle ANTHOINE, Édith AUDIBERT, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, Philippe BENASSAYA, JeanYves BONY, Bernard BOULEY, JeanLuc BOURGEAUX, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, Annie GENEVARD, Yves HEMEDINGER, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Gérard MENUEL, Jérôme NURY, Bernard PERRUT, Robin REDA, Frédéric REISS, Martial SADDIER, Raphaël SCHELLENBERGER, JeanMarie SERMIER, Robert THERRY, Pierre VATIN, Michel VIALAY,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La chenille processionnaire du chêne est une larve (qui passe conséquemment par l’état de papillon) qui est très connue dans l’est de la France par son mode de déplacement : en procession. Cousine éloignée de la chenille processionnaire du pin, cette espèce d’insecte touche plus particulièrement le quart nord‑est de notre pays, en provenance de Belgique notamment.

Et malgré plusieurs alertes sur les risques sanitaires du développement et de la prolifération de cet insecte nuisible, aucune loi ni aucun règlement n’a permis de contenir ce problème sectoriel et durable.

Le cycle de vie de la processionnaire du chêne est classique, en ce sens qu’il est identique au cycle de développement de toutes les chenilles.

La première phase est celle où l’insecte est encore un papillon. À ce stade, les actions sont plutôt difficiles puisque les papillons sont discrets. La seconde phase est le stade larvaire : et à ce niveau, la chenille processionnaire connaît six stades larvaires (les poils urticants apparaissent en règle générale au troisième stade larvaire). Il est déjà trop tard pour agir, les premiers effets sur l’Homme et sur l’animal se faisant ressentir. Enfin, le troisième stade est celui de la phase nymphale : les chenilles se transforment petit à petit en chrysalides.

La chenille processionnaire du chêne présente beaucoup de risques d’ordre sanitaire : pour l’homme, pour les animaux, et pour l’arbre en lui‑même. L’invasion plus que massive de cette espèce en premier lieu au sein des forêts, mais aussi au sein des villes aujourd’hui, est un vrai sujet d’inquiétude.

Concernant les risques pour l’homme, la processionnaire du chêne développe au cours de son troisième stade larvaire des poils urticants qui conduisent à plusieurs pathologies : irritations de la peau, urticaires, allergies, difficultés respiratoires, infections oculaires. Les poils urticants de la chenille, très volatiles, s’introduisent dans les orifices de la peau ou dans les voies respiratoires et en se brisant par friction, libèrent une toxine qui déclenche ce phénomène urticant.

Les dernières études de terrain de l’Observatoire des forêts, qui datent du début de l’épidémie de chenilles processionnaires à 2017 dans la région Grand Est, prévoient une année 2021 encore plus difficile pour les français, que l’année 2020.

Rappelons également que les poils urticants des chenilles processionnaires du chêne ont une durée de vie indépendante de celle de l’insecte. Ces derniers restent dangereux de dix‑huit mois à deux ans selon les services de l’Office national des forêts (ONF).

L’insecte représente aussi un danger pour l’animal puisque les conséquences sont identiques, avec un moyen de contrôle bien plus restreint. Les animaux tels que les chiens, les chats, les lapins, les cervidés en voulant se nourrir ou simplement jouer, peuvent avaler l’insecte et les conséquences peuvent être désastreuses. À titre d’exemple, un chien qui, en voulant soulager ses démangeaisons suite au contact avec les poils d’une processionnaire, se lèche, peut être atteint à la langue. Et s’il n’est pas traité rapidement, risque une nécrose de la langue, qui pourra l’empêcher de se nourrir et donc entraîner sa mort.

Il y a aussi un danger pour la forêt en elle‑même. La chenille processionnaire du chêne participe en effet au phénomène de défoliation des chênes, c’est‑à‑dire qu’elle fait perdre à l’arbre ses feuilles (en se nourrissant) et provoque un ralentissement de la croissance de l’ensemble des arbres atteints, qu’ils soient jeunes ou adultes. Bien sûr, l’insecte ne participe pas directement à la mort des arbres cibles. Mais la défoliation répétée des arbres, additionnée à d’autres phénomènes en lien direct avec le réchauffement climatique – manque d’eau, canicule, appauvrissement des ressources – contribuent à leur affaiblissement et les rendent plus accessibles aux attaques d’autres espèces de parasites tels que le scolyte ou à différentes maladies qui touchent aujourd’hui les forêts.

Outre un risque de santé publique, il existe aussi un risque écologique pour nos forêts qui vont subir de grosses pertes au sein des populations de chênes, dans les prochaines années.

La prolifération des processionnaires du chêne, qui cause la disparition des chênes, a des conséquences importantes en matière économique : après plusieurs défoliations, les arbres perdent de la valeur. Et la raréfaction de ces espèces d’arbres ne fait qu’augmenter le prix de vente qui devient moins attractif pour les exploitants.

Les pertes économiques sont grandes. Pour les collectivités territoriales, notamment les communes rurales, le budget « forêt » représente une grande part des recettes communales. Pour les exploitants et forestiers privés, les conséquences sont quasiment identiques.

Les processionnaires du chêne ne sont pas aujourd’hui reconnues comme des espèces nuisibles, et les moyens de lutte contre la prolifération de l’insecte sont presque inexistants. Il est d’ailleurs à la charge des collectivités territoriales et des particuliers de répondre par euxmêmes à la lutte et à l’éradication de ce nuisible dès lors qu’il met en cause la santé des français.

Les moyens de lutte actuellement en place s’avèrent méconnus ou peu efficaces. Compter sur la venue en masse des mésanges à col bleu est utopique : combien faut‑il de mésanges pour consommer l’ensemble des espèces d’une seule forêt ? Les mesures préventives sont nécessaires mais ne luttent pas aujourd’hui assez efficacement. La lutte biologique est la solution qui s’avère être la meilleure en matière d’anticipation. Mais les risques pour les autres espèces animales sont aujourd’hui inconnus. Quelles conséquences aurait, par exemple sur les mésanges, la consommation d’une chenille ayant ingéré un bacille de Thuringe ? Quel est l’effet de ce même produit sur d’autres espèces animales ?

Par conséquent, les communes se voient obligées de prendre des arrêtés municipaux qui interdisent l’accès à certains lieux – parcs de jeu, parcours de promenades – ou à des pans entiers de forêts. Alors que les français ont été privés de libertés pendant plusieurs mois en raison des mesures successives de confinement, et que la covid‑19 n’est toujours pas éradiquée, je ne crois pas que la responsabilité de tels actes juridiques puisse uniquement reposer sur les Maires.

La réponse ne peut être que collective et doit notamment provenir du parlement. Il faut s’appuyer sur des travaux concrets de recherches, conduits par exemple par des organismes tels que l’ONF ou l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

Tel est en l’espèce l’objet de cette proposition de loi.

L’article 1er vise à déclarer la chenille processionnaire du chêne comme une espèce nuisible, en application de l’article L. 1338‑1 du code de la santé publique, créé par la loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016 dite « de modernisation du système de santé ».

L’article 2 invite le Gouvernement à remettre au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur le taux d’infection des forêts françaises et sur l’état de la recherche sur la prolifération des chenilles processionnaires. 

 


proposition de loi

Article 1er

La chenille processionnaire du chêne est, à compter de la publication de la présente loi, déclarée comme espèce nuisible pour l’homme, pour l’animal, et pour la forêt dans les conditions prévues à l’article L. 1338‑1 du code de la santé publique.

Article 2

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le taux d’infection des forêts françaises et sur l’état de la recherche sur la prolifération des chenilles processionnaires.