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N° 4351

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

portant création d’un Défenseur des droits des animaux,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Loïc DOMBREVAL, PierreYves BOURNAZEL, Annie CHAPELIER, JeanCharles COLASROY, Fabienne COLBOC, David CORCEIRO, Typhanie DEGOIS, Nadia ESSAYAN, JeanLuc FUGIT, Laurent GARCIA, Laurence GAYTE, Carole GRANDJEAN, Carole Florence GRANJUS, Yannick HAURY, Danièle HÉRIN, Dimitri HOUBRON, Anissa KHEDHER, Mohamed LAQHILA, Michel LAUZZANA, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Sandrine LE FEUR, Didier MARTIN, Claire O’PETIT, Sophie PANONACLE, AnneLaurence PETEL, Maud PETIT, Cécile RILHAC, Laëtitia ROMEIRO DIAS, Sylvain TEMPLIER, Alice THOUROT, Élisabeth TOUTUTPICARD, Nicole TRISSE, Corinne VIGNON, Hélène ZANNIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 22 octobre 2019, Robert Badinter clôture le colloque organisé par la Fondation Animal Éthique et Sciences, présidée par Louis Schweitzer et portant sur la thématique du droit et de la personnalité juridique de l’animal.

Rassemblant de nombreux intellectuels, il est l’occasion pour l’ancien président du Conseil constitutionnel d’envisager la création d’une autorité administrative inédite dont il a la paternité : un Défenseur des droits des animaux.

Selon l’article 71‑1 de la Constitution, le Défenseur des droits veille au respect des droits et des libertés, il défend ceux dont les droits ne sont pas respectés et permet l’égalité d’accès devant ce droit. Il n’a pas visé à définir son périmètre, mais à garantir la véritable diffusion d’un droit opérant auprès de chaque citoyen.

Robert Badinter pense le Défenseur des droits des animaux, non pas comme un moyen d’étendre le droit des animaux ou de leur accorder une personnalité juridique équivalente à celle des Hommes, mais comme une autorité permettant de garantir l’application des droits existants.

Il déclare dans le colloque que « Traiter pénalement les animaux comme des Hommes n’a pas été pour eux une voie pleine de satisfactions, au contraire […]. Et pour assurer l’effectivité des droits des animaux, mieux vaut nommer une autorité qu’on pourrait appeler le Défenseur des animaux. […] Cette autorité indépendante veillerait à ce que les droits fondamentaux des animaux […] soient respectés dans la réalité. Écrire des lois, rendre des décisions, tenir des colloques, formuler des codes, c’est bien. Mais seule une autorité indépendante est de nature à permettre d’étendre la protection, la sauvegarde nécessaire des animaux qui sont, disons‑le, nos compagnons de vie, et souvent fraternels ».

Au‑delà de l’extension des droits des animaux, il s’agit bien des devoirs des êtres humains qu’il s’agit de conforter, en permettant, non pas une accumulation normative sur la question, mais bien une instance capable de faire appliquer le droit des animaux.

On peut relier cette idée à une phrase célèbre du Conseil d’État en 1991 : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite », critique de l’inflation législative, inopérante pour les droits déjà acquis et ceux à venir.

Ce risque d’une accumulation de lois, de normes et de règlements sans réelle empreinte sur les pratiques est particulièrement vivace dans le domaine de la protection animale.

Si nos concitoyens réclament une amélioration de la condition animale, c’est surtout le sentiment d’impunité et de manque d’application des nombreux dispositifs existants qui est souvent pointé du doigt.

Dans le domaine des animaux de compagnie, les manques de contrôles concernant l’identification de ces animaux rendent les politiques de lutte contre l’abandon inefficaces. Les défauts d’application des peines en cas de maltraitance et de cruauté provoquent régulièrement l’émoi dans l’opinion.

Concernant les animaux sauvages, l’absence de contrôle des trafics est épinglée par le rapport de la députée Tiphaine Degois, qui met en évidence les incohérences de législation entre les échelons nationaux et communautaires.

Pour les animaux d’expérimentation, les contrôles de l’application des règles de modération de cette utilisation sont insuffisants selon la Fondation Animal Éthique et Sciences, et notre pays fait office de mauvais élève européen en la matière.

Et surtout, pour les animaux d’élevage, le manque de sanctions administratives rend possible la perpétuation de pratiques non conformes, malgré une règlementation théoriquement protectrice, clé de voûte d’une agriculture de qualité garante du bien‑être animal.

Ces manquements font le lit d’associations qui se substituent alors à l’État, faisant à sa place ce travail de contrôle dont il est théoriquement le garant. Certaines organisations non gouvernementales se retrouvent alors à saisir eux‑mêmes la justice administrative pour faire appliquer des dispositions législatives et réglementaires. Ainsi, le CIWF a obtenu gain de cause après sa saisine du Conseil d’État en 2021 sur la question des poules pondeuses en cage.

La puissance publique, pourtant responsable de ces questions régaliennes apparait affaiblie. L’image des filières en pâtit, victimes de raccourcis et d’amalgames.

Ainsi, cette proposition de loi vise à se doter d’une instance capable de faire appliquer le droit dans le domaine de la protection animale en créant un Défenseur des droits des animaux. Il s’agirait d’une autorité administrative indépendante, en mesure de garantir l’application réelle des dispositifs déjà existants.

Il serait un outil indispensable permettant de rendre effectif le droit des animaux dans de nombreux domaines, et le référent dans l’ensemble des litiges mettant en cause les maltraitances animales. En cohésion avec la puissance publique, cette nouvelle instance permettra d’assurer de meilleurs contrôles et une meilleure application de l’ensemble de la législation concernant le droit des animaux.  

Cette autorité serait le témoignage d’une démocratie symboliquement engagée dans le domaine de la protection animale, en mesure de traiter les animaux avec dignité et respect, de la promulgation de la loi jusqu’à son application effective.

L’article 1er de la proposition de loi crée une nouvelle section au sein du code rural et de la pêche maritime dédiée au Défenseur des droits des animaux.

Par le nouvel article L. 214‑24, l’article 1er énonce, tout d’abord, que le Défenseur des droits des animaux, nouvelle autorité administrative indépendante, est nommé par décret du Président de la République pour six ans.

Il décrit ensuite les cinq différentes missions du Défenseur des droits des animaux qui sont, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, celles de :

– lutter contre les actes de maltraitance animale prohibés par la loi, par une réglementation européenne ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;

– veiller au respect de la règlementation applicable aux animaux par les personnes morales, publiques comme privées, exerçant des activités en lien avec les animaux sur le territoire de la République ;

– veiller au respect de la règlementation applicable aux animaux par les personnes physiques, propriétaire ou détentrice d’animaux ;

– veiller au respect, par l’État, de ses engagements en matière de bien‑être animal ;

– organiser des médiations entre les parties à un litige relatif à un ou plusieurs actes de maltraitance animal.

Enfin, l’article précise que l’ensemble de ces missions concernent tous les animaux : les animaux de compagnies, les animaux sauvages captifs, les animaux sauvages vivants en liberté, les animaux d’élevage ou encore les animaux de laboratoire.

Puis, l’article 1er, par l’instauration du nouvel l’article L. 214‑25, liste les différentes personnes pouvant saisir, de manière gratuite, le Défenseur des droits des animaux. Ces dernières sont :

– les personnes morales, publique ou privée, qui souhaitent avoir des renseignements sur l’ensemble de la législation applicable à leur structure en terme de bien‑être animal ;

– les personnes, physique ou morale, publique ou privée, qui s’estiment témoin d’une situation de maltraitance envers un animal ;

– les juges qui, dans le cadre d’un litige impliquant un acte de maltraitance animal, requièrent l’assistance du Défenseur des droits des animaux pour que ce dernier réalise une médiation entre les parties au litige. Cela, dans un souci d’efficacité et de désengorgement de la justice.

Enfin, l’article 1er crée le nouvel article L. 214‑26 qui précise en premier lieu que, dans le cadre de ses missions, le Défenseur des droits des animaux peut demander au Conseil d’État ou à la Cour des comptes de faire procéder à toutes études dans les domaines relevant de son champ de compétence. Il peut également recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles.

Et, symbole de son indépendance vis‑à‑vis du Gouvernement, l’article impose également au Défenseur des droits des animaux de publier chaque année un rapport rendant compte de son activité générale au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat.

Pour conclure, l’article 2 introduit un gage financier.

 


proposition de loi

Article 1er

Le chapitre IV du titre Ier du livre I du code rural et de la pêche maritime est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Défenseur des droits des animaux

« Art. L. 21424. – I. – Le Défenseur des droits des animaux, autorité administrative indépendante, est nommé par décret du Président de la République pour six ans.

« II. – Il est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles :

« 1° De lutter contre les actes de maltraitance animale prohibés par la loi, par une réglementation européenne ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;

« 2° De veiller au respect de la règlementation applicable aux animaux par les personnes morales, publiques comme privées, exerçant des activités en lien avec les animaux sur le territoire de la République ;

« 3° De veiller au respect de la règlementation applicable aux animaux par les personnes physiques, propriétaire ou détentrice d’animaux ;

« 4° De veiller au respect, par l’État, de ses engagements en matière de bien‑être animal ;

« 5° D’organiser des médiations entre les parties à un litige relatif à un ou plusieurs actes de maltraitance animale ».

« Dans le cadre de ses missions, le Défenseur des droits des animaux s’occupe de tous les animaux quelle que soit leur catégorie : animaux de compagnie, animaux sauvages captifs, animaux sauvages vivant en liberté, animaux d’élevage ou animaux de laboratoire.

« Art. L. 21425. – Le Défenseur des droits des animaux peut être saisi, de manière gratuite :

« 1° Par toute personne morale, publique ou privée, qui souhaite avoir des renseignements sur l’ensemble de la législation applicable à sa structure en terme de bien‑être animal.

« 2° Par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui s’estime témoin d’une situation de maltraitance envers un animal ;

« 3° Par un juge, dans le cadre d’un litige impliquant un acte de maltraitance animale, pour que le Défenseur des droits des animaux réalise une médiation entre les parties au litige.

« Art. L. 21426. – I. – Le Défenseur des droits des animaux peut demander au vice‑président du Conseil d’État ou au premier président de la Cour des comptes de faire procéder à toutes études dans les domaines relevant de son champ de compétence.

« Il peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles.

« II. – Il remet chaque année au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat, un rapport qui rend compte de son activité. »

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.