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N° 4355

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à favoriser et sécuriser le développement
de l’accueil familial des personnes âgées ou handicapées,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Mireille ROBERT,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre condition humaine, alertait Simone de Beauvoir en 1970, implique que nous nous attachions aux effets individuels et collectifs du vieillissement. Individuel car c’est chacun d’entre nous, c’est notre futur que nous devons reconnaître dans ces personnes âgées que nous croisons avant qu’elles soient placées dans des institutions spécialisées, écartées de nos regards. Collectif car, comme l’affirmait l’autrice, « la vieillesse ne saurait être comprise qu’en totalité ; elle n’est pas seulement un fait biologique, mais un fait culturel ». Or, dans notre monde obnubilé par la performance individuelle, la vitesse et la jeunesse, la relégation de l’âge commence de plus en plus tôt, comme si nous étions frappés d’obsolescence programmée, avant d’atteindre son paroxysme avec la nécessité de l’accompagnement dans les gestes de la vie quotidienne, la dépendance. 

Le vieillissement est un fait social que nous devons collectivement affronter. À l’horizon 2070, les projections démographiques envisagent une société française de 76 millions d’habitants dont 18 % auront plus de 75 ans.

Il faut mesurer ce que ces chiffres signifient d’opportunité et de défi pour la société française qui devrait compter 29 % de personnes de plus de 65 ans en 2070.

Les séniors sont d’abord des citoyens. Avec le vieillissement, ils apportent leur expérience au travail et dans la société tout en conservant la capacité de continuer à innover pour peu que la société veuille bien les inclure et ne pas les invisibiliser en les écartant de la cité.

L’adaptation de la société au vieillissement nous oblige donc à repenser notre relation aux séniors et à reconnaître leur apport. Ainsi par exemple, après l’emploi, nous connaissons le déport de l’activité vers le lien social, le temps accordé aux autres dans le mouvement associatif. En 2013, selon France Bénévolat, 3 bénévoles sur 10 avaient plus de 65 ans. Loin de l’image de la dépendance pour tous, donc, le vieillissement contribue au dynamisme de la société et peut constituer une clef de son apaisement.

La continuation de cette révolution de l’âge implique un changement de société considérable à travers de nouveaux rapports sociaux pour intégrer les personnes âgées dans la vie de la cité tant il est vrai que la vieillesse ne peut se résumer aux questions médico‑sociales et de la dépendance. Elle impose aussi de nouveaux devoirs de solidarité de la société à l’égard d’une population fragilisée.

Or, la question des services destinés aux personnes âgées, à leur accueil dans des structures spécialisées lorsqu’advient la dépendance représente largement un impensé de nos politiques publiques. Malgré la prégnance du sujet que nous voyons tous venir, ces politiques semblent structurellement hésiter à franchir le pas des rapports multiples commandés par les Gouvernements et le Parlement pour passer à l’acte, dans une répétition continuelle des mécanismes de la procrastination devant l’obstacle.

L’annonce par le Président de la République, en avril 2018, de la prise en compte du cinquième risque augure la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale. C’est une innovation attendue depuis plus d’une décennie pour répondre au défi de l’âge. Depuis, les travaux n’ont cessé. Nous avons pu prendre connaissance des résultats de la Concertation Grand Âge et Autonomie menée sous l’égide de Dominique Libault. Une Mission confiée par le Gouvernement à Jérôme Guedj sur la question de l’isolement des personnes âgées et les moyens d’y échapper a permis de dégager 36 propositions et pistes. Enfin, le président de la filière Silver économie, Luc Broussy a remis, en mai 2021, un Rapport interministériel sur l’adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique : Nous Vieillirons ensemble    80 propositions pour un nouveau Pacte entre générations.

Pour notre part, nous avons pu mener à bien un rapport d’information parlementaire sur l’accueil familial, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2020. Instauré par la loi n° 89‑475 du 19 juillet 1989 relative à l’accueil par les particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes, ce dispositif demeure méconnu dans l’archipel d’hébergements offerts aux séniors qui repose sur l’engagement professionnel que l’on pourrait caractériser comme étant à mi‑chemin entre les aidants familiaux et les EPHAD. Cette solution est aujourd’hui confidentielle ‑ il existe 10 000 accueillants familiaux pour 18 000 places là où l’on compte 800 000 personnes âgées dans 7 000 établissements (dont 80 % sont dépendantes et 30 % font l’objet d’une protection juridique) ‑ mais offre cependant une voie très intéressante pour permettre, comme le préconise le rapport Libault, de « transformer l’offre d’accompagnement et de soin et un véritable changement de modèle dans une logique de “chez soi” privilégiant le domicile ». Rester au domicile, fusse chez un accueillant familial, c’est symboliquement, pour les accueillis, rester inclus dans la société. C’est d’ailleurs à ce titre que le rapport Libault en fait une solution pour sortir du dualisme et du cloisonnement entre EPHAD et domicile.

Les fondements de l’accueil familial remontent à la loi n° 89‑475 du 10 juillet 1989 relative à l’accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou en situation de handicap adultes. En dépit de plusieurs avancées et réformes législatives, notamment en 2002, en 2007 et en 2015, l’attractivité de cette forme d’accueil reste encore marginale au niveau national et fortement méconnue.

Pourtant, l’accueil familial constitue une alternative particulièrement intéressante, à mi‑chemin entre un choix souvent considéré comme binaire : le maintien à domicile ou le placement en établissement. Cette forme d’accueil, humaine, sur‑mesure et de proximité, est susceptible de répondre à un véritable besoin compte tenu du vieillissement croissant de la population.

Il propose une autre perspective alliant service personnalisé, vie sociale riche et active tout en conservant un cadre de vie habituel. Les accueillants familiaux accompagnent sans relâche et de façon permanente ou temporaire, des personnes âgées et/ou des personnes en situation de handicap.

Malheureusement, les entraves au développement de l’accueil familial sont multiples et substantielles. La précarité du statut des accueillants familiaux en gré à gré est l’une des principales limites soulevées par les premiers concernés. En effet, dans le cadre actuel, ils organisent essentiellement l’accueil de personnes âgées et/ou handicapées par le biais d’un contrat à titre onéreux, de gré à gré, après avoir obtenu un agrément du Conseil départemental. L’agrément autorise l’accueil de 3 à 4 personnes au domicile de l’accueillant. Toutefois, le contrat type de gré à gré actuellement en vigueur situé à l’annexe 3‑8‑1 du Code de l’action sociale et des familles montre ses limites. Il nécessite une actualisation en profondeur, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés afin de garantir l’absence de tout lien de subordination et pour clarifier les droits et obligations entre les parties.

Des seuils minimaux de contreparties financières ont été également fixés par voie réglementaire. De l’avis d’une majorité d’accueillants familiaux, ces seuils devraient être revalorisés. Par exemple, un plancher de 3 fois la valeur horaire du salaire minimum de croissance pour la rémunération journalière pour services rendus (RJSR). Cette mesure améliorerait de facto leur retraite. En outre, il serait également opportun de revaloriser l’indemnité représentative des frais d’entretien de 4 à 7 fois le minimum garanti défini par le Code du travail.

D’une manière générale, les difficultés financières se présentent plus particulièrement lorsqu’un accueilli décide de revenir dans sa famille, de partir en établissement ou en cas de décès. Cette perte momentanée ou soudaine de revenu peut être prolongée lorsqu’un accueillant familial ne parvient pas à retrouver une personne à accueillir. Cette insécurité fragilise davantage ce dispositif déjà précarisé.

L’Article 1er vise l’ouverture des droits à l’assurance‑chômage des accueillants familiaux en gré à gré. Celle‑ci constitue une attente forte et prioritaire depuis de nombreuses années. Les conclusions des propositions du rapport Libault allaient également en ce sens. Au‑delà d’être une reconnaissance de l’implication professionnelle des accueillants, cette mesure constitue une réponse aux situations engendrées par l’absence de personnes accueillies au domicile. L’objectif est ainsi d’assurer un véritable filet de sécurité économique aux accueillants familiaux en gré à gré.

À l’heure actuelle, une très faible proportion d’entre eux (environ 2 %) sont salariés par des personnes morales de droit public ou de droit privé et peuvent bénéficier à ce titre de l’assurance‑chômage. Depuis 2007, ce dispositif alternatif au contrat gré à gré reste néanmoins très difficilement applicable pour les accueils en continu, notamment en raison du cadre fixé par le droit du travail (temps maximum journalier de travail, prise de congés, délai de repos obligatoire…). C’est pourquoi une généralisation du salariat n’est ni attendue par les accueillants familiaux ni souhaitable pour développer cette forme d’accueil. Dans l’immédiat, supprimer le gré à gré aurait pour effet de faire disparaitre et à enterrer la profession d’accueillant familial. Ce n’est donc pas l’option envisagée par le présent texte.

Par ailleurs, le modèle économique des accueillants familiaux en gré à gré peut être amélioré. À ce jour, l’accompagnement des accueillants est disparate d’un département à l’autre. Certains sont particulièrement actifs et engagés pour épauler ces professionnels, d’autres, en revanche, peinent à impulser une dynamique de développement du dispositif. Cela peut s’expliquer par l’absence dans la loi d’une véritable prérogative d’accompagnement dévolue au conseil départemental.

L’ouverture de l’assurance chômage aux accueillants familiaux de gré à gré nécessite de nouvelles recettes. Il est donc proposé de préciser que les personnes accueillies versent, en leur qualité d’employeurs, une contribution spécifique conformément au 1° de l’article L. 5422‑9 du code du travail. Si cette contribution constitue une dépense supplémentaire pour ces personnes, elle apparaît acceptable au regard de l’impérieuse nécessité de revaloriser le statut des accueillants familiaux, du coût global relativement faible de l’accueil familial aujourd’hui comparé à un accompagnement en établissement par exemple et des moyens financiers des personnes accueillies et de leurs familles.

L’article 2 détaille les missions que les départements devront remplir pour assurer le développement de l’accueil familial. L’information sur le dispositif est essentielle, pour les accueillants comme les résidents, comme la mise en relation des parties et le soutien…

En outre, Un nouvel article L. 442‑4 prévoit la possibilité pour le département de confier à des personnes morales de droit public ou de droit privé, par le biais d’une convention, les missions précitées qui seraient énumérées au nouvel article L. 442‑3, y compris la participation à l’instruction des demandes d’agrément et la mise en relation des personnes à la recherche d’un accueil avec les accueillants familiaux. Ces facultés ne semblent pas poser de problèmes dès lors qu’elles sont encadrées par une convention. Pourraient également être confiés à un tiers le suivi social et médico‑social des personnes accueillies ainsi que le suivi et l’accompagnement de l’accueillant familial et de la personne accueillie prévus au sixième alinéa de l’article L. 441‑1.

Afin de lever toute ambiguïté, il est proposé d’indiquer explicitement que seul le département pourra délivrer l’agrément et exercer directement le contrôle des accueillants familiaux et de leurs remplaçants.

L’article 3 vise à assurer que toute personne majeure vivant au domicile de l’accueillant ainsi que les remplaçants intervenant à ce même domicile n’aient pas été préalablement condamnés pour un certain nombre d’infractions. Pour cela, l’article prévoit la transmission d’un extrait du bulletin n° 2 de leur casier judiciaire et conditionne la délivrance de l’agrément par le conseil départemental à cette vérification.

Enfin, l’article 4 prévoit une compensation des éventuelles charges pouvant résulter de l’application des mesures du texte. Il est donc proposé de gager les dépenses supplémentaires pour les départements par la majoration de leur dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la majoration des droits sur les tabacs.

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre IV du livre IV du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° La première phrase du neuvième alinéa de l’article L. 442‑1 est complétée par les mots : « et sont assujetties aux contributions mentionnées au 1° de l’article L. 5422‑9 du code du travail ».

2° Après le chapitre II, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« Chapitre II bis

« Assurance chômage

« Art. L. 4422. – Les accueillants familiaux mentionnés à l’article L. 441‑1 qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 444‑1 et suivants sont assimilés à des salariés pour l’application des articles L. 5422‑1 à L. 5422‑24 du code du travail.

« Les mesures d’application du présent article sont définies dans les conditions prévues à l’article L. 5422‑20 du même code. »

Article 2

Après le chapitre II du titre IV du livre IV du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre II ter ainsi rédigé :

« Chapitre II ter

« Développement de l’accueil familial et accompagnement des accueils

« Art. L. 4423. – Le département favorise le développement de l’accueil familial et assure l’accompagnement des accueils. À ce titre, il est chargé :

« 1° d’assurer une information générale sur le dispositif ;

« 2° de recenser les demandes et les offres d’accueil, le cas échéant en lien avec d’autres départements ;

« 3° de communiquer aux personnes à la recherche d’un accueil les informations suivantes :

« a) Les modalités d’organisation du dispositif ;

« b) Les droits et les devoirs de chaque partie ;

« c) Les dépenses liées à l’accueil ;

« d) Les aides sociales mobilisables ;

« e) Les démarches administratives à accomplir ;

« 4° de mettre en relation les personnes à la recherche d’un accueil avec les accueillants familiaux, en tenant compte des spécificités de leur agrément et de leur projet d’accueil ;

« 5° d’accompagner la mise en place de l’accueil, notamment en assistant l’accueillant familial et la personne accueillie dans l’élaboration du contrat d’accueil et du projet d’accueil personnalisé ;

« 6° de soutenir l’accueillant familial dans l’exercice de son activité ;

« 7° d’informer la personne accueillie sur les solutions alternatives existantes en cas d’absence temporaire de l’accueillant familial ou d’évolution de ses besoins ;

« 8° d’assurer une médiation entre les parties en cas de litige.

« Art. L. 4424. – Le département peut confier à des personnes morales de droit public ou de droit privé conventionnées auprès de lui tout ou partie des missions suivantes :

« 1° La participation à l’instruction des demandes liées à l’agrément des accueillants familiaux ;

« 2° Le suivi social et médico‑social des personnes accueillies mentionné à l’article L. 441‑2 ;

« 3° Le suivi et l’accompagnement de l’accueillant familial et de la personne accueillie prévus au sixième alinéa de l’article L. 441‑1 ;

« 4° Les missions mentionnées à l’article L. 442‑3.

« Seul le département peut délivrer l’agrément prévu à l’article L. 441‑1 et exercer directement le contrôle des accueillants familiaux et de leurs remplaçants mentionné à l’article L. 441‑2. »

Article 3

Après la première occurrence du mot : «accueillies, », la fin de la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 441‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigée : « si le demandeur s’est engagé à suivre une formation initiale et continue et une initiation aux gestes de secourisme organisées par le président du conseil départemental, si le demandeur, ses remplaçants et les personnes majeures vivant à son domicile n’ont pas fait l’objet d’une condamnation visée à l’article L. 133‑6 et si un suivi social et médico‑social des personnes accueillies peut être assuré. »

Article 4

I. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.