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N° 4357

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à informer les consommateurs sur les risques de nocivité des produits ménagers et cosmétiques,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard PERRUT, Bernard BOULEY, Thibault BAZIN, JeanLuc BOURGEAUX, Fabrice BRUN, Josiane CORNELOUP, Julien DIVE, JeanCarles GRELIER, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Éric PAUGET, Julien RAVIER, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, JeanMarie SERMIER, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Michel VIALAY, Stéphane VIRY, Vincent ROLLAND,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les années récentes ont été marquées par une brusque montée au sein de la population de la conscience des enjeux sanitaires et environnementaux, qui impactent nos habitudes de consommation et nos modes de vie. La crise sanitaire a renforcé le désir d’exprimer à travers des actes d’achat son attachement à une certaine qualité de vie et à certaines valeurs. Autrement dit, l’acte de consommer semble de plus en plus conscient, se parant parfois d’une dimension politique à mesure que se diffuse ce qu’il est désormais convenu d’appeler la consommation responsable.

Portée par les consommateurs, induite par une révolution des usages et des exigences en termes de qualité nutritionnelle, c’est d’abord une prise de conscience des acteurs de l’alimentation industrielle qui a été constatée. Les avancées sont notables, avec aujourd’hui la mise en place volontaire du Nutri‑Score, assurant la transparence de l’information, qui a reçu un accueil positif tant de la part des industriels de l’agro‑alimentaire, des distributeurs que de celle des pouvoirs publics.

Pour rappel, le Nutri‑Score est une échelle graphique et visuelle de l’étiquetage nutritionnel, conçue par Santé publique France, l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (Anses) et le Haut Conseil de la Santé Publique. Elle est recommandée par le Ministère de la Santé, saluée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les organisations de consommateurs, les professionnels de santé et plébiscitée par les citoyens qui s’y sont montrés favorables à 91 %. Le Nutri‑Score est un instrument conçu depuis 2016 dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS). Logo formé de cinq couleurs et cinq lettres, apposé sur les emballages, il informe les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits, du plus favorable sur le plan nutritionnel (classé A) au moins favorable (classé E). Ainsi, les produits riches en nutriments à favoriser (fibres, protéines, fruits et les légumes) obtiendront un score plus proche du vert et du A, et ceux riches en nutriments à limiter (sel, sucre, gras), un score plus proche du rouge et du E.

Cette information transparente et directe du grand public permet de répondre à un double objectif : mieux informer et sensibiliser le consommateur dans ses choix, et inciter les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits. En effet, de nombreuses marques de la grande distribution et de l’agro‑alimentaire ont décidé d’adopter le Nutri‑Score : Leclerc, Casino, Auchan, Intermarché, Danone, Fleury‑Michon, Bonduelle, Nestlé, Carrefour ou encore Mars… et se sont engagées à fournir à l’Observatoire de l’alimentation (OQALI) les données relatives à la formulation des produits pour permettre aux pouvoirs publics d’assurer le suivi de son utilisation. Certaines de ces marques ont d’ailleurs déjà modifié leurs recettes.

Cette disposition est une mesure de santé publique, pour mieux guider le consommateur, et mieux prévenir le développement de maladies comme le diabète et l’obésité, tout en le responsabilisant dans ses choix. Des études menées par les autorités sanitaires ont démontré que le Nutri‑Score orientait le choix des consommateurs vers des produits plus sains, en particulier chez les plus jeunes.

Tirant toutes les conclusions de la mise en place de cet outil et de ses bénéfices sur les comportements des consommateurs, cette proposition de loi invite le législateur à s’inspirer de ce dispositif afin de l’appliquer aux produits ménagers et cosmétiques.

Si 15 000 accidents ménagers surviennent par an en France, une étude, menée par le magazine 60 Millions de consommateurs sur plus de 100 produits ménagers, a prouvé que la majorité d’entre eux contenait des substances toxiques, irritantes et allergisantes au point de favoriser des maladies de la peau mais aussi la survenue de maladies respiratoires en polluant notre air intérieur. Certains produits renferment des perturbateurs endocriniens ou des ingrédients cancérogènes. En plus de polluer l’air intérieur, les produits ménagers polluent l’environnement, par leur rejet dans les eaux usées. Ainsi, les produits que nous utilisons pour nettoyer nos sols, nos cuisines ou nos toilettes contiennent de nombreuses substances nocives pour la santé et l’environnement, sans qu’une information claire ne figure sur leurs emballages.

Il en va de même pour les produits d’hygiène et de cosmétique, dont l’application quotidienne sur la peau exige lisibilité et transparence quant à leur composition, en fonction de la présence d’une ou plusieurs substances indésirables, perturbateurs endocriniens, allergènes. En 2017, UFC‑Que Choisir identifiait douze composés « préoccupants » (perturbateurs endocriniens, allergisants, irritants, etc.), contre onze précédemment, et a repéré vingt‑trois produits incorporant dans leurs formules des substances « rigoureusement interdites » et pourtant vendues sur le marché.

Sont notamment en cause les nombreuses lacunes de l’étiquetage de ces produits, illisibles et inintelligibles pour les consommateurs qui sont confrontés à des termes complexes, techniques ou chimiques, dont la compréhension et l’interprétation n’est pas évidente, quand les ingrédients ne sont carrément pas absents de la composition. Il faudrait aujourd’hui être expert pour savoir que telle ou telle substance peut être problématique. Et s’il y a des pictogrammes ou des avertissements, ceux‑ci ne sont pas forcément compréhensibles au premier coup d’œil ou bien peuvent être noyés dans un flot d’informations.

C’est pourquoi se sont notamment développés ces dernières années des labels à l’instar de l’Ecolabel, Nature & Progrès, Cosmebio, Ecocert, etc. Ceux‑ci ont pour vocation de guider le consommateur et de faciliter l’achat de produits plus respectueux de l’environnement et de la santé. Bien que vertueuse, la multiplication de ces labels, aux garanties et critères d’évaluation parfois mal connus ou trop proches, peut parfois, paradoxalement, nuire à la compréhension du consommateur. En outre, le processus de labellisation peut s’avérer onéreux et donc inaccessible à certaines entreprises.

Plus récemment encore, la généralisation de l’utilisation d’applications d’évaluation et d’analyse des compositions de produits – dont Yuka est la plus connue, témoigne d’une demande de consommation plus éclairée et traduit la volonté des consommateurs de choisir un produit en toute conscience et connaissance de cause. Une fois encore toutefois, l’utilisation d’un tel outil se heurte à des limites comme la non‑exhaustivité des références ou la stigmatisation de certains produits par une notation parfois arbitraire voire complètement différente d’une application à l’autre suivant les méthodes de calcul.

Pour l’ensemble de ces raisons, et afin de contrer l’illisibilité de l’étiquetage des produits que nous utilisons tous les jours chez nous ou que nous appliquons quotidiennement sur notre peau, il est aujourd’hui indispensable de proposer un système d’étiquetage unique, clair et immédiat, facilitant l’information du consommateur.

Dans un souci de cohérence, l’Institut National de la Consommation (INC) a demandé la mise en place d’un Ménag‑Score sur le modèle du Nutri‑Score. Ce système – déjà connu des consommateurs, propose une gradation allant de A à E : la lettre A indique que le produit ne contient pas ou très peu de substances nuisibles pour la santé et l’environnement. À l’inverse, la lettre E révèle une grande quantité de toxiques. Un Cosméto‑Score pourrait également être applicable aux produits cosmétique et d’hygiène.

Un tel étiquetage, proposé aux industriels sur la base du volontariat, pourrait ainsi permettre aux consommateurs d’acheter des produits ménagers et cosmétiques en toute connaissance de cause sans risque pour leur santé, celle de leurs enfants et de l’environnement.

Tel est l’objet de cette proposition de loi. 

 


proposition de loi

Article unique

Après l’article L. 115‑27‑1 du code de consommation, il est inséré un article L. 115‑27‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 115271. – Afin de faciliter le choix du consommateur au regard des risques de nocivité des produits ménagers et cosmétiques pour l’environnement et la santé, sans préjudice du règlement n° 1907‑2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) et du règlement n° 1272‑2008 du Parlement européen relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances chimiques et des mélanges (CLP), peut être apposée sur l’emballage une présentation ou une expression complémentaire au moyen de graphiques ou de symboles.

« Les modalités d’application du présent article font l’objet d’une évaluation et sont définies, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et du Conseil de la consommation, par décret en Conseil d’État. »