1

Description : LOGO

N° 4359

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à promouvoir l’égalité des chances en luttant contre les discriminations,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Fadila KHATTABI, Caroline ABADIE, Damien ADAM, Patrice ANATO, Christophe AREND, Stéphanie ATGER, Laetitia AVIA, Didier BAICHÈRE, Françoise BALLETBLU, Frédéric BARBIER, Barbara BESSOT BALLOT, Julien BOROWCZYK, Pascale BOYER, Yaël BRAUNPIVET, Danielle BRULEBOIS, Stéphane BUCHOU, Carole BUREAUBONNARD, Céline CALVEZ, Danièle CAZARIAN, Philippe CHALUMEAU, Sylvie CHARRIÈRE, Paul CHRISTOPHE, Jean Charles COLAS ROY, Fabienne COLBOC, Olivier DAMAISIN, Yves DANIEL, Marc DELATTE, Cécile DELPIROU, Loïc DOMBREVAL, Jacqueline DUBOIS, Audrey DUFEU, Agnès FIRMIN LE BODO, JeanLuc FUGIT, Raphaël GAUVAIN, Raphaël GÉRARD, Séverine GIPSON, Guillaume GOUFFIERCHA, Carole GRANDJEAN, Florence GRANJUS, Brahim HAMMOUCHE, Christine HENNION, Danièle HÉRIN, Sacha HOULIÉ, Monique IBORRA, Cyrille ISAACSIBILLE, Caroline JANVIER, Catherine KAMOWSKI, Yannick KERLOGOT, Anissa KHEDHER, Rodrigue KOKOUENDO, Sonia KRIMI, AmalAmélia LAKRAFI, Nicole LE PEIH, Christophe LEJEUNE, Marion LENNE, Monique LIMON, Mounir MAHJOUBI, Laurence MAILLARTMÉHAIGNERIE, Jacques MARILOSSIAN, Didier MARTIN, Graziella MELCHIOR, Thierry MICHELS, Patricia MIRALLÈS, JeanMichel MIS, Xavier PALUSZKIEWICZ, Hervé PELLOIS, Bénédicte PÉTELLE, Valérie PETIT, Michèle PEYRON, MariePierre RIXAIN, Claire PITOLLAT, Éric POULLIAT, Natalia POUZYREFF, Florence PROVENDIER, Bruno QUESTEL, PierreAlain RAPHAN, Rémy REBEYROTTE, Cécile RILHAC, Véronique RIOTTON, Stéphanie RIST, Mireille ROBERT, Laurianne ROSSI, Laetitia SAINTPAUL, Marie SILIN, Denis SOMMER, Bertrand SORRE, Sira SYLLA, Marie TAMARELLEVERHAEGUE, Sylvain TEMPLIER, Stéphane TESTÉ, Valérie THOMAS, Huguette TIEGNA, Jean Louis TOURAINE Élisabeth TOUTUTPICARD, Stéphane TRAVERT, Nicole TRISSE, Laurence VANCEUNEBROCK, Corinne VIGNON, Hélène ZANNIER, Souad ZITOUNI,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2017, la majorité œuvre en faveur des Français les plus modestes, pour lutter contre les inégalités de destin et permettre l’émancipation de chacun. L’égalité des chances est une des priorités du Président de la République depuis le début du quinquennat, avec notamment un renforcement de notre système éducatif dans les territoires fragiles de la République (dédoublement des classes, cités éducatives…).

Pour autant, encore aujourd’hui, et malgré les importants dispositifs mis en œuvre, de nombreuses inégalités persistent, renforcées par la crise sanitaire sans précédent que traverse notre pays.

La confiance de nos concitoyens dans notre système social et républicain est fondamentale, tout comme la confiance dans l’école de la République. Or cette confiance est souvent mise à mal dans notre société du fait des discriminations subies par bon nombre de nos concitoyens. L’égalité des chances, c’est l’égalité des choix ; une égalité qui ne saurait être bridée en raison de ces discriminations.

A l’heure où la représentation nationale débat de l’effectivité de nos principes républicains, il est indispensable d’œuvrer pour une égalité des chances réelle et de renforcer nos moyens afin de lutter contre les discriminations sous toutes ses formes. Ces discriminations sont une atteinte insupportable à la dignité humaine et nécessitent d’être résolument combattues.

Il en va de notre cohésion nationale.

Nous ne pouvons que souscrire au constat établi par le Défenseur des droits en 2020 : il y a « urgence d’agir », en particulier contre les discriminations liées aux origines, des discriminations qui fracturent notre société et mettent à mal notre cohésion sociale. En France métropolitaine, l’origine réelle ou supposée constitue, en effet, le deuxième critère de discrimination après le sexe : 11 % des individus déclarent avoir vécu une ou des discriminations en raison de leur origine ou de leur couleur de peau au cours des cinq dernières années.

Au‑delà de l’entorse au principe républicain qu’elles représentent, le coût des inégalités d’accès à l’emploi et aux postes qualifiés s’élèverait à 150 milliards d’euros, selon un rapport de France Stratégie publié en 2016. Par ailleurs, le rapport estime qu’un parcours plus égalitaire dès l’école pourrait engendrer un gain estimé jusqu’à 14,1 % du PIB.

Aussi, les discriminations appellent à une action plurielle tant les enjeux sont vastes. C’est pourquoi cette proposition de loi, composée de trois chapitres, comprend :

– Des dispositifs relatifs à la lutte contre les discriminations dans le milieu du travail et dans l’accès à l’emploi ;

– Des mesures relatives à la bonne orientation des jeunes dans leur parcours personnel comme professionnel ;

– La création d’un observatoire relatif aux discriminations afin de pouvoir bénéficier de données chiffrées permettant de rendre l’action publique plus efficiente.

Le chapitre IER de cette proposition de loi traite des discriminations dans l’emploi :

Les discriminations sont une réalité dans notre pays. Il existe aujourd’hui 25 critères de discrimination prohibés par la loi qui se manifestent dans tous les interstices de notre société. Parmi ces secteurs, le secteur de l’emploi est l’un des premiers concernés : la plateforme de lutte contre les discriminations « AntiDiscriminations.fr » lancée par le Défenseur des droits le 12 février 2021 relève que le principal domaine de discrimination observé à ce jour est l’emploi privé (43 %). Concernant le critère de discrimination, le Défenseur observe que l’origine reste le principal critère (20 %), devant le handicap (10 %) et l’état de santé (5 %).

Malgré l’ampleur des actions menées sur le sujet ces dernières années, la proportion de salarié(es) ayant déjà été victimes d’une discrimination lors de la recherche d’un emploi a presque doublé en vingt ans, passant de 12 % en 2001 à 21 % en 2021.

Le rapport de la mission d’information parlementaire « Faire de la lutte contre le racisme et les discriminations une priorité collective, par une politique d’ensemble universaliste et déterminée » de 2021 formule également des recommandations visant au renforcement massif des dispositifs en faveur de la lutte contre les discriminations en entreprise.

Face à ces constats, l’article premier de cette proposition de loi vise à rendre le « Label diversité » plus contraignant dans les entreprises d’au moins 250 salariés, ainsi que dans la fonction publique, afin de promouvoir l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations. Cet outil a pour but de sensibiliser les entreprises à l’importance de mettre en place des politiques d’emploi inclusives pour renforcer la diversité au sein des organisations. Le dispositif s’inspire de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes introduit par la loi du 5 septembre 2018 Pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Une sanction sera encourue par les entreprises ne respectant pas le dispositif.

L’article 2 de cette proposition de loi vise à étendre les obligations de formation à la non‑discrimination aux entreprises de plus de cinquante salariés, ainsi qu’aux cadres participant non seulement au processus de recrutement mais également au suivi des carrières.

L’article 3 étend l’intérêt à agir dans le cadre de l’action de groupe. Le mécanisme de l’action collective (ou action de groupe) en matière de lutte contre les discriminations existe dans le droit positif depuis son introduction par la loi de modernisation de la justice du 16 novembre 2016. Ce mécanisme est très utile mais peu usité du fait de sa limitation aux seuls syndicats, les associations ne pouvant s’en prévaloir que dans des cas limités. En conséquent, l’article propose d’ouvrir la possibilité aux associations ad hoc de s’en saisir. Cette proposition émane des recommandations du Défenseur des droits dans le cadre de la Consultation citoyenne sur les discriminations lancée par le Gouvernement.

L’article 4 prévoit la désignation obligatoire d’un référent contre les discriminations au sein du comité social et économique. Cette proposition émane des travaux de la mission d’information parlementaire « Faire de la lutte contre le racisme et les discriminations une priorité collective, par une politique d’ensemble universaliste et déterminée » de 2021. En effet, depuis 2019, la désignation d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au sein du comité social et économique est obligatoire. Cette mesure mérite d’être transposée en matière de lutte contre les discriminations.

L’article 5 pérennise pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville les aides exceptionnelles prévues dans le cadre du Plan « un jeune, une solution » qui visent à soutenir le développement de l’apprentissage. En effet, dans ces quartiers particulièrement touchés par le chômage de masse, il est impératif de maintenir les moyens mis en œuvre afin d’offrir aux jeunes une vraie perspective d’avenir en favorisant leur insertion professionnelle et donc sociale par le biais de l’apprentissage, véritable levier vers l’emploi. Une mesure confortée par des chiffres : trois jeunes sur quatre sont en situation d’emploi moins de six mois après leur sortie de formation.

À cette réalité, s’ajoute également un autre constat : la réussite d’un parcours de formation ou d’un parcours professionnel dépend aussi d’un accompagnement et d’une orientation de qualité. Dans cet objectif, le chapitre II de la proposition de loi prévoit des mesures en faveur d’un meilleur accompagnement des jeunes afin qu’ils puissent bénéficier de toutes les informations nécessaires à l’élaboration de leur projet professionnel. Pour ce faire, l’école de la République a un rôle déterminant pour permettre à ces jeunes de devenir des citoyens éclairés et autonomes, autrement dit, maîtres de leur destin.

La confiance de nos jeunes dans notre système républicain est en effet fondamentale, et en particulier dans l’école républicaine. Ce n’est pas qu’une question de connaissance, c’est une question de justice : la mission de notre République est de remettre tous les individus sur la même ligne de départ, à chaque étape importante de leur vie.

L’article 6 propose de rendre obligatoire l’initiation au droit pour les élèves des collèges et lycées dans le cadre de l’enseignement moral et civique (EMC). Une mesure visant à former les citoyens de demain, afin qu’ils soient en capacité d’avoir des réflexes juridiques et civiques leur permettant de se défendre face à des situations discriminantes. En effet, sensibiliser les collégiens et les lycéens à la matière juridique est un enjeu majeur ; l’école républicaine étant le ciment de notre pacte social, l’école doit leur permettre de prendre conscience que l’État de droit est la clé de voûte de la démocratie.

L’article 7 propose de mettre en place à l’école, mais aussi dans les collèges et lycées, une journée annuelle de sensibilisation, relative à l’orientation des jeunes ; une mesure visant à leur permettre de bénéficier des informations nécessaires et de favoriser ainsi la construction de leur projet personnel comme professionnel. L’orientation est en effet un droit mais aussi un enjeu majeur pour chaque personne, tout au long de la vie, garantissant une meilleure égalité des chances.

L’article 8 complète le contenu de l’enseignement dispensé lors de la journée « défense et citoyenneté » (ancienne JAPD) afin de sensibiliser les futurs citoyens à l’importance de l’égalité des chances et à la lutte contre les discriminations.

Enfin, le chapitre III prévoit un article unique et général relatif à la création d’un observatoire des discriminations :

En effet, l’article 9 crée un Observatoire des discriminations qui contribue au recueil et à l’analyse des données et des études concernant les discriminations. Il est en effet fondamental de mesurer les inégalités et les discriminations afin de mieux les évaluer et adapter ainsi les politiques publiques menées.

 


proposition de loi

Chapitre IER

Article 1er

I. – Après le chapitre III du titre III du livre premier de la première partie du code du travail, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« Chapitre III bis 

« Mesures visant à promouvoir la diversité et à prévenir les discriminations

« Art. L. 11337. – Dans les entreprises d’au moins deux cent cinquante salariés, l’employeur publie chaque année des données relatives à la promotion de la diversité et à la prévention des discriminations dans le cadre de la gestion des ressources humaines, selon des modalités et une méthodologie définie par décret.

« Les résultats obtenus par l’entreprise peuvent donner lieu à l’attribution d’un « label diversité » dans des conditions définies par décret. »

« Art. L. 11338. – Dans les entreprises d’au moins deux cent cinquante salariés, lorsque les résultats obtenus par l’entreprise se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité. À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du niveau défini par décret, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière.

« Le montant de la pénalité prévue est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741‑10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret.

« Le produit de cette pénalité est versé au budget de l’État. »

II. – L’article 6 bis de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les efforts consentis en matière de promotion de la diversité et de prévention des discriminations concernant le recrutement et la gestion des carrières peuvent donner lieu à l’attribution d’un « label diversité » dans des conditions définies par décret. »

Article 2

L’article L. 1131‑2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Les mots : « trois cents » sont remplacés par le mot : « cinquante » ;

2° Après le mot : « employés », sont insérés les mots : « et les cadres » ;

3° Après la seconde occurrence du mot : « recrutement », sont insérés les mots : « et de déroulement de carrière » ;

4° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application et de contrôle du présent article. »

Article 3

L’article L. 1134‑7 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux » ;

2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une association ad hoc composée d’au moins cinquante personnes physiques ou d’au moins dix entreprises constituées sous la forme de personnes morales et déclarée depuis au moins deux ans peut agir aux mêmes fins. »

Article 4

L’article L. 2314‑1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un référent en matière de lutte contre les discriminations est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies au précédent alinéa. »

Article 5

Après la section 1 du chapitre III du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail, il est inséré une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Aide à l’emploi d’apprentis issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville

« Art. L. 624313. – Les entreprises d’au moins deux cent cinquante salariés justifiant d’un pourcentage minimal de salariés en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 5 de la loi n° 2014‑173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine bénéficient d’une aide dont le montant est déterminé par décret. »

Chapitre II

Article 6

Le cinquième alinéa de l’article L. 312‑15 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet enseignement comporte une initiation obligatoire au droit pour les élèves de collège et de lycée. Des personnes justifiant d’une compétence professionnelle dans les domaines du droit apportent, sous la responsabilité des personnels enseignants, leur concours à cet enseignement dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 7

Après le premier alinéa de l’article L. 313‑1 du code de l’éducation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À ce titre, au moins une séance annuelle d’information et de sensibilisation sur les différentes structures d’orientation scolaire et professionnelle est dispensée dans les écoles, les collèges et les lycées.

« Ces séances, organisées à l’initiative des chefs d’établissement, associent les familles et les conseillers d’orientation psychologues. »

Article 8

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 114‑3 du code du service national est complété par les mots : « ainsi qu’à l’égalité des chances et à la lutte contre les discriminations ».

Chapitre III

Article 9

Il est institué, auprès du Premier ministre, un Observatoire des discriminations.

L’observatoire participe au recueil et à l’analyse des données et des études concernant les discriminations.

Il contribue à la mise en cohérence des données et informations, à l’amélioration de la connaissance des phénomènes de discrimination et assure le suivi des mesures mises en œuvre pour y remédier afin de promouvoir les politiques d’égalité.

Il présente au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel rendu public.

Un décret en Conseil d’État précise la composition, les missions et les modalités de fonctionnement de l’Observatoire.

Article 10

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.