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N° 4394

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021.

PROPOSITION DE LOI

confiant à La Poste la mission de distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Guillaume LARRIVÉ,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021, la propagande électorale a été distribuée dans des conditions aléatoires : des millions de Français n’ont pas reçu tout ou partie des documents qui auraient dû leur être nominativement adressés à leur domicile.

Cette situation constitue un grave préjudice pour notre démocratie.

C’est aussi, hélas, le signe d’un abaissement de l’État.

Lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le mardi 29 juin 2021, le ministre de l’intérieur a estimé que trois difficultés pouvaient expliquer la distribution chaotique de la propagande électorale :

 « premièrement, depuis l’année dernière, un nouvel appel d’offres prévoit une répartition de la distribution en deux lots, pour moitié par La Poste et pour moitié par Adrexo. Ces sociétés sont les deux seules que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), autorité administrative indépendante, a validées comme pouvant concourir à ces marchés » ;

 « deuxièmement, l’État a accepté la délégation de la mission de service public qu’est la distribution de la propagande. La France est à peu près le seul pays à organiser l’information électorale de cette manière. Depuis le début du siècle dernier, l’État prend à sa charge l’envoi de la propagande et des bulletins de vote ainsi que les frais des candidats qui obtiennent un certain pourcentage des voix. Une directive européenne de 1997, complétée en 2002, a prévu la libéralisation du secteur postal et le changement de statut de La Poste. Sa transposition en droit interne a donné lieu à la loi de 2005, qui rend obligatoire la concurrence. Jusqu’en 2010, La Poste disposait de l’ensemble des lots, qu’elle partage depuis l’arrivée d’Adrexo. » ;

 « troisièmement, l’organisation de ces élections, extraordinaires à maints égards, n’a pas été sans difficulté. Quand la plupart des démocraties européennes, voire mondiales, ont reporté leurs élections locales, nous les avons maintenues, en différant leur tenue par trois fois. Cela n’a pas facilité l’organisation en amont s’agissant du dépôt des candidatures et du traitement de la propagande, de l’impression à la distribution en passant par la mise sous pli. Celleci a également été déléguée en partie, notamment à la société Koba, dont nous avons aussi constaté de graves dysfonctionnements – nous y reviendrons. La crise du covid a donné à tout ce travail un caractère assez original. Surtout, c’est la première fois, depuis 1986, que nous avons organisé deux élections en même temps dans l’ensemble du territoire national. »

S’agissant de cette troisième difficulté, qui concerne l’amont de la distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote, il est souhaitable que les préfectures reprennent la main sur les opérations de mise sous pli de la propagande : ces activités peuvent et doivent être effectuées en régie, sous l’autorité des préfets, comme cela a longtemps été le cas, sans qu’il soit besoin de s’en remettre à des prestations de service aussi coûteuses qu’inefficaces.

Pour ce qui est des deux premières difficultés évoquées par le ministre de l’intérieur, relatives à la distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote, le moment est venu de rompre avec la logique de mise en concurrence qui paraît, à l’expérience, totalement inadaptée en la matière.

La présente proposition de loi, par conséquent, confie à La Poste la totalité de la mission de la distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote. À cette fin, elle amende la loi du 2 juillet 1990, modifiée notamment en 2010, qui définit La Poste et ses filiales comme « un groupe public qui remplit des missions de service public et d’intérêt général et exerce d’autres activités ». Quatre « missions de service public et d’intérêt général » lui sont actuellement attribuées par la loi : « le service universel postal », « la contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire », « le transport et la distribution de la presse » ainsi que « l’accessibilité bancaire ». Il est proposé d’ajouter une cinquième mission, que La Poste aurait la responsabilité d’exercer :  « la distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote prévus par le code électoral ».

Il est probable qu’une telle disposition législative ne soit pas conforme, à ce stade, à des stipulations de droit européen. Il n’est pas impossible que les services de la Commission européenne, si cette proposition de loi était adoptée, envisagent l’hypothèse d’un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne. Cette difficulté juridique doit être considérée pour ce qu’elle est : un problème technique qui n’est pas insurmontable et qui ne saurait faire obstacle à la volonté de l’Assemblée nationale de retrouver les conditions d’une organisation fiable des élections, qui sont au cœur de notre démocratie et, par conséquent, de notre souveraineté nationale. L’adoption de cette proposition de loi devrait être accompagnée, au plan politique, d’une initiative tendant à ce que les textes européens contraires soient modifiés ou abrogés dans les meilleurs délais.

Nous n’avons pas à nous laisser dicter par quiconque les conditions pratiques dans lesquelles nous souhaitons organiser les élections.

Tel est l’objet de cette proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Le I de l’article 2 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° La distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote prévus par le code électoral. »

Article 2

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.