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N° 4453

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir la transparence et la simplification du marché de l’assuranceemprunteur immobilier,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Patricia LEMOINE, Olivier BECHT
et des membres du groupe Agir ensemble (1),

députés.

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Olivier Becht, Pierre‑Yves Bournazel, Annie Chapelier, Paul Christophe, M’jid El Guerrab, Christophe Euzet, Agnès Firmin Le Bodo, Thomas Gassilloud, Antoine Herth, Dimitri Houbron, Philippe Huppé, Aina Kuric, Luc Lamirault, Jean‑Charles Larsonneur, Vincent Ledoux, Patricia Lemoine, Alexandra Louis, Lise Magnier, Valérie Petit, Benoit Potterie, Maina Sage.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis de nombreuses années, le sujet de l’assurance‑emprunteur, qui représente plus de 7 milliards d’euros de primes annuelles, est régulièrement mis sur le devant de la scène. Non‑obligatoire juridiquement mais quasi systématique lors de la souscription d’un prêt immobilier, l’assurance‑emprunteur permet de couvrir les risques de décès, d’invalidité et/ou de perte d’emploi du souscripteur, l’assureur prenant alors le relais et remboursant les échéances du prêt, en totalité ou en partie.

Face à une situation figée, où les acteurs bancaires détiennent aujourd’hui près de 88% du marché, différents dispositifs ont été votés ces dernières années pour tenter de le libéraliser davantage et de permettre une plus juste et saine concurrence.

Toutefois, alors que plus d’une décennie s’est écoulée depuis la loi « Lagarde », première grande loi visant à acter le début de la libéralisation du marché de l’assurance‑emprunteur, force est de constater que nous en sommes encore bien loin.

La loi « Lagarde », qui accorde le droit aux emprunteurs de choisir, à la souscription du prêt, une assurance‑emprunteur différente de celle proposée par l’établissement bancaire prêteur, est en réalité difficilement appliquée dans les faits, certaines pratiques commerciales étant utilisées pour convaincre le souscripteur de prendre son assurance auprès du même établissement prêteur.

Destinée à ouvrir davantage le marché de l’assurance‑emprunteur, la loi « Hamon », entrée en vigueur en juillet 2014, n’a pas non plus eu l’effet escompté, tout comme l’amendement « Bourquin », applicable depuis début 2018. Si cette loi et cet amendement ont renforcé les droits des consommateurs, en leur permettant premièrement de résilier leur assurance‑emprunteur à tout moment dès la première année puis également une fois par an pour les années qui suivent, l’applicabilité réelle de ces droits reste bien souvent relative.

En effet, le manque d’information sur ces droits est aujourd’hui beaucoup trop important. De même, de trop nombreuses demandes de substitution d’assurance, que ce soit la première année (dispositif « Hamon ») ou les suivantes (dispositif « Bourquin »), n’obtiennent pas de réponse dans les délais prévus par la loi (dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande). Près d’un quart des demandes ne recevraient pas de réponses ou auraient un retard de plus d’un mois. D’autres pratiques sont également constatées : des réponses lacunaires, des objections erronées sur l’équivalence de garanties, des dissimulations sur la date d’échéance du contrat d’assurance (pour le dispositif « Bourquin »), etc.

Le constat est simple : les améliorations opérées ces dix dernières années n’ont pas permis de répondre efficacement à l’objectif de libéralisation du marché de l’assurance‑emprunteur, détenu aujourd’hui à près de 88 % par les établissements bancaires.

La conséquence l’est tout autant : les consommateurs payent le prix de cette absence de réelle concurrence en ne pouvant bénéficier concrètement d’offres alternatives qui leur permettraient d’effectuer des économies substantielles.

Les études à ce sujet sont claires : une véritable libéralisation du marché via la possibilité de résiliation à tout moment de l’assurance‑emprunteur permettrait de réaliser une économie potentielle moyenne allant de 5 000 à 15 000 euros (selon les modalités du crédit couvert) pour chaque dossier d’emprunt immobilier sur toute la durée du prêt. Dans cette période de crise et d’incertitudes, le renforcement du pouvoir d’achat des Français par ce biais ne peut être que le bienvenu, pour leur permettre de faire face plus sereinement à l’avenir.

Cette proposition de loi permet en conséquence de répondre aux enjeux de simplification, de clarification et de transparence des coûts de l’assurance‑emprunteur en proposant un régime de résiliation à tout moment de celle‑ci, à l’instar de celui de toutes les autres assurances existantes depuis la Loi « Hamon ».

Par les différents et indissociables dispositifs qu’elle propose, les démarches des Français pour choisir ou changer d’assurance‑emprunteur seront facilitées, en permettant aux propriétaires une meilleure comparaison des offres grâce à une réelle transparence des coûts, avec la garantie d’une effectivité de ces nouvelles règles par la création d’un régime de sanctions administratives en cas de violation de ces dernières.

Cette proposition de loi permettrait alors de garantir définitivement la liberté de choix des Français relative à leur assurance‑emprunteur, tout en encadrant strictement le marché de celle‑ci.

L’article 1er tire les conséquences de ce constat et prévoit d’ouvrir la possibilité de résilier sans frais et à tout moment, après la première année de souscription, les contrats d’assurance‑emprunteur pour des crédits immobiliers.

Pour autant, pour que cette ultime étape dans la libéralisation du marché de l’assuranceemprunteur puisse être un véritable succès, la résiliation à tout moment doit s’accompagner d’autres mesures nécessaires, notamment en matière d’information des assurés, de facilitation des démarches et de sanctions administratives pour condamner les manœuvres illégales :

L’article 2 a pour objectif de rendre plus transparentes les décisions de refus de substitution d’assurance.

L’article 3 vise à renforcer fortement les sanctions administratives dans les cas où les prêteurs et assureurs tentent d’induire leurs clients en erreur, de ne pas leur répondre ou de le faire hors délai.

L’article 4 vise à supprimer le besoin d’éditer un avenant au contrat de prêt pour matérialiser le changement d’assurance. L’émission d’un tel avenant n’apporte pas d’information complémentaire à l’emprunteur, complexifie la procédure de substitution en rajoutant un délai de dix jours de réflexion à la suite de sa signature, ce qui dans de nombreux cas peut conduire à des doubles prélèvements d’assurance.

L’article 5 vise d’une part à délier dans les faits l’assurance du crédit en dissociant l’assurance du taux annuel effectif global (TAEG), pour l’exprimer au sein du taux annuel effectif assurance (TAEA). L’information du prix de l’assurance est mieux assurée par le ce dernier, et cette dissociation permet d’effectuer une substitution d’assurance sans nécessiter d’avenant au contrat de prêt pour recalculer le TAEG. De plus, les établissements bancaires intègrent actuellement une partie seulement de l’assurance vendue au sein du TAEG et n’ont pas les mêmes pratiques concernant la partie obligatoire de cette assurance comprise dans ce taux. D’autre part, cet article vise à faire intégrer dans l’offre de prêt de la banque les garanties qu’elle exige en couverture du prêt puisque ce prêt est accordé sous condition suspensive de cette assurance.

L’article 6 précise que la mesure entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi. Ce délai permettra de concerter puis préparer sa mise en œuvre avec les acteurs du secteur.


proposition de loi

Article 1er

I. – Le premier alinéa de l’article L. 113‑12‑2 du code des assurances est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;

2° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;

3° À la troisième phrase, les mots : « ou à l’article L. 113‑2 du présent code » sont supprimés.

II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221‑10 du code de la mutualité est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;

2° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;

3° À la troisième phrase, les mots : « ou au premier alinéa du présent article » sont supprimés.

Article 2

Le premier alinéa de l’article L. 313‑30 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° La deuxième phrase est ainsi rédigée : « Il en est de même lorsque l’emprunteur fait usage du droit de résiliation à tout moment, prévu au premier alinéa de l’article L. 113‑12‑2 du code des assurances ou au troisième alinéa de l’article L. 221‑10 du code de la mutualité, à compter de la signature de l’offre de prêt mentionnée à l’article L. 313‑24. » ;

2° La dernière phrase est ainsi rédigée : « Toute décision de refus doit être explicite et comporter l’intégralité des motifs de refus. » ;

3° Après la dernière phrase, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle précise, le cas échéant, les informations manquantes. ».

Article 3

La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre III du code de la consommation est ainsi modifiée :

1° Au début de la sous‑section 2, est ajouté un paragraphe 1 intitulé : « Sanctions civiles » et comprenant les articles L. 341‑25 et L. 341‑26 ;

2° La même sous‑section 2 est complétée par un paragraphe 2 ainsi rédigé :

« Paragraphe 2

« Sanctions administratives

« Art. L. 341261. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues au dernier alinéa de l’article L. 313‑8 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. » ;

3° L’article L. 341‑39 est abrogé ;

4° La sous‑section 4 est complétée par un paragraphe 3 ainsi rédigé :

« Paragraphe 3

« Sanctions administratives

« Art. L. 341441. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues aux articles L. 313‑30 à L. 313‑32 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. » ;

5° La sous‑section 5 est complétée par un paragraphe 3 ainsi rédigé :

« Paragraphe 3

« Sanctions administratives

« Art. L. 341461. – Le fait pour l’assureur de ne pas respecter l’une des obligations prévues à l’article L. 313‑46 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. ».

Article 4

L’article L. 313‑31 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’acceptation, la notification d’acceptation du prêteur vaut avenant au contrat de prêt, sans que le prêteur n’ait besoin d’émettre de nouvel avenant tel que prévu à l’article L. 313‑39, ni d’établir un nouveau taux annuel effectif global du prêt. » ;

2° Le quatrième alinéa est supprimé ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « cet avenant » sont remplacés par les mots : « cette notification ».

Article 5

L’article L. 313‑25 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° Au 6°, les mots : « , les assurances » sont supprimés ;

2° Après le 6°, sont insérés un 6° bis et un 6° ter ainsi rédigés :

« 6° bis Mentionne le coût de l’assurance exprimé tel que prévu au L. 313‑8 et notamment par l’indication du taux annuel effectif de l’assurance ; »

« 6° ter Mentionne les exigences du prêteur en termes de garanties d’assurance qui conditionnent l’octroi et le maintien du crédit ; » ;

Article 6

Les dispositions du présent article entrent en vigueur six mois après la date de publication de la présente loi et s’appliquent aux contrats en cours à l’entrée en vigueur du présent article.