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N° 4454

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la lutte contre les mutilations sexuelles féminines,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Constance LE GRIP, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BEAUVAIS, Philippe BENASSAYA, Sandra BOËLLE, JeanYves BONY, JeanClaude BOUCHET, JeanLuc BOURGEAUX, Marine BRENIER, Xavier BRETON, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Jacques CATTIN, Éric CIOTTI, PierreHenri DUMONT, Fabien DI FILIPPO, JeanJacques FERRARA, Annie GENEVARD, Patrick HETZEL, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Olivier MARLEIX, Frédérique MEUNIER, Philippe MEYER, Maxime MINOT, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Julien RAVIER, Robin REDA, Frédéric REISS, Bernard REYNÈS, Vincent ROLLAND, Raphaël SCHELLENBERGER, JeanMarie SERMIER, Nathalie SERRE, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Michel VIALAY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2019, on estimait à près de 60 000 le nombre de femmes excisées vivant en France. Cette atteinte grave aux droits fondamentaux des femmes et des petites filles, pourtant interdite en France, est malheureusement toujours pratiquée.

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, signée en 2011 et entrée en vigueur en 2014, a permis de faire avancer la lutte contre les mutilations sexuelles féminines, notamment à travers son article 38 portant sur les infractions pénales en matière de mutilations génitales féminines.

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales ».

L’OMS répertorie ces mutilations sexuelles féminines en quatre catégories :

– type 1 : ablation partielle ou totale du gland clitoridien et/ou du prépuce/capuchon clitoridien ;

– type 2 : ablation partielle ou totale du gland clitoridien et des petites, avec ou sans excision des grandes lèvres ;

– type 3 : l’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres, ou les grandes lèvres, parfois par suture, avec ou sans ablation du prépuce/capuchon et gland clitoridiens ;

– type 4 : toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales, par exemple, piquer, percer, inciser, racler et cautériser les organes génitaux.

Reconnu à l’échelle internationale comme étant une violation des droits humains, et malgré son interdiction en France et dans de nombreux pays, le recours aux mutilations sexuelles perdure. On estime à 200 millions le nombre de filles et de femmes aujourd’hui en vie victimes de cette pratique répandue dans plus de trente pays répartis sur trois continents.

Or, les mutilations sexuelles féminines ont de lourdes et graves conséquences sur la santé physique et psychologique de ces femmes, à court, moyen et long terme.

La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations a présenté, en 2019, le Plan national d’action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines. Ce plan élaboré, notamment avec des associations spécialisées, vise « à renforcer la détection des risques d’excision, à former les professionnels et à sensibiliser la société à cette pratique néfaste ».

En France, les peines encourues par l’auteur de mutilations et le ou les responsables de l’enfant victime de ces mutilations, sont de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende pour des « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » (article 222‑9 du code pénal). Ces peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est commise sur un mineur de quinze ans, et à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction définie à l’article 222‑9 est commise sur « un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur » (article 222‑10 du code pénal).

Une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende est également prévue pour « le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d’user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu’il se soumette à une mutilation sexuelle, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée », ainsi que pour « le fait d’inciter directement autrui, par l’un des moyens énoncés au premier alinéa, à commettre une mutilation sexuelle sur la personne d’un mineur, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée » (article 227‑24‑1 du code pénal).

En 2021, plusieurs ONG ont lancé un signal d’alerte à la suite de la recrudescence des mutilations sexuelles féminines, liée à la crise de la covid‑19. En effet, la directrice générale de la Fédération nationale GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles) et sociologue, Isabelle Gillette‑Faye, a fait part d’une reprise accrue de ces pratiques au cours de l’année précédente, notamment dans les pays du Sud où la fermeture des écoles a entraîné une augmentation des mariages forcés et des mutilations. Par ailleurs, les difficultés économiques provoquées par la crise sanitaire ont amené des anciens exciseurs à pratiquer de nouveau des excisions contre de l’argent.

Il est donc nécessaire de renforcer davantage l’arsenal permettant de lutter contre ces pratiques inacceptables. Tel est l’objectif de cette proposition de loi.

L’article 1er prévoit d’augmenter les sanctions prévues à l’article 227‑24‑1 du code pénal pour renforcer la protection des mineurs contre les mutilations sexuelles.

Afin de mieux lutter contre les mutilations sexuelles féminines, il convient de connaître précisément le nombre de victimes, les moyens mis en œuvre pour lutter contre ces pratiques, ainsi que le suivi judiciaire. L’article 2 propose de remettre, chaque année, au Parlement un rapport qui comporte ces données. En effet, nous ne disposons pas de données précises et régulièrement actualisées sur ces pratiques.


proposition de loi

Article 1er

À la fin du premier alinéa de l’article 227‑24‑1 du code pénal, les mots : « cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € » sont remplacés par les mots : « dix ans d’emprisonnement et de 100 000 € ».

Article 2

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport détaillé sur les mutilations sexuelles féminines.

Ce rapport comprend les données précises du nombre de victimes de mutilations sexuelles, ainsi que le bilan de l’activité judiciaire concernant les infractions en matière de mutilations sexuelles, notamment concernant le nombre d’affaires enregistrées, le taux de poursuites engagées, le nombre de condamnations et le quantum des peines prononcées.

Enfin, il présente les moyens, et leur coût, mis en œuvre afin de lutter contre les mutilations sexuelles féminines.