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N° 4467

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’allègement des frais de donation entre vifs,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marine BRENIER, Michel VIALAY, Bernard DEFLESSELLES, Frédérique MEUNIER, Bérengère POLETTI, Fabien DI FILIPPO, Éric PAUGET, Pierre VATIN, Brigitte KUSTER, Valérie BAZINMALGRAS, Frédéric REISS, Robin REDA, Véronique LOUWAGIE, Constance LE GRIP, Maxime MINOT, Laurence TRASTOURISNART, Philippe BENASSAYA, Damien ABAD, Bernard PERRUT, Rémi DELATTE, Sébastien HUYGHE, Alain RAMADIER, Philippe GOSSELIN, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Vincent ROLLAND, Yves HEMEDINGER, Stéphane VIRY, Isabelle VALENTIN, Thibault BAZIN, JeanLuc REITZER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques années, la saturation fiscale sur les épaules de nos concitoyens est colossale. Ce sentiment se ressent notamment à travers le droit des successions, que nous nous devons de réformer, pour favoriser la circulation du capital.

En effet, cette question suscite des réactions dans l’opinion publique. Selon un sondage du Credoc en date de janvier 2018, 87 % des Français interrogés souhaitaient une diminution des droits de succession. Dans les différentes enquêtes d’opinion, il apparait également qu’une large partie des Français considèrent cet impôt comme injuste et trop élevé.

En 2019, les recettes tirées des impôts sur les successions et donations représentaient en France 1,4 % du total des recettes fiscales selon lOCDE. Cela place notre pays au troisième rang derrière la Corée et la Belgique, des pays qui taxent le plus les donations et successions. La moyenne de lOCDE était de 0,5 % la même année, soit presque 1 point significatif de moins.

Pourtant, le Chef de l’État a annoncé être fermement opposé à une réforme du droit des successions. D’ailleurs, on ne trouvait aucune proposition de réforme législative en la matière dans son programme pour la présidentielle 2017.

Ces chiffres nous prouvent que la fiscalité liée aux donations est très lourde en France et donc qu’il est urgent d’agir.

Quand bien même la matière nécessite d’être réformée et adaptée, il faut souligner les quelques avancées effectuées ces dernières années. La loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a notamment créé un abattement fiscal en faveur des dons familiaux. Il permet d’exonérer des droits de mutation à titre gratuit, dans la limite de 100 000 €, les dons de somme d’argent consentis en pleine propriété à certains membres de la famille. Sont concernés les enfants, petits‑enfants, arrières‑petits‑enfants, et neveux ou nièces, à défaut d’une telle descendance.

Pour en bénéficier, le donataire doit néanmoins affecter les fonds, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant, soit à la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital d’une petite entreprise, soit au financement de travaux d’économie d’énergie dans sa résidence principale, soit à la construction de sa résidence principale. Ce dispositif était une avancée, mais limitée et temporaire. En effet, il porte sur des sommes versées jusqu’au 30 juin 2021 et ne peut profiter ni au conjoint, ni au partenaire, ni à un ascendant, ni aux frères et sœurs. Il est d’autant plus limité que le donataire ne peut bénéficier de ce même dispositif qu’une seule fois par donateur et que cette exonération ne s’applique pas aux versements effectués par le donataire au titre de souscriptions ayant ouvert droit à certaines réductions d’impôt. Son échéance étant arrivée, il semble opportun de se pencher à nouveau sur le sujet, mais cette fois‑ci de manière pérenne.

Rappelons qu’une donation est un acte par lequel un donateur cède, de son vivant et à titre gratuit, un bien ou une somme dargent à un donataire. Elle a ainsi pour but de faire profiter, voire d’aider une personne, proche ou non, d’un bien ou d’une somme d’agent.

La taxation des donations prend la forme de plusieurs barèmes progressifs, avec des taux qui augmentent en fonction de la somme versée et du degré de parenté qui sépare le donateur du donataire. Les taux applicables aux donations en ligne directe en France font partie des plus élevés dEurope. Le taux le plus élevé de taxation d’une donation atteint même 60 %, entre parents au‑delà du quatrième degré et entre personnes dépourvues d’un lien de parenté.

Le fait que le niveau de taxation dépende du lien de parenté entre le donateur et le donataire semble opportun de prime abord, mais s’avère très défavorable dans certaines situations. En effet, ce régime est très favorable pour un couple souhaitant donner une somme d’argent à son enfant. Ce dernier pourra bénéficier d’un abattement de 200 000 euros, en deça duquel la donation ne sera pas taxée. À l’inverse, une personne souhaitant faire une donation à un proche, qui ne se trouve pas être en ligne directe, sera certainement gênée par le montant des frais applicables à celle‑ci.

Dans ce régime coexistent également différents abattements fiscaux. Ces derniers permettent aux contribuables de bénéficier d’une réduction de leur base d’imposition. Ils sont également fonction du degré de parenté et peuvent s’appliquer plusieurs fois entre des mêmes personnes, à condition que les donations soient espacées d’au moins 15 ans. Chaque parent peut ainsi transmettre 100 000 euros à son enfant, sans que cette donation se révèle taxable. Néanmoins, ce même abattement de 100 000 euros est l’un des plus faibles d’Europe. Alors que dire de l’abattement de 31 865 euros au profit des petits‑enfants, ou de celui de 15 392 euros entre frères et sœurs.

Par conséquent, les frais de donation applicables à la fraction de la part nette taxable demeurent très élevés. Parallèlement les abattements sont parfois trop faibles, voire inexistant. D’autant plus qu’une donation s’accompagne de frais de notaire.

Dès lors, le constat est que le régime applicable aujourd’hui en France en la matière semble décourager les contribuables à effectuer des donations. De plus, il ne favorise ni la circulation du capital, ni la conservation du patrimoine.

L’idée de cette proposition de loi est d’alléger la charge élevée que représentent les droits de donation pour le donataire afin de relancer la consommation et l’économie françaises. Il est proposé de créer des tranches intermédiaires dans les différents barèmes progressifs, en fonction du degré de parenté entre le donateur et le donataire, de créer de nouveaux abattements notamment pour les concubins qui sont traités comme des étrangers en droit des donations et enfin de réduire le délai de rappel fiscal.

L’article 1er a pour objet de créer de nouvelles tranches dans les barèmes présentant les frais de donation. Il modifie ainsi la progressivité du barème applicable aux donations effectuées en ligne directe et du barème applicable aux donations consenties en ligne collatérale et entre non‑parents.

L’article 2 inscrit dans le code général des impôts une exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les donations consenties entre des époux ou des partenaires lorsque le mariage ou le pacte civil de solidarité a été conclu il y a plus de 7 ans.

L’article 3 définit les conditions permettant aux personnes issues d’un concubinage notoire d’au moins 3 ans de bénéficier d’un abattement dans le cadre d’une donation.

L’article 4 étend l’abattement dont bénéficient les neveux et nièces aux cousins germains.

L’article 5 précise les conditions à réunir pour bénéficier de l’abattement général applicable sur le montant des droits de mutation à titre gratuit si la somme reçue au titre de la donation est investie dans le capital d’une PME locale, ou est destinée au financement de travaux d’économie d’énergie ou à la construction de sa résidence principale.

L’article 6 vise à augmenter le plafond de la réduction des droits de mutation à titre gratuit dont bénéficient les mutilés de guerre.

L’article 7 prévoit d’abaisser le délai de rappel fiscal, c’est‑à‑dire le délai de reconstitution des abattements fiscaux, de 15 à 10 années.

L’article 8 contient les gages.

Tel est le sens de la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

L’article 777 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est complété par les mots : « , aux époux mariés et aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité depuis moins de sept ans » ;

2° Le tableau du quatrième alinéa est ainsi rédigé :

 

 

En pourcentage

 

Fraction de la part nette taxable

Tarif applicable

 

N’excédant pas 8 072 €

5

 

Comprise entre 8 072 € et 15 932 €

10

 

Comprise entre 15 932 € et 138 081 €

15

 

Comprise entre 138 081 € et 276 162 €

17,5

 

Comprise entre 276 162 € et 552 324 €

20

 

Comprise entre 552 324 € et 727 581 €

25

 

Comprise entre 727 581 € et 902 838 €

30

 

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

35

 

Au delà de 1 805 677€

40

 ;

 

3° Les cinquième à septième alinéas sont supprimés ;

4° Les quatre dernières lignes du tableau de l’avant‑dernier alinéa sont remplacées par sept lignes ainsi rédigées :

 

N’excédant pas 24 430 €

25

Entre 24 430 € et 48 860 €

30

Entre 48 860 € et 195 440 €

35

Entre 195 440 € et 390 900 €

40

Au delà de 390 900 €

45

Entre parents jusqu’au 4ème degré

45

Entre parents au delà du 4ème degré et entre personnes non parentes 

50

 

Article 2

Après l’article 790 du code général des impôts, il est inséré un article 790 bis ainsi rédigé :

« Art. 790 bis. – I. – Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les donations effectuées entre époux ou partenaires, à condition qu’ils soient mariés ou pacsés depuis au moins sept ans et qu’ils entretiennent toujours une communauté de vie.

« II. – Durant les premières années de leur union, les époux et partenaires sont soumis au tableau I relatif au « Tarif des droits applicables en ligne directe, aux époux mariés et aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité » de l’article 777 du présent code. Les articles 790 E et 790 F leur demeurent applicables. »

Article 3

Après l’article 790 I du code général des impôts, il est inséré un article 790 J ainsi rédigé :

« Art. 790 J. – I. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 13 454 € sur la part du concubin notoire.

« II. – Le concubinage est réputé notoire lorsqu’un faisceau d’indices indique que le concubinage, tel que défini à l’article 515‑18 du code civil, est établi entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple de manière stable et continue depuis au moins trois ans. La preuve peut notamment être rapportée par le biais d’une taxe d’habitation établie aux noms des deux concubins, d’une adresse identique indiquée dans les déclarations de revenus de chacun des concubins ou encore de demandes faites aux allocations familiales et autres organismes sociaux. »

Article 4

Après l’article 790 J du code général des impôts, il est inséré un article 790 K ainsi rédigé :

« Art. 790 K. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 7 967 € sur la part de chacun des cousins germains. »

Article 5

Après l’article 790 A bis du code général des impôts, il est inséré un article 790 A ter ainsi rédigé :

« Art. 790 A ter. – Les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété à un parent jusqu’au 4ème degré inclus sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 25 000 € à la condition qu’elles soient affectées par le donataire :

« 1° À la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital d’une société qui satisfait à la définition des petites et moyennes entreprises qui figure à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie), sous réserve du respect des conditions suivantes :

« a) L’affectation a lieu avant la fin de la deuxième année suivant la date du transfert des fonds ;

« b) La petite ou moyenne entreprise a une implantation locale ;

« c) Le donataire exerce son activité professionnelle principale dans la société ou l’entreprise pendant une période de cinq ans à compter de l’affectation des sommes mentionnées au présent 1° ;

« d) L’activité de la société ou de l’entreprise est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale pendant la période mentionnée au c ;

« 2° À des travaux et dépenses éligibles à la prime prévue au II de l’article 15 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et réalisés en faveur de la rénovation énergétique du logement dont il est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale ;

« 3° À la construction de sa résidence principale.

« Le donataire ne peut bénéficier du dispositif qu’une seule fois par donateur. Ce dispositif n’est pas limité dans le temps. »

Article 6

À la fin de l’article 782 du code général des impôts, le montant : « 305 € » est remplacé par le montant : « 1 500 € ».

Article 7

Au deuxième alinéa de l’article 784 du code général des impôts, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

Article 8

La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création dune taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.