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N° 4469

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer le vote par correspondance,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Cécile UNTERMAIER, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Marietta KARAMANLI, MarieNoëlle BATTISTEL, David HABIB, Christine PIRES BEAUNE, Alain DAVID, Régis JUANICO, Lamia EL AARAJE, Hervé SAULIGNAC, Joël AVIRAGNET, Gisèle BIÉMOURET, JeanLouis BRICOUT, Laurence DUMONT, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Christian HUTIN, Chantal JOURDAN, Jérôme LAMBERT, Gérard LESEUL, Josette MANIN, Philippe NAILLET, Dominique POTIER, Valérie RABAULT, Sylvie TOLMONT, Hélène VAINQUEURCHRISTOPHE, Boris VALLAUD, Michèle VICTORY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi a l’objectif de répondre à l’abstention et d’en limiter la progression. Une proposition de loi « visant à instaurer le vote par correspondance pour les scrutins électoraux et les opérations référendaires » a été enregistrée à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2020 par le groupe Socialiste, écologiste et républicain. C’est dans le même esprit que celui évoqué dans l’exposé des motifs de ladite proposition de loi, que le présent texte est déposé à la Présidence de l’Assemblée nationale.

Au lendemain des élections régionales et départementales de juin 2021, marquées par une abstention historique de 66,7 %, allant jusqu’à 87 % chez les jeunes de moins de 25 ans, nous devons nous interroger sur les moyens susceptibles de faciliter l’accès au vote.

Certes, l’épidémie de covid‑19 explique sans doute en partie, ce niveau d’abstention, comme le manque de clarté sur le rôle que jouent les collectivités locales en question et donc les élus dans le quotidien de la vie des citoyens. Mais, il est constant que cette abstention, en progression, est le signe d’une perte d’intérêt pour la vie politique.

Le vote par correspondance est un outil démocratique efficace pour combattre l’abstention. L’Assemblée parlementaire franco‑allemande (APFA) créé par le Traité d’Aix‑la‑Chapelle le 22 janvier 2019, a permis aux députés du Bundestag et de l’Assemblée nationale, de discuter du fonctionnement de leurs institutions et de s’interroger sur les voies tendant à la réduction du taux d’abstention.

Outre‑Rhin, le vote postal a été instauré en 1957 pour faciliter le vote des personnes fragiles, âgées, malades ou handicapées et ne pouvant pas se déplacer. Depuis 2008, l’électeur n’a même plus besoin de fournir un justificatif. Le tribunal constitutionnel fédéral a spécifié que le plus important était de garantir l’universalité du vote.

En Allemagne, des élections régionales se sont tenues au mois de juin 2021, dans le Land de la Saxe‑Anhalt. Le taux de participation a été de 60 %, contre 33 % aux élections régionales en France. Pourtant, la Saxe‑Anhalt est une région de l’Allemagne de l’Est qui est réputée moins développée et plus pauvre que le reste du pays. Cet écart d’abstention entre nos deux nations se retrouve également chez les jeunes électeurs, le taux de participation électorale des jeunes allemands étant de manière régulière supérieur à celui des jeunes français, à hauteur de 10 % en général.

Le taux de participation électorale en France apparaît très préoccupant, celui de l’Allemagne, certes bien meilleur mais insatisfaisant, nous oblige à agir.

Si le modèle institutionnel allemand n’est pas celui de la France, il n’en apparaît pas moins pertinent de tirer les leçons positives du vote par correspondance.

En France, le vote par correspondance a existé de 1946 à 1975, date à laquelle il a été interdit à raison des fraudes que ce système permettait. La presse de l’époque regorge d’histoires de scrutins truqués. Mais il est apparu que la technique de fraude n’était pas tant le vote par correspondance que l’utilisation à dessein des listes électorales.

Le vote par correspondance ne constitue pas la solution dans le processus démocratique de l’élection. Il est simplement question de faire en sorte que le celui‑ci représente une alternative complémentaire dont des citoyens qui le souhaitent, puissent se saisir.

Nous aidant d’une mission d’information mise en place au Sénat à l’automne 2020, nous proposons trois articles.

Cette mission avait identifiées cinq conditions pour mettre en place un tel vote : il ne doit « pas se substituer » à l’urne, mais lui être « complémentaire » ; l’acheminement des plis doit être fait « dans un délai contraint » ; l’identité de l’électeur doit bien sûr être vérifiée ; une refonte du calendrier électoral est nécessaire, avec au moins deux semaines, plutôt qu’une, entre les deux tours, le temps d’organiser sereinement le vote par correspondance ; enfin une réorganisation des bureaux de vote devrait être faite, « car l’électeur doit pouvoir voter directement », « même s’il a envoyé l’enveloppe ».

Un certain nombre de grandes démocraties occidentales pratiquent le vote par correspondance et peuvent être source d’inspiration : l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne, le Royaume‑Uni, l’Australie. Les standards internationaux le reconnaissent comme une modalité de vote alternative valable, susceptible d’accroître la participation et de renforcer le système démocratique. Il s’agit par ailleurs d’une étape vers un vote électronique qui prendra sa place naturellement dans une société numérisée. La France ne l’est pas actuellement. En revanche, le vote par correspondance est une réponse à la mobilité et ce qui fonctionne si bien en Allemagne, devrait connaître le même succès en France.

L’article 1er porte sur la procédure de vote par correspondance.

Une commission de vote par correspondance est créée pour assurer un contrôle et la transparence du processus et ainsi neutraliser les suspicions de fraude. Elle offre à l’électeur une autorité de référence clairement identifiable à laquelle il peut s’adresser. Une fois sa demande enregistrée et vérifiée, l’électeur reçoit le matériel de vote.

L’article 2 prévoit que les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 30 janvier 2022.

Enfin, l’article 3 gage la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

La section 4 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral est ainsi rédigée :

« Section 4

« Vote par correspondance

« Art. L. 79. – Par dérogation à l’article L. 54, tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d’assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin. 

« Les plis de vote par correspondance sont remis au président du bureau de vote le jour du scrutin et jusqu’à la fermeture du bureau de vote. Le président ou tout membre du bureau de vote qu’il désigne à cet effet ouvre chaque pli et, après avoir émargé en lieu et place de l’électeur, met aussitôt dans l’urne l’enveloppe contenant le bulletin.

« Toutefois, dans les communes dotées de machines à voter, par dérogation au troisième alinéa du I de l’article L. 16, les électeurs inscrits sur la liste électorale au titre de l’article L. 12, des II ou III de l’article L. 12‑1 ou des articles L. 13 à L. 15 sont affectés par le maire à un bureau de vote spécifique, rattaché à la circonscription ou au secteur qui comporte le plus d’électeurs inscrits sur la liste électorale.

« Art. L. 80. – Dans chaque département, il est institué une commission de vote par correspondance, chargée du contrôle et de la traçabilité du processus de vote par correspondance.

« La composition ainsi que les conditions de désignation et de fonctionnement des commissions instituées en application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 81. – Dès la publication du décret convoquant le collège électoral, tout électeur souhaitant voter par correspondance sous pli fermé peut demander à recevoir, sans frais, le matériel de vote lui permettant de voter par correspondance au premier tour et, le cas échéant, au second tour.

« Lorsque plusieurs élections ont lieu le même jour, la demande vaut pour toutes les élections ayant lieu le même jour.

« La demande doit être envoyée au plus tard le deuxième vendredi qui précède le scrutin. L’autorité compétente pour les procurations en accuse réception par tout moyen auprès de l’électeur.

« Les demandes et justifications prévues au présent article sont conservées par l’autorité compétente pour les procurations jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.

« Art. L. 82. – L’autorité à laquelle est présenté le formulaire de demande de vote par correspondance, après avoir porté mention de celle‑ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur le formulaire le numéro de la demande, le numéro d’identifiant national et le numéro d’ordre dans le bureau de vote de l’électeur. Elle ajoute ses noms et qualité et le revêt de son visa et de son cachet.

« Elle vérifie la capacité de l’électeur et, en cas d’incapacité, en informe le demandeur et le maire de la commune concernée.

« Art. L. 83. – Dès réception de la demande, la commission de vote par correspondance l’enregistre et vérifie à son tour que l’électeur est en capacité de voter et que sa demande comporte les indications et est accompagnée des pièces prévues à l’article L. 81.

« Art. L. 84. – Le matériel de vote par correspondance sous pli fermé est fixé par décret en Conseil d’État. 

« Art. L. 841. – L’envoi du vote par correspondance sous pli fermé ne prive pas l’électeur de son droit de vote à l’urne. S’il vote à l’urne le jour du scrutin, son vote par correspondance est annulé.

« Art. L. 842. – En cas de décès ou de privation des droits civiques de l’électeur ayant exercé son droit de vote par correspondance, son vote est annulé de plein droit.

« Art. L. 843. – Les dépenses résultant de l’organisation des opérations de vote par correspondance sous pli fermé prévues à la présente section sont à la charge de l’État.

« Art. L. 844.  Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la présente section.

Article 2

Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 30 janvier 2022.

Article 3

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.