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N° 4516

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

relative à l’instauration du référendum dinitiative citoyenne,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean LASSALLE, Jennifer DE TEMMERMAN, Benoit SIMIAN, Paul MOLAC, Bruno BILDE, Sébastien CHENU, Nicolas DUPONTAIGNAN,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’esprit de la Cinquième République et du référendum a disparu. Le processus référendaire avait un sens, celui de soumettre toutes questions importantes à la souveraineté populaire. Il engageait dans le passé le Président, qui ne craignait pas le verdict des urnes et en tirait avec honneur les conséquences du suffrage. Les référendums ont tous suscité une importante participation du corps électoral. La pratique référendaire sous le Général de Gaulle était courante puisque pas moins de 4 référendums ont été tenus pendant les 10 ans de sa présidence. Pendant les 52 ans qui ont suivi, seulement 5 référendums (dont trois sur l'Union Européenne) ont eu lieu...

Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le référendum, qui est la voie principale pour ratifier des révisions constitutionnelles, est susceptible d’être évité en ayant recours à une procédure introduite par un « toutefois » notant l’exceptionnalité du dispositif : « Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. » (Article 89 de la Constitution)

Or cette procédure a été mise en place plus que de raison. Sur les 22 révisions constitutionnelles ayant eu recours à l’article 89, 21 ont utilisé la procédure introduite par ce fameux « toutefois ». Il faut l’admettre : l’esprit de la Constitution de 1958 a été détourné, et les contestations des citoyens sont un rappel à l’ordre en la matière.

En 2008, le référendum d'initiative partagée (RIP) est venu compléter les dispositions de l'article 11 sur la validation de projets de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics. Il est subordonné à l'approbation de 1/5 des membres du Parlement, et à la collecte des signatures de 1/10 du corps électoral. Néanmoins ces modalités de mise en œuvre sont hors d’atteinte pour les citoyens ou collectif de citoyens qui dénoncent la fausse promesse d’une mesure inapplicable.

D'autres initiatives doivent être prises pour dynamiser le fonctionnement des institutions, élargir le champ de l'activité législative à laquelle le corps électoral doit être plus largement associé, au-delà de sa seule participation aux élections, dont il se désintéresse ostensiblement au fil des scrutins.

C’est pourquoi nous souhaitons que le référendum soit remis au cœur de nos institutions en rendant obligatoire la ratification des changements constitutionnels par voie référendaire.

La crise de confiance à laquelle sont aujourd’hui confrontés le système politique français et ses représentantes et représentants est un problème majeur. Quand le législateur n’a plus la confiance des citoyens – comme c’est aujourd’hui le cas en France d’une façon encore plus marquée que chez nos voisins –, les risques de tensions, et d’oppositions, parfois violentes, aux institutions de la République sont importants. De manière plus générale, les manifestations, grèves et autres blocages sont des conséquences de ce mécontentement. Rétablir la confiance à l’égard de nos institutions est devenu non seulement une mesure prioritaire d’un point de vue politique, mais également d’un point de vue économique et social. Car avoir confiance en notre système politique et juridique est la condition nécessaire pour s’investir activement dans la vie économique.

Après près de trois ans de contestations répétées, il est important d’être à l’écoute des messages qui nous sont transmis par les citoyens. En particulier leur message principal qui demande plus d’outils démocratiques concernant les principes qui régissent les fondements de notre vivre-ensemble.

Le RIC est une revendication soutenue depuis de nombreuses années par des collectifs et associations citoyennes, le dernier mouvement en date étant bien sûr en France celui des Gilets Jaunes. Ce droit existe déjà dans une cinquantaine d’États ainsi que dans l’Union européenne à différents échelons territoriaux.

Il appartient à la France de tirer les enseignements de ces expériences, de s'inspirer des succès et des échecs observés là où le RIC s'applique.

Nous proposons de pouvoir lancer une telle initiative une fois le soutien de 700 000 citoyens recueilli.

Notre Constitution devrait se doter de ce dispositif nouveau, adapté à l'esprit du temps, pour la démocratie et répondre aux aspirations de nombreux citoyens.

Le RIC, par ses vertus pédagogiques et démocratiques, rendrait les citoyens acteurs de la vie politique, plus enclins à convenir des vertus du suffrage universel, étant plus étroitement associés à l'activité législative. Le RIC élargirait le cadre des droits politiques dont les citoyens doivent disposer dans une démocratie moderne, capable de se doter d'un dispositif démocratique en phase avec son époque.

Par l’élargissement du droit d’initiative de modifications constitutionnelles à tous les citoyennes et citoyens ayant droit au vote, cette proposition de loi constitutionnelle, par son 1°, crée un nouveau droit civique, celui d’initier une modification constitutionnelle. Le a du 2° distingue les modalités d’examen de l’initiative selon l’origine parlementaire ou citoyenne du projet ou proposition de révision. Le b du 2° précise les modalités d’initiative et d’examen lorsque la proposition de révision est à l’initiative des citoyennes et citoyens. Il définit également notamment le seuil de signature requis (700 000), les conditions de forme nécessaires à la validation de la proposition, les délais pour la récolte des signatures et la mise au référendum, ainsi que les instances responsables de la validation des signatures. Et plus précisément, afin de garantir une indépendance maximale concernant cette nouvelle procédure, le b du 2° propose que les signatures soient déposées et validées auprès des tribunaux judiciaires et non pas administratifs. Le c du 2° précise le délai d’application de l’initiative. Enfin, le 3° supprime la procédure parlementaire exceptionnelle de modification constitutionnelle introduite par l’alinéa 3 de l’article 89 afin de retrouver l’esprit original de cet article de la Constitution qui proclame que « la révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ».

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi constitutionnelle.

 

 


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

L’article 89 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , ainsi qu'aux citoyennes et citoyens ayant droit au vote. »

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « révision » sont insérés les mots : «  , sauf lorsqu’elle est à l’initiative des citoyennes et citoyens, ».

b) Après la même première phrase, sont insérées neuf phrases ainsi rédigées : « Lorsque la proposition de révision est à l’initiative des citoyennes et citoyens, elle doit explicitement mentionner le titre, le but de la proposition, le texte intégral de la proposition et l’identité du ou des porteurs de l’initiative. Ceux-ci pourront retirer leur proposition avant le dépôt des signatures s’ils considèrent que le Gouvernement a tenu compte de leur proposition. La proposition est déposée auprès d’un tribunal d’instance qui dispose d’un délai de vingt jours à compter du dépôt pour statuer sur sa conformité à la forme décrite à l’alinéa précédent à l’issue duquel une proposition est considérée comme valide. Une proposition valide est publiée officiellement et est accompagnée d’un support papier et numérique où les citoyens pourront apporter leur soutien. En cas de rejet, le tribunal d’instance produit une décision publique en motivant les raisons. La proposition doit recueillir 700 000 signatures de citoyennes et citoyens ayant droit au vote dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication officielle de leur initiative. Les signatures, en format papier ou numérique, doivent être accompagnées du nom d’usage, prénom, date de naissance et adresse du signataire. La validité des signatures est contrôlée par la Cour de cassation dans un délai qui ne peut dépasser une durée maximale de quatre mois. Une fois validée ou le délai expiré, le Président soumet la proposition de révision au référendum dans un délai compris entre trois mois et un an. »

c) Il est complété par la phrase : « Celle-ci sera alors mise en application dans un délai maximal de six mois. »

3° Le troisième alinéa est supprimé.