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N° 4533

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

pour la fin de la liberté d’installation des médecins et un accès de proximité au système de santé,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Guillaume CHICHE,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre système de santé est envié par de nombreux pays dans le monde. Pourtant, aujourd’hui en France, 7.4 millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont privés d’accès aux soins car ils vivent dans un désert médical. Près de 70 % des Françaises et des Français déclarent avoir renoncé à des soins par impossibilité d’accéder à un médecin.

La promesse républicaine de la France est universelle : garantir les mêmes droits à toutes les citoyennes et tous les citoyens. Indépendamment de notre lieu de vie, nous avons toutes et tous un droit d’accès à notre système de santé. Nous finançons d’ailleurs toutes et tous son fonctionnement et son développement par nos cotisations. Pourtant, notre santé et notre accès au système de soins sont devenus les variables d’ajustement d’une répartition médicale à bout de souffle.

Cette injustice nourrit légitiment le sentiment d’abandon d’une grande partie de la population.

La présente proposition de loi avance une solution humaine pour nos territoires : Le pilotage de l’installation des médecins par l’État. Nous devons à présent supprimer la liberté d’installation des médecins pour implanter leur activité en fonction des besoins de la population.

Les inégalités d’accès aux soins ne cessent d’augmenter. Si cette tendance s’explique par le vieillissement de la population et la hausse des maladies chroniques, elle repose en grande partie sur la disparité de l’offre de soin dans notre territoire national.

Il existe aujourd’hui une sorte de discrimination dans l’accès aux soins fondée sur notre lieu de vie. La pénurie de médecins dans bon nombre de territoires aggrave toujours plus la fracture territoriale de la France. Jour après jour nous le constatons, un médecin sur deux refuse de nouveaux patients par impossibilité de les prendre en charge. Cela conduit naturellement les Françaises et les Français à se diriger vers les services d’urgences hospitalières qui s’en retrouvent complètement saturées.

Les Françaises et les Français sont les victimes d’un système de santé incohérent.

Les hospitalisations ambulatoires sont privilégiées mais la médecine de ville est absente de certains territoires pour en assurer le bon suivi. Nous tentons de permettre le maintien à domicile et l’autonomie des personnes âgées sans nous donner les moyens d’avoir une médecine de ville de proximité. L’urgence est absolue, nous devons accepter de désacraliser la liberté d’installation des médecins pour répondre à la détresse des Françaises et des Français exclus d’accès à notre système de santé.

Les territoires ruraux et périurbains ne peuvent continuer à être les victimes premières de la désertification médicale. Derrière la technicité du sujet se cachent des réalités de vie tragiques. Des diagnostics tardifs qui conduisent à des pertes de chances de survie, des souffrances accentuées par l’impossibilité de prise en charge, des renoncements qui conduisent à de véritables drames de vie.

Nous avons le devoir d’agir. Il ne s’agit pas de rejeter la faute sur le corps médical qui s’engage pleinement dans ses missions. C’est aux parlementaires et au Gouvernement, eux‑mêmes alertés depuis de nombreuses années par les élues et élus locaux qu’il incombe d’agir.

Avec cette proposition de loi nous lançons un appel : « Quel que soit le territoire où nous vivons, nous voulons pouvoir prendre soin de notre santé ».

Avec cette proposition de loi nous apportons une solution : « Supprimer la liberté d’installation des médecins pour que l’État autorise les installations médicales dans les territoires qui en sont dépourvus ».

Nous exigeons un accès de proximité à la médecine indépendamment de notre lieu de vie.

L’article 1 vise la suppression de la libre installation des médecins. La liberté d’installation offre la possibilité à chaque médecin de s’installer professionnellement là où il le souhaite sur l’ensemble du territoire national. Cette possibilité à des effets néfastes et entraîne de nombreuses conséquences en termes de démographie médicale. Les zones denses urbanisées se retrouvent dotées de médecins tandis que d’autres territoires en subissent une pénurie importante. On qualifie ainsi ces territoires de « déserts médicaux ». Cette liberté pose de nombreux problèmes notamment en termes d’égalité d’accès aux soins, c’est la raison pour laquelle cet article propose de la supprimer.

L’article 2 vise à rappeler l’objectif d’accessibilité aux médecins. Il prévoit que l’organisation du système de soins soit adaptée afin de garantir à chaque citoyenne et chaque citoyen un accès rapide et de proximité à un service de médecine.

L’article 3 vise à réglementer l’installation des médecins. Il prévoit que, dès la promulgation de cette proposition de loi, les nouveaux médecins libéraux ne pourront s’installer que dans des zones définies par le Ministère des Affaires sociales et de la Santé, sur proposition des Agences Régionales de Santé. Ces zones, révisées tous les deux ans, devront respecter un certain nombre de critères définis par décret tels que l’égale répartition territoriale de l’accès aux soins, l’analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés et l’accessibilité rapide pour toutes et tous à un médecin.


proposition de loi

Article 1er

À l’article L. 162‑2 du code de la sécurité sociale, après la seconde occurrence du mot : « malade », les mots : « la liberté d’installation du médecin, » sont supprimés.

Article 2

Après le seizième alinéa de l’article L. 1411‑1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de santé tend à adapter l’organisation du système de soins pour garantir une accessibilité rapide, sur l’ensemble du territoire, à un médecin. »

Article 3

Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4131‑8 ainsi rédigé :

« Art. L. 41318.  I. ‒ Les médecins peuvent librement s’installer, pour la première fois, dans les zones où l’implantation de cabinets médicaux apparaît utile pour satisfaire les besoins de santé de la population et garantir une répartition territoriale de l’offre de soins adaptée.

« II. ‒ Ces zones sont déterminées par une carte établie par le ministère chargé de la santé, sur proposition des agences régionales de santé. Les zones sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, parmi lesquels une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés et une égalité territoriale d’accès aux soins pour l’ensemble de la population.

« III. ‒ À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour satisfaire les besoins de santé de la population et garantir une répartition territoriale de l’offre de soin adaptée, la création de nouveaux cabinets médicaux apparaît utile.

« Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.

« IV. – Les médecins sont soumis à cette obligation pour une période de cinq années suivant leur première installation. »

Article 4

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.