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N° 4534

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la maladie de Lyme,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christophe NAEGELEN, JeanChristophe LAGARDE, Béatrice DESCAMPS, Yannick FAVENNECBÉCOT, Guy BRICOUT, Sophie MÉTADIER, Meyer HABIB, Agnès THILL, Michel ZUMKELLER, Thierry BENOIT, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Nicole SANQUER, Pascal BRINDEAU, Valérie SIX,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse due à une bactérie et transmise par une piqûre de tique. Cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme aux États‑Unis, est bien connue en milieu rural. Elle est aujourd’hui très présente sur la quasi‑totalité du territoire français, en particulier dans les zones rurales et boisées.

En France, selon les données disponibles, on estime le nombre moyen annuel de cas de maladie de Lyme à environ 50 000, soit un taux d’incidence annuel moyen de 76 cas pour 100 000 habitants. Les taux d’incidence au niveau régional et départemental sont très variables : par exemple, le Grand Est, la Bourgogne‑France‑Comté et l’Auvergne‑Rhône‑Alpes présentent un taux d’incidence élevé, alors que les régions du pourtour méditerranéen connaissent des taux plus bas.

La maladie de Lyme soulève plusieurs enjeux : les difficultés de diagnostic clinique et biologique, les voies de traitement et de prise en charge et la nécessaire prévention.

D’abord, la maladie de Lyme possède la particularité d’être difficile à diagnostiquer, en raison de la complexité de l’analyse clinique et de difficultés liées à la sérologie. Elle se caractérise en effet par la succession de trois phases associées à des manifestations cliniques variées conduisant la communauté médicale et scientifique à une extrême prudence dans la délivrance du diagnostic.

Cet enjeu se fait plus prégnant s’agissant du caractère chronique de la maladie, dont la reconnaissance n’est pas acquise. Cette situation est difficile à vivre pour certains patients qui ne peuvent mettre un nom sur le mal dont ils souffrent, du fait de la méconnaissance de cette maladie et de la difficulté à la diagnostiquer.

L’analyse biologique, au travers principalement de la sérologie, se révèle également difficile. Elle repose sur deux tests, un de dépistage et un de confirmation, dont la fiabilité n’est pas garantie, ce que confirme le Haut conseil de la santé publique (HCSP). Le test de dépistage pratiqué en France, le test ELISA, serait en effet élaboré à partir de souches américaines qui ne correspondent pas forcément aux formes de borrélies que l’on peut trouver sur notre territoire. Il existe plusieurs formes différentes de borrélies dans le monde. Une étude publiée par l’Université John Hopkins de Baltimore a montré que le protocole de test ELISA ne permettait même pas de détecter un quart des cas de maladie de Lyme. Les difficultés diagnostiques peuvent également être liées à la performance des tests, à l’hétérogénéité des espèces de Borrelia en Europe et à la possibilité de réactions croisées avec d’autres agents infectieux.

Une sérologie en deux temps est et reste recommandée. Le test immuno‑enzymatique de dépistage, le test ELISA, est utilisé en première intention. Devant un résultat douteux ou négatif associé à un tableau clinique évocateur, un second prélèvement permettra de conclure. Des résultats positifs dans les deux classes d’anticorps conduisent à la réalisation d’une confirmation par immuno‑empreinte appelée « western blot » afin de confirmer le résultat.

À noter que le rapport du HCSP rappelle les trois phases de la maladie décrites dès 2006 : phase primaire, phase secondaire et phase tertiaire, désormais appelées phase précoce localisée, phase précoce disséminée et phase tardive. Il évoque aussi l’existence de situations cliniques ne permettant pas d’établir un diagnostic précis.

Ce manque de fiabilité des tests peut raisonnablement amener à penser que de nombreux malades français sont passés à travers les mailles du filet du diagnostic, et souffrent, ou risquent de souffrir, de la forme chronique sans bénéficier du traitement adapté. Le sur‑diagnostic est tout aussi grave de conséquences lorsqu’il entraîne une mauvaise prise en charge d’une autre maladie alors non traitée.

S’agissant du traitement justement, des divergences apparaissent également. Si tout le monde s’accorde à reconnaître qu’une antibiothérapie est efficace au stade primaire de la maladie, les avis divergent lorsqu’il est question du caractère chronique et des traitements associés. D’un côté, le corps médical a la crainte légitime d’attribuer à tort des manifestations symptomatiques à la maladie de Lyme ; de l’autre, les patients, pour lesquels l’antibiothérapie prolongée pourrait représenter une solution, sont plongés dans le désarroi.

Face à ce constat, le rôle du législateur est de permettre que la question du traitement soit réenvisagée et que tout soit mis en œuvre pour permettre à la communauté médicale et scientifique de se poser toutes les questions, même les plus iconoclastes, et d’apporter des réponses sans équivoque au terme d’échanges, d’analyses et de débats. Cela nécessite forcément que les moyens financiers adéquats soient investis dans la recherche.

Alors qu’en 2016, il a été décidé par le Gouvernement de lancer un Plan national en raison de la gravité de la situation, la situation des patients ne s’est pas améliorée. Le manque de compréhension approfondie du mécanisme fait de la borréliose de Lyme une maladie chronique dont les errances thérapeutiques demeurent. En effet, trois ans après le lancement de ce plan, l’absence de crédits significatifs débloqués pour la recherche fondamentale, appliquée et clinique, subsiste. La quasi‑inexistence des budgets alloués à la recherche est à déplorer et nourrit l’exaspération légitime des personnes atteintes. Pourtant, la recherche apparaît comme le premier moyen de lutter efficacement contre cette problématique de santé publique qu’il s’agisse de prévention, diagnostic, prise en charge et traitement.

L’enjeu lié au diagnostic soulève également celui du débat sur le caractère chronique de la maladie de Lyme. Cette maladie nécessite parfois une prise en charge longue, est évolutive et peut être associée à une invalidité et à la menace de complications graves. Aussi, l’opportunité de faire entrer la maladie de Lyme dans la catégorie des affections de longue durée (ALD) et de la faire reconnaître par la Sécurité sociale comme maladie invalidante doit pouvoir être exister.

À la suite du plan Lyme de 2016, l’ouverture de droit à une ALD pour borréliose de Lyme a été écartée par la Haute Autorité de santé au motif que cette maladie a des manifestations très variables selon les personnes et qu’en outre cette reconnaissance aurait buté sur la question du diagnostic. L’octroi d’une ALD hors liste permettrait pourtant que cette reconnaissance d’ALD soit accessible aux patients atteints de troubles fonctionnels invalidants et non attribués.

Le dernier enjeu, et non des moindres, est celui de la prévention. Tous les acteurs s’accordent sur l’impérieuse nécessité d’une information sur les modalités de prévention primaire – vêtements longs, répulsifs – comme secondaire – retrait de la tique. Les patients et le corps médical doivent être davantage sensibilisés à ces mesures simples mais très efficaces.

Ainsi le rôle des professionnels de santé qui doit être amplifié, grâce à l’intégration de la maladie de Lyme dans la formation continue. Tout doit être mis en œuvre pour que les médecins soient en mesure de poser un diagnostic dès le stade primaire de la maladie.


proposition de loi

Article 1er

I. – Le caractère chronique de la maladie de Lyme peut être reconnu.

II. – La maladie de Lyme et ses aspects chroniques constituent, en matière de formation médicale continue, un des thèmes nationaux prioritaires mentionnés au 1° de l’article L. 4133‑2 du code de la santé publique.

III. – La maladie de Lyme peut constituer une affection de longue durée tel que le prévoit l’article L. 324‑1 du code de la sécurité sociale, selon des conditions précisées par décret.

Article 2

Dans un délai d’un an à compter la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les pistes de financement permettant de soutenir la recherche, de fiabiliser les tests de dépistage, et de prévenir et de faire mieux connaître la maladie de Lyme.

Article 3

I. – Les charges pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les charges pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.