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N° 4535

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à réserver la publicité sur le « made in France »
aux produits réellement fabriqués en France,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLouis THIÉRIOT, Jacques CATTIN, Édith AUDIBERT, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Mansour KAMARDINE, Emmanuel MAQUET, Philippe BENASSAYA, JeanClaude BOUCHET, Bernard BOULEY, Véronique LOUWAGIE, François CORNUTGENTILLE, JeanPierre VIGIER, Frédérique MEUNIER, Bérengère POLETTI, JeanLuc BOURGEAUX, Pierre VATIN, Nathalie BASSIRE, Fabien DI FILIPPO, Alain RAMADIER, Thibault BAZIN, Sébastien HUYGHE, Isabelle VALENTIN, PierreHenri DUMONT, Robert THERRY, AnneLaure BLIN, Charles de la VERPILLIÈRE, Vincent ROLLAND, Robin REDA, Marc LE FUR, Ian BOUCARD, Bernard PERRUT, Julien AUBERT, Michel VIALAY, Michel HERBILLON, Didier QUENTIN, JeanJacques GAULTIER, Patrick HETZEL, Stéphane VIRY, Frédéric REISS, Raphaël SCHELLENBERGER, MarieChristine DALLOZ, Nathalie SERRE, Nicolas FORISSIER, Laurence TRASTOURISNART,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De plus en plus de produits commercialisés sur le marché national arborent des signes distinctifs d’une origine française : mention « fabriqué en France » mais également drapeau tricolore, coq, hexagone sont désormais légion dans les rayons de nos magasins.

Cet engouement publicitaire pour le « made in France » s’explique par l’intérêt particulier que portent les consommateurs français aux produits fabriqués sur le territoire national.

Nos compatriotes ont en effet à cœur de contribuer activement à la vitalité de nos entreprises et la crise économique et sociale qui s’annonce du fait de la crise sanitaire les incite plus que jamais à se montrer solidaires de l’économie nationale. L’achat d’un produit « made in France » est donc avant tout un acte citoyen motivé par la perspective de retombées économiques et sociales pour le pays. 

En outre, sensibilisés par les difficultés d’approvisionnement qui sont apparues dans les premiers temps de l’épidémie de covid‑19 au risque d’une trop grande dépendance aux produits importés, les consommateurs français cherchent également à privilégier les circuits courts capables de résister à une crise mondiale et d’assurer une souveraineté économique au pays.

Au‑delà de ces considérations, l’attrait du consommateur pour un produit « made in France » est également motivé par des exigences d’ordre qualitatif, social, éthique ou écologique auxquelles le haut niveau de protection des normes françaises permet de répondre.

Tous ces efforts sont cependant menacés par des entreprises peu scrupuleuses qui apposent sur leurs produits des signes laissant croire au consommateur qu’ils sont élaborés en France alors qu’en réalité, ils ne le sont pas ou que trop peu. Cette pratique trompeuse aux signes distinctifs d’une origine française est régulièrement dénoncée sur les réseaux sociaux, dans la presse ou par les associations de consommateurs, sans que rien ne change. Encore récemment, en janvier 2021, le magazine « Produire en France » a lancé une pétition s’attaquant à l’utilisation abusive du drapeau français pour des produits fabriqués à l’étranger.

A côté des indications géographiques et des appellations d’origine, de plus en plus de labels certifiant l’origine française du produit font leur apparition sur le marché national, notamment le label « Origine France Garantie » créé à l’initiative d’Yves Jégo qui garantit que 50% a minima du prix de revient unitaire est français et que le produit prend ses caractéristiques essentielles en France. Ces logos permettent au consommateur d’être certain qu’il achète un produit français.

Cependant, l’existence de ces certifications n’empêche pas l’utilisation d’une mention « fabriqué en France », du drapeau bleu blanc rouge, de la carte de France, ou de tout autre emblème laissant à penser que le produit a été fabriqué en France. Or, si parmi les produits arborant un signe distinctif d’une origine française, certains peuvent légitimement invoquer une fabrication française, d’autres au contraire n’entretiennent qu’un lien très ténu voire inexistant avec le territoire national.

L’emploi abusif de signes distinctifs d’une origine française emporte deux conséquences néfastes : il trompe le consommateur sur un élément substantiel du produit qu’il pense acheter et il fausse la concurrence avec les produits réellement fabriqués en France dont le prix est souvent plus élevé en raison des diverses charges et obligations qui pèsent sur nos entreprises.

Il est donc impératif que l’utilisation de la mention « fabriqué en France », des emblèmes français, ou de tout autre signe laissant à penser que le produit a été fabriqué en France soit réservé aux produits qui le sont substantiellement. Le bénéfice marketing du « made in France » ne saurait être dévoyé par des entreprises qui ne contribuent qu’à la marge à la vitalité et à la souveraineté économiques du pays.

Il appartient donc au législateur de créer un cadre juridique contraignant qui apporte au consommateur la certitude qu’il achète réellement un produit d’origine française et sanctionne efficacement les fraudes.

En l’état du droit, deux modalités de contrôle coexistent, la première effectuée par les agents de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) et la seconde par les agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Au titre du contrôle douanier, l’article 39 du code des douanes réprime, à l’importation en vue d’une commercialisation en France, les produits étrangers portant « une marque de fabrique ou de commerce, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire qu’ils ont été fabriqués en France ou qu’ils sont d’origine française ».

Au titre du contrôle des fraudes commerciales, la DGCCRF est compétente pour contrôler la véracité de toutes mentions et signes, notamment le marquage d’origine, figurant sur l’étiquetage des marchandises commercialisées sur le territoire national.

Ses agents sont habilités à relever les infractions à l’article L. 121‑1 du code de la consommation lequel énonce qu’une pratique commerciale est trompeuse « lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : (…) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : (…) son origine, (…) ».

Par conséquent, ces dispositions, qui sont assorties de sanctions pénales (article L.213‑1 du code de la consommation), permettent de réprimer toute indication de l’origine, quelle que soit sa forme, qui serait fausse ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l’origine réelle du produit qui lui est proposé à la vente.

Mais, qu’il s’agisse du contrôle réalisé au stade de l’importation ou de celui opéré au stade de la commercialisation, ces contrôles s’effectuent au regard des règles dites « d’origine non préférentielle » énoncées par l’article 60 du code des douanes de l’Union qui déterminent l’origine du produit (Cf. circulaire du 13 mai 2016 « marquage de l’origine et protection de l’origine française en application de l’article 39 du code des douanes », NOR : FCPD1612836C).

L’origine française du produit est ainsi contrôlée par les autorités françaises uniquement par rapport à leur conformité aux critères cumulatifs posés par ces règles dont la teneur est la suivante : « Les marchandises dans la production de laquelle interviennent plusieurs pays ou territoires sont considérées comme originaires de celui où elles ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important. »

En d’autres termes, il suffit qu’une transformation suffisamment importante du produit ait été réalisée en dernier lieu en France pour permettre au produit d’être étiqueté « fabriqué en France » ou porter un signe distinctif laissant supposer son origine française.

Concrètement, cela signifie qu’il n’est pas exigé que le produit ait été principalement transformé en France ni même que les matières premières qui le composent aient été majoritairement issues du sol français, ni que son coût de revient y ait été essentiellement généré.

A l’évidence, les règles « d’origine non préférentielle » actuellement en vigueur pour déterminer l’origine française des produits commercialisés sur le territoire ne sont pas en adéquation avec l’idée que se fait le consommateur d’un produit « made in France ». De fait, le consommateur est aujourd’hui trompé en toute légalité sur l’origine du produit qu’il achète, origine qui constitue pourtant un élément substantiel motivant son achat.

En Suisse, depuis 2017, la législation impose qu’un produit ne puisse être considéré comme suisse que s’il possède un lien fort avec le sol helvétique. Pour les denrées alimentaires, deux conditions doivent être remplies : il est nécessaire que 80% au moins du poids des matières premières ou des ingrédients qui les composent proviennent de Suisse et que l’étape de production essentielle ait lieu en territoire helvétique. S’agissant des produits industriels, ceux‑ci sont considérés suisses si 60% au moins du coût de revient est généré sur le sol helvétique et que l’activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles se déroule également en Suisse.

Il serait opportun de s’inspirer d’un tel dispositif ainsi que des exigences posées par le label « Origine France Garantie » pour interdire l’emploi de signes distinctifs d’une origine française aux produits qui ne méritent pas une telle publicité et préserver les filières de production françaises.

Telle est l’ambition de la présente proposition de loi.

Juridiquement, en raison de la compétence exclusive de l’Union européenne en matière douanière, il est interdit au législateur national de modifier les critères du contrôle douanier sur l’origine qui sont expressément fixés par l’article 60 du code des douanes de l’Union.

Les Etats membres disposent en revanche d’une compétence partagée avec l’Union européenne en ce qui concerne la protection des consommateurs. Or, aucun texte contraignant n’a aujourd’hui totalement harmonisé la question de l’information des consommateurs sur l’origine géographique des produits commercialisés au sein du marché unique. Certes le considérant (33) du règlement (UE) n° 1169/2011 du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires dispose que le contrôle de l’origine des denrées alimentaires se fondera sur les règles « d’origine non préférentielle » mais la force juridique d’un tel énoncé demeure incertaine. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives peut laisser espérer qu’une mesure nationale qui durcirait les critères du marquage de l’origine puisse être justifiée par l’exigence impérieuse que constitue la protection des consommateurs.

Au vu de l’imprécision des règles européennes sur la question de la publicité sur l’origine, rien n’interdit donc au législateur français de modifier les critères fondant le contrôle de l’emploi de mentions, allégations ou signes laissant supposer une origine donnée.

La seule limite certaine concerne la rédaction de la mesure qui ne doit en aucun discriminer entre les produits nationaux et étrangers. Aussi les critères édictés devront‑ils être également applicables aux produits d’origine étrangère.

Le dispositif du présent texte entend ainsi modifier les critères pris en compte pour le contrôle de la publicité sur l’origine afin qu’ils correspondent à la conception du consommateur final d’un produit étiqueté « made in ».

Afin que les règles « d’origine non préférentielle» issues de la législation européenne douanière cessent de constituer la norme de référence pour le contrôle de l’origine en matière commerciale, l’article unique de la présente proposition de loi étend le régime de la présomption de « pratique commerciale trompeuse » de l’article L. 121‑4 du code de la consommation à la pratique consistant en l’usage de mentions, allégations ou signes affirmant ou laissant supposer une origine géographique pour les produits qui ne remplissent pas les conditions suivantes : 1) avoir pris ses caractéristiques essentielles dans le pays ou la région considéré 2) y avoir acquis au moins 80 % du prix de revient unitaire en ce qui concerne les produits alimentaires ou au moins 50 % pour les produits non‑alimentaires.

 


proposition de loi

Article unique

L’article L. 121‑4 du code de la consommation est complété par un 24° ainsi rédigé :

« 24° D’user sur un produit destiné au consommateur final ou dans une publicité pour ce produit d’une mention, d’une allégation ou de tout autre signe affirmant ou laissant supposer une origine géographique lorsque le produit n’a pas pris ses caractéristiques essentielles dans le pays ou la région considéré et n’y a pas acquis au moins 80 % du prix de revient unitaire en ce qui concerne les produits alimentaires ou au moins 50 % en ce qui concerne les produits non alimentaires. »