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N° 4546

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un contrôle systématique du juge des mesures d’isolement ou de contention,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, JeanChristophe LAGARDE, Guy BRICOUT, JeanYves BONY, Typhanie DEGOIS, Stéphanie KERBARH, Philippe BENASSAYA, Luc LAMIRAULT, MarieFrance LORHO, Martine WONNER, Sébastien CHENU, Gérard MENUEL, Bénédicte TAURINE, Graziella MELCHIOR, Victor HABERTDASSAULT, JeanLuc REITZER, Sophie MÉTADIER, Jennifer DE TEMMERMAN, JeanClaude BOUCHET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a un an, le Conseil Constitutionnel se prononçait sur la compatibilité des dispositions de l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique avec l’article 66 de la Constitution, notamment » en ce qu’elles ne prévoient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d’isolement et de contention mises en oeuvre dans les établissements de soins psychiatriques ».

Cet article prévoyait les contours des mesures d’isolement et de contention dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement. Ces mesures s’inscrivent dans une démarche thérapeutique afin de protéger le patient de violences imminentes liées à un trouble mental que ce soit pour eux‑mêmes ou pour les praticiens les encadrant. Si le cadrage législatif de l’hospitalisation sans consentement permet une intervention systématique du juge des libertés et de la détention, ce personnage central était assez mystérieusement peu réquisitionné dans le contentieux de l’isolement ou de la contention.

À ce titre, le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article L. 3222‑5‑1 inconstitutionnel considérant que si « l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté […]. En revanche, la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles audelà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s’ensuit qu’aucune disposition législative ne soumet le maintien à l’isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l’article 66 de la Constitution ».

Dès lors, le juge constitutionnel considérait que le législateur aurait dû fixer les conditions garantissant la sauvegarde de la liberté individuelle en prévoyant l’intervention du juge dans le plus court délai possible.

La loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 est venue pallier cette inconstitutionnalité. Le nouveau dispositif rappelle que ce sont « des pratiques de dernier recours » et qu’elles doivent être prises « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui ».

Une durée limite légale a été fixée pour chaque mesure au regard des recommandations faites par la Haute Autorité de Santé (HAS, Recommandation de bonne pratique, isolement et contention en psychiatrie générale, févr. 2017) :

– une mesure d’isolement peut être prise par un psychiatre pour une durée maximale de douze heures et être renouvelée, si l’état de santé du patient le nécessite, par périodes de douze heures, dans la limite d’une durée totale de quarante‑huit heures ;

– une mesure de contention peut être prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes de six heures, dans la limite d’une durée totale de vingt‑quatre heures.

Dans le cas exceptionnel où la mesure d’isolement excède quarante‑huit heures ou la mesure de contention vingt‑quatre heures, le médecin doit informer sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure.

Doivent également être informés :

– la personne faisant l’objet des soins ;

– les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;

– la personne chargée d’une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l’objet des soins ;

– son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;

– la personne qui a formulé la demande de soins ;

– un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins ;

– le procureur de la République.

Ces personnes peuvent saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure d’isolement ou de contention, et doivent être informées par le médecin de ce droit.

Dans le cas d’une telle saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt‑quatre heures.

Par ailleurs, lorsque le médecin prend une quatrième mesure d’isolement ou de contention sur une période de quinze jours, il devra obligatoirement en informer le juge des libertés et de la détention ainsi que les personnes précédemment énumérées.

Si les prescriptions faites par le Conseil constitutionnel en 2020 semblent être respectées, un nouveau rebondissement vient mettre à mal le nouveau dispositif.

En effet la juridiction de nouveau saisie par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité a censuré dans une décision n° 2021‑912/913/914 QPC en date du 4 juin 2021 l’alinéa 3 du II de l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique fixant les conditions dans lesquelles une personne en hospitalisation sans consentement peut être placée en isolement ou en contention, jugeant que le contrôle judiciaire mis en place par cette disposition était insuffisant.

Les juges ont estimé qu’en ne soumettant pas le maintien en isolement ou en contention du patient au‑delà du délai légal à un contrôle systématique du JLD, l’article L. 3222‑5‑1 alinéa 3 du code de la santé publique violait l’article 66 de la Constitution protégeant les individus contre toute détention arbitraire.

La censure, dont les effets sont différés au 31 décembre 2021, concerne les troisième et sixième alinéas de l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique, relatifs à l’information du juge lorsque le médecin prend plusieurs mesures :

– consécutives d’une durée excédant quarante‑huit heures pour l’isolement ou vingt‑quatre heures pour la contention ;

– ou d’une durée cumulée excédant, sur une période de quinze jours, quarante‑huit heures pour l’isolement et vingt‑quatre heures pour la contention.

Par conséquent, la présente proposition de loi vise à instaurer un contrôle systématique du JLD au‑delà d’une certaine durée.

L’article 1er prévoit qu’au‑delà de la limite légale fixée, à savoir 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la contention, le directeur de l’établissement informe le JLD qui peut s’autosaisir.

De plus, avant l’expiration du délai de 72 heures pour l’isolement et 48 heures pour la contention, la saisine du JLD est obligatoire et celui‑ci doit statuer dans un délai de 24 heures après l’expiration des délais précités.

De plus, cette procédure devra s’appliquer également en cas de cumul arrivant à 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la contention dans un délai de 15 jours.

En conséquence des modifications apportées, les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi modifient les articles L. 3211‑12, L. 3211‑12‑2 et L. 3211‑12‑4 du code de la santé publique.

 


proposition de loi

Article 1er

Le II de l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« II. ‒ La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de douze heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de quarante‑huit heures. « La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de six heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de vingt‑quatre heures.

« À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au‑delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du présent II, la mesure d’isolement ou de contention, dans le respect des autres conditions prévues au I et aux mêmes deux premiers alinéas du présent II. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l’article L. 3211‑12 dès lors qu’elles sont identifiées.

« Au‑delà des durées fixées aux alinéas précédents, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure, le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention :

« 1° Avant l’expiration de la soixante‑douzième heure de placement en isolement ;

« 2° Avant l’expiration de la quarante‑huitième heure de placement sous contention.

« Le juge des libertés et de la détention statue dans les vingt‑quatre heures après l’expiration des durées prévues aux alinéas précédents.

« Le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure dans les conditions prévues au I et aux alinéas précédents. Si le renouvellement de la mesure est nécessaire après deux décisions de maintien du juge des libertés et de la détention, celui‑ci est saisi au moins vingt‑quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la précédente décision rendue. Il statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Il peut être saisi de nouveau au moins vingt‑quatre heures avant l’expiration de chaque délai de sept jours. Il statue dans les mêmes conditions.

« Lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée de la mesure, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante‑huit heures. Toutefois, si la situation du patient rend impossible d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui, le médecin peut prendre une mesure avant l’expiration du délai susmentionné.

« Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211‑12‑1.

« Pour l’application du présent II, une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante‑huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention. En‑deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et les dispositions des trois premiers alinéas du présent II relatifs au renouvellement des mesures lui sont applicables.

« Les dispositions des troisième à sixième alinéas du présent II s’appliquent également lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante‑huit heures pour l’isolement et de vingt‑quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II. »

Article 2

Le deuxième alinéa du I de l’article L. 3211‑12 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les mots : « du troisième alinéa du II » sont supprimés ;

2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il statue dans un délai de vingt‑quatre heures à compter de sa saisine. » ;

Article 3

Le III de l’article L. 3211‑12‑2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « du II » sont supprimés et après les mots : « d’office », sont insérés les mots : « ou qui a été saisi aux fins de prolongation de celle‑ci » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le juge de la liberté et de la détention statue dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. » ;

Article 4

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3211‑12‑4 du code de la santé publique, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 3222‑5‑1, ».