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N° 4551

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la lutte contre la violence dans les stades de football et à augmenter les sanctions individuelles contre les voyous,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Emmanuel MAQUET, Damien ABAD, Bernard BOULEY, Philippe BENASSAYA, JeanClaude BOUCHET, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Stéphane VIRY, Bernard BROCHAND, Isabelle VALENTIN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le retour des supporters dans nos stades de football, la violence de quelques voyous s’est aggravée. Malgré l’existence d’un arsenal législatif solide, la perspective et l’effectivité de sanctions individuelles fortes semblent insuffisantes. Pour l’honneur de ce grand sport populaire qu’est le football, il est urgent d’agir fermement en individualisant plus fortement les sanctions sans tomber automatiquement dans des sanctions sportives, comme le huis‑clos, qui pénalisent les vrais supporters.

Ainsi, depuis la reprise du championnat, chaque journée de Ligue 1 s’est vue accompagnée de son lot d’incidents et de violences. Entre Montpellier‑Marseille le 8 août, Nice‑Marseille le 22 août, Lens‑Lille le 18 septembre, Montpellier‑Bordeaux avec la prise pour cible d’un car de supporters bordelais, Metz‑PSG avec l’arrivée sur la pelouse de plusieurs dizaines de supporters messins, ou encore lors du match Angers‑Marseille où des jets de projectile ont été observés des deux côtés et une bagarre a éclaté sur la pelouse, il est plus que nécessaire de mettre un terme à ces violences.

Pourtant, il existe dans les règlements tout un arsenal de mesures (huis clos, retrait de points, interdiction de stades, amendes…) pour empêcher ces débordements. L’excellente loi Larrivé était, à ce titre, on ne peut plus pertinente : oui, le cadre législatif est clair et offre moultes dispositifs coercitifs. Tout d’abord, depuis 2016, les clubs disposent d’un instrument qui leur est propre : l’interdiction commerciale de stade (ICS). Il ne sagit ni dune interdiction administrative de stade, qui peut être décidée par la préfecture, ni dune interdiction judiciaire de stade, peine prononcée par un tribunal. Concrètement, les personnes visées par ces ICS ne peuvent plus acheter de places à leurs noms. Et le club peut leur refuser laccès aux tribunes sils tentent dy entrer. Linterdiction commerciale de vente sanctionne des « manquements aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur concernant la sécurité », selon le Code du sport. Cette interdiction ne peut pas excéder 18 mois. Cette sanction fut utilisée par le Racing Club de Lens le 23 septembre dernier à l’encontre de 17 personnes en réponse aux débordements qui avaient précédé.

Autre moyen coercitif prévu par le code du sport : l’interdiction administrative de stade (IAS). Semblable à l’ICS, l’IAS peut être prononcée par le préfet pour une durée maximum de 24 mois et de 36 mois en cas de récidive si, dans les trois années précédentes, cette personne a fait l’objet d’une mesure d’interdiction. Enfin, l’interdiction de stade (IDS) est une décision de justice qui suspend l’accès de certains individus aux enceintes sportives parce qu’ils se sont conduits de façon répréhensible durant des compétitions organisées en leurs seins. Celle‑ci ne peut pas excéder une durée de 5 ans.

Plutôt que de pénaliser l’ensemble des supporters, il nous semble opportun de mettre en place un dispositif individualisé qui mette hors d’état de nuire ceux qui sont en train de dénaturer, dentacher, par leurs exactions, les manifestations sportives. Les supporters ne sauraient pâtir des agissements délictuels de certains voyous qui sous prétexte de « supporter leur club » en profitent pour contrevenir à l’ordre public. Il nest plus question de sport quand on vient en tribune pour en découdre ou envahir la pelouse. Les supporteurs ne sont pas les seuls à être las de ces péripéties, certains joueurs aimeraient mettre un terme à une situation dont ils sont les premières victimes : « Il faut que les supporters se calment, même si ça fait plaisir d’évoluer dans des ambiances festives, comme cela a été le cas ce soir. Il faut que les familles puissent venir au stade tranquillement. Cest vrai que depuis le début la saison, il y a eu pas mal dincidents. Je pense que les décisions prises n’ont pas forcément été assez dures. Quand on envahit un terrain, pour moi, il doit y avoir des sanctions beaucoup plus dures pour que cela évite de se reproduire » regrettait lattaquant montpelliérain Valère Germain le 22 septembre dernier. 

Pour endiguer ces violences, je propose une plus ferme individualisation des sanctions et une plus grande responsabilisation des clubs.

Tout d’abord, il s’agirait de doubler les durées possibles des sanctions afin de dissuader les supporters de troubler la tranquillité de la manifestation sportive. Ainsi, par exemple, :

– l’interdiction administrative de stade, limitée actuellement à 24 mois, passerait à 48 mois au minimum ;

– l’interdiction commerciale de stade, limitée actuellement à 18 mois, passerait à 36 mois au minimum ;

– l’interdiction judiciaire de stade, limitée actuellement à 5 ans, passerait à 10 ans minimum.

Dans notre réflexion collective, il nous semblerait opportun de réfléchir jusqu’à des peines planchers automatiques qui doubleraient la durée de l’interdiction à chaque récidive, voire permettraient de prononcer des interdictions définitives d’accès au stade dans certains cas. Il est, en effet, inconcevable de continuer à pénaliser tous les supporters pour quelques individus violents.

Incontestablement, l’enjeu est d’individualiser les peines et les sanctions. Selon Frédéric Thiriez, l’ancien président de la Ligue de Football Professionnel (LFP), il n’y aurait que 500 personnes interdites de stade en France contre 3 000 en Allemagne et 10 000 en Angleterre.

Il s’agit aussi dans un second temps de responsabiliser les clubs et la ligue qui rechignent trop souvent à mettre en application l’arsenal législatif existant et qui pourraient être punis d’une amende dissuasive (recette du match pour le club, % droits TV pour la Ligue par exemple) en cas de non application de sanctions individuelles contre les voyous. En effet, les ICS ne dépendent que du bon vouloir des clubs. Or il est fréquent que pour ne pas se mettre à dos certains groupes de supporters, de nombreux clubs ne formulent pas d’interdiction commerciale de stade.

Ainsi, il vous est proposé de doubler au moins les durées possibles des sanctions d’interdictions de stade et de responsabiliser les clubs comme la Ligue professionnelle pour en faire de vrais acteurs dans la lutte contre les troubles à l’ordre public lors des manifestations sportives.

 


proposition de loi

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article L. 332‑16 du code du sport est ainsi modifié :

1° La deuxième phrase est ainsi rédigée : « Il est valable au minimum pour une durée de quarante‑huit mois. » ;

2° Le début de la dernière phrase est ainsi rédigé : « Cette durée minimum est portée à soixante‑douze mois si, dans les… (le reste sans changement). »

Article 2

À la fin de la première phrase de l’article L. 332‑11 du code du sport, les mots : « qui ne peut excéder cinq ans » sont remplacés par les mots : « d’au minimum dix ans ».

Article 3

L’article L. 332‑22 du code du sport est ainsi rétabli :

« Art. L. 33222.  Repose sur les clubs professionnels une obligation d’assurer la sécurité et le maintien de l’ordre public lors de la manifestation sportive au sein de l’enceinte sportive du club et à ses alentours.

« Ils doivent veiller à la bonne application des sanctions individuelles.

« En cas de non application des sanctions individuelles après des débordements, le club peut se voir sanctionné d’une amende qui peut aller jusqu’à la totalité de la recette du match concerné. »