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N° 4552

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la cohérence du droit pénal
des étrangers en situation irrégulière,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLouis THIÉRIOT, Emmanuel MAQUET, Laurence TRASTOURISNART, Édith AUDIBERT, Bernard DEFLESSELLES, Philippe BENASSAYA, Éric PAUGET, Patrick HETZEL, Véronique LOUWAGIE, Bérengère POLETTI, JeanClaude BOUCHET, Brigitte KUSTER, Pierre VATIN, Virginie DUBYMULLER, Robert THERRY, Émilie BONNIVARD, Josiane CORNELOUP, Marc LE FUR, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Raphaël SCHELLENBERGER, PierreHenri DUMONT, Michel VIALAY, Bernard PERRUT, Marianne DUBOIS, Ian BOUCARD, Charles de la VERPILLIÈRE, Michel HERBILLON, Bernard BROCHAND, Robin REDA, JeanJacques GAULTIER, Thibault BAZIN, AnneLaure BLIN, Stéphane VIRY, Annie GENEVARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le régime juridique de l’éloignement forcé des étrangers en situation irrégulière fait l’objet de réformes récurrentes face à son manque d’effectivité. Force est de constater cependant que des incohérences subsistent malgré l’action répétée du législateur. Le meurtre du père Olivier Maire le 9 août 2021 par un homme d’origine rwandaise, qui s’était vu notifié à quatre reprises l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais qui était resté en France du fait d’un contrôle judiciaire impliquant sa présence, a mis en lumière l’une de ces incohérences.

 Ce drame interroge légitimement les défaillances du système de reconduite à la frontière ayant abouti à ce qu’un étranger en situation irrégulière soit demeuré sur le territoire français malgré le refus de sa demande d’asile en 2013 et la notification de quatre OQTF. Mais il fait apparaître en particulier une contradiction entre les mesures administratives et judiciaires, étant donné que l’enquête judiciaire visant le suspect de l’incendie de la cathédrale de Nantes a interrompu la procédure administrative d’éloignement en cours.

En effet, le contrôle judiciaire est une mesure qui soumet la personne mise en cause dans une affaire pénale à une ou plusieurs obligations dans l’attente de l’audience, ces dernières pouvant impliquer son maintien sur le territoire. Ce fut le cas en l’espèce : lors de l’incendie de la cathédrale de Nantes, le suspect a été mis en examen, incarcéré du 20 juillet 2020 au 31 mai 2021, puis libéré sous contrôle judiciaire avec obligation de résidence et pointage bimensuel.

 Cette proposition vise à mettre fin aux jurisprudences contradictoires des juges administratifs et judiciaires, ainsi que aux incohérences du droit français afin d’assurer la sauvegarde de l’ordre public, qui est un objectif à valeur constitutionnelle. Selon l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 9 mai 2014 relatif à la situation des personnes étrangères détenues, « rien n’interdit théoriquement à la loi (…) de différencier les régimes de détention entre français et étrangers ». Il s’agit donc de rendre impossible le prononcé par le juge judiciaire de mesures avant ou après jugement à l’encontre d’une personne n’ayant pas de titre de séjour régulier ; et à l’inverse d’interdire, à titre transitoire, l’expulsion du territoire national de personnes sous le coup de mesures judiciaires impliquant leur présence, afin de ne pas les soumettre à un risque pénal important lié à l’impossibilité de respecter ces obligations.

 Une telle réforme permettra que le juge judiciaire ne puisse pas prononcer de contrôle judiciaire, ni de mise à l’épreuve à l’encontre d’une personne n’ayant pas de titre de séjour régulier. Ainsi, la détention provisoire sera prononcée pour les seuls besoins de l’enquête, les procédures de jugement immédiates privilégiées, la détention effective si nécessaire ou une expulsion du territoire dans les autres cas, après le jugement et après exécution de la peine ferme éventuelle.

 En vue de renforcer encore la cohérence du régime juridique de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, cette proposition vise également à supprimer la suspension et l’annulation de l’interdiction de rester en France par la libération conditionnelle. De même, la procédure prévue à l’alinéa 1 de l’article 729‑2 du code de procédure pénale est systématisée, permettant de pallier l’impossible aménagement des peines en autorisant le juge à ordonner la libération conditionnelle d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dès lors que celle‑ci est exécutée, y compris sans le consentement de l’intéressé.

 


proposition de loi

Article unique

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 137‑5 est ainsi rétabli :

« Art. 1375. – La personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut bénéficier des mesures prévues aux sous‑sections 1 et 2 de la présente section. » ;

2° Le second alinéa de l’article 729‑2 est supprimé.

II. – Après l’article 132‑1 du code pénal, il est inséré un article 132‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. 13211. – Une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut être condamnée à une peine nécessitant pour son exécution sa présence sur le territoire national, à l’exception de l’emprisonnement, la détention criminelle ou la réclusion criminelle effectifs au sein d’un établissement pénitentiaire.

« Aucun aménagement de peine nécessitant pour sa bonne exécution la présence du condamné sur le territoire français ne peut être accordé à une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire national ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français.

« Les peines d’emprisonnement, de détention criminelle ou de réclusion criminelle des personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article ne peuvent être aménagées que selon les modalités prévues à l’article 729‑2 du code de procédure pénale. »

III. – Le chapitre IV du titre VI du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 264‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2642. – Les mesures d’éloignement d’un étranger faisant l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire, dont l’exécution nécessite sa présence sur le territoire français, sont conditionnées à l’accomplissement des obligations mises à sa charge. »