1

Description : LOGO

N° 4555

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à moderniser la lutte contre la contrefaçon,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. PierreYves BOURNAZEL, Christophe BLANCHET, Olivier BECHT, les membres du groupe Agir ensemble (1), Patrick MIGNOLA et des membres du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés (2),

députés.

____________________________________

(1) Mesdames et Messieurs : Olivier Becht, Pierre‑Yves Bournazel, Annie Chapelier, Paul Christophe, M’jid El Guerrab, Christophe Euzet, Agnès Firmin Le Bodo, Thomas Gassilloud, Antoine Herth, Dimitri Houbron, Philippe Huppé, Loïc Kervran, Aina Kuric, Luc Lamirault, Jean‑Charles Larsonneur, Vincent Ledoux, Patricia Lemoine, Alexandra Louis, Lise Magnier, Valérie Petit, Benoit Potterie, Maina Sage.

(2) Mesdames et Messieurs : Erwan Balanant, Géraldine Bannier, Jean Noël Barrot, Justine Benin, Philippe Berta, Christophe Blanchet, Philippe Bolo, Jean Louis Bourlanges, Blandine Brocard, Vincent Bru, David Corceiro, Yolaine de Courson, Michèle Crouzet, Jean Pierre Cubertafon, Marguerite Deprez Audebert, Bruno Duvergé, Nadia Essayan, Michel Fanget, Isabelle Florennes, Pascale Fontenel Personne, Bruno Fuchs, Maud Gatel, Laurent Garcia, Luc Geismar, Perrine Goulet, Brahim Hammouche, Cyrille Isaac Sibille, Élodie Jacquier Laforge, Christophe Jerretie, Bruno Joncour, Sandrine Josso, Jean Luc Lagleize, Fabien Lainé, Mohamed Laqhila, Florence Lasserre, Philippe Latombe, Patrick Loiseau, Aude Luquet, Max Mathiasin, Jean Paul Mattei, Sophie Mette, Philippe Michel-Kleisbauer, Patrick Mignola, Bruno Millienne, JimmyPahun, Frédéric Petit, Maud Petit, Josy Poueyto, François Pupponi, Richard Ramos, Sabine Thillaye, Frédérique Tuffnell, Nicolas Turquois, Michèle de Vaucouleurs, Philippe Vigier, Sylvain Waserman.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Qualifiée de « crime du XXIe siècle » par l’Organisation mondiale des douanes, la contrefaçon a connu un considérable essor ces dernières années. Alors que la France a été protégée au siècle précédent grâce à la présence d’acteurs expérimentés, engagés et bien organisés, elle n’a pas su s’adapter au nouveau contexte dû à l’ouverture des frontières et au commerce en ligne (le ecommerce).

Pourtant, le constat est clair et, surtout, posé de longue date. Dès 2014, la Cour des comptes avait procédé à un contrôle de la politique publique de lutte contre la contrefaçon, produisant un rapport suivi de peu d’effets. En 2018, le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de l’Assemblée nationale, saisi à l’initiative du député Christophe Blanchet, a demandé à la Cour des comptes d’actualiser ses travaux, sur la base duquel il a produit un rapport d’information.

Le volume de la contrefaçon est difficile à évaluer, s’agissant d’une activité clandestine par nature. La Cour des comptes estime raisonnable, pour 2019, de parler de 10 Mds € de pertes fiscales pour l’État et de plus de 40 000 emplois détruits chaque année ; chiffres approuvés par les rapporteurs du CEC.

Ces travaux ont tous souligné l’inadaptation de notre législation et le besoin d’initiatives parlementaires en matière de lutte contre la contrefaçon. La présente proposition de loi traduit donc en termes législatifs nombre de préconisations et d’avancées particulièrement attendues.

L’état de la lutte contre la contrefaçon montre une pluralité d’acteurs compétents, mais insuffisamment coordonnés. L’article 1 s’attache donc à mettre en place une structure de coordination de la lutte contre la contrefaçon. Un délégué interministériel serait chargé d’animer la politique publique en la matière.

Les articles 2, 3 et 4 viennent renforcer et faciliter l’action des différents acteurs de la lutte contre la contrefaçon. Le niveau de la menace que fait porter ce fléau sur l’économie française ne peut permettre de se satisfaire d’une meilleure utilisation des dispositifs juridiques existants.

L’article 2 institue dans le code de la propriété intellectuelle une amende civile à l’encontre du vendeur de contrefaçon, proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur du délit et aux profits qu’il en aura retirés.

L’article 3 propose d’autoriser aux agents assermentés pour le droit des marques à constater une infraction commise sur internet et à exiger, pour le compte du titulaire de droits, qu’il soit mis fin à l’exposition et à la vente de contrefaçon sur des plateformes commerciales ou des réseaux sociaux.

L’article 4 s’attache enfin à renforcer l’efficience du blocage des sites commercialisant des contrefaçons. D’une part, en permettant l’introduction dans le code de la propriété intellectuelle d’une disposition permettant à l’autorité judiciaire de prononcer la suspension groupée de nombreux noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux. D’autre part, en prévoyant une disposition précisant expressément qu’en cas d’impossibilité de connaître le responsable du site, l’injonction s’adresse au prestataire de service intermédiaire.

L’article 5 propose l’expérimentation du constat d’acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette par la police municipale. Une telle disposition, fortement attendue par la police nationale comme la police municipale, permettrait à celles‑ci de mener une action bien plus efficace face à la vente à la sauvette, qui génère de nombreux troubles et nuisances dans l’espace public. Cette expérimentation avait été adoptée par l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi Sécurité globale, mais elle avait été supprimée lors de la navette parlementaire.

L’article 6 propose quant à lui l’expérimentation pour une durée de cinq ans d’une chambre juridictionnelle dédiée aux litiges relatifs au commerce en ligne afin d’adapter l’organisation judiciaire aux mutations du commerce international en ligne.

 


proposition de loi

Article 1er

Un délégué interministériel à la lutte contre la contrefaçon et à la promotion des droits de propriété intellectuelle est chargé de l’animation et de la coordination des activités de lutte contre la contrefaçon et de promotion de la propriété intellectuelle. Il a notamment pour missions :

1° De superviser les actions d’information à destination du public ;

2° De mettre en œuvre, sous l’autorité du ministre chargé de l’économie, le plan d’action national de lutte contre la contrefaçon.

Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.

Article 2

L’article L. 716‑10 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Après le mot : « puni », sont insérés les mots : « d’une amende civile ou » ;

2° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :

« II. – L’amende civile prévue au I est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur de l’infraction et aux profits qu’il en a retirés. L’action publique peut être éteinte dans les conditions prévues aux articles 495‑17 à 495‑25 du code de procédure pénale, y compris en cas de récidive, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. »

« III. – Les peines réprimant les infractions prévues aux a à d du I peuvent être assorties de la peine complémentaire de confiscation des avoirs tirés de ces infractions. »

Article 3

L’article L. 716‑4‑7 du code de la propriété intellectuelle est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« La preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions du titre Ier du livre VII de la deuxième partie du présent code peut résulter de constats d’agents assermentés et habilités par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.

« Les agents assermentés mentionnés au cinquième alinéa sont autorisés, dans le cadre de leurs attributions, à constater l’infraction et à intervenir, pour le compte des titulaires de droits, auprès de l’autorité administrative ou des autorités judiciaires compétentes.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

Article 4

Le chapitre III du titre Ier du livre VII de la deuxième partie du code de la propriété intellectuelle est complété par deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 7137. – Le détenteur du droit conféré par la marque peut demander de l’autorité judiciaire la suspension ou la suppression groupées de plusieurs noms de domaine ou comptes de réseaux sociaux contrefaisant la marque ou permettant la publication d’offres de vente de produits contrefaisant.

« En cas d’impossibilité à connaître les propriétaires réels des noms de domaine ou comptes de réseaux sociaux, l’action peut être engagée contre un ou plusieurs prestataires de service intermédiaires identifiables.

« Art. L. 7138. – Les plateformes de marchés en ligne, les réseaux sociaux et, le cas échéant, les prestataires de service intermédiaire notifient à leurs utilisateurs les comptes et pages suspendues ou supprimées en application de l’article L. 713‑7.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

Article 5

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, les agents de police municipale peuvent constater par procès‑verbal la contravention prévue à l’article R. 644‑3 du code pénal.

Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement dépose sur le bureau de l’une ou l’autre assemblée un rapport dressant le bilan de cette expérimentation et se prononçant sur l’opportunité et les moyens de la pérenniser.

Article 6

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, une chambre juridictionnelle dédiée aux litiges relatifs au commerce en ligne est mise en place au sein de trois tribunaux judiciaires.

Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement dépose sur le bureau de l’une ou l’autre assemblée un rapport dressant le bilan de cette expérimentation.

Article 7

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.