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N° 4556

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à faire évoluer la formation de sagefemme,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Annie CHAPELIER, Olivier BECHT, les membres du groupe Agir ensemble (1), Philippe BERTA, Sandrine JOSSO, Aude LUQUET, Richard RAMOS, Cyrille ISAACSIBILLE, Maud PETIT, Philippe LATOMBE, Yolaine de COURSON, JeanNoël BARROT, Frédérique TUFFNELL, Laurence VICHNIEVSKY, Jimmy PAHUN, Bénédicte TAURINE, JeanPhilippe NILOR, Karine LEBON, AnneFrance BRUNET, Philippe CHALUMEAU, Fannette CHARVIER, JeanCharles COLASROY, Fabienne COLBOC, Typhanie DEGOIS, Yannick HAURY, Danièle HÉRIN, Sonia KRIMI, Nicole LE PEIH, Claire O’PETIT, Patrice PERROT, Adrien MORENAS, Éric POULLIAT, Mireille ROBERT, Marie SILIN, Sira SYLLA, JeanLouis TOURAINE, Stéphane TROMPILLE, Laurianne ROSSI, Raphaël GÉRARD, Françoise BALLETBLU, Jacqueline MAQUET, Bertrand BOUYX, Barbara BESSOT BALLOT, Mireille CLAPOT, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Carole GRANDJEAN, Denis SOMMER, Caroline JANVIER, Corinne VIGNON, Yves DANIEL, Jacqueline DUBOIS, Claire PITOLLAT, Nicole TRISSE, Huguette TIEGNA, Sophie PANONACLE, Cécile RILHAC, Émilie BONNIVARD, Fabrice BRUN, Josiane CORNELOUP, Philippe MEYER, JeanLuc REITZER, JeanMarie SERMIER, Stéphane VIRY, Gérard MENUEL, Robert THERRY, Isabelle VALENTIN, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Bernard PERRUT, Robin REDA, Yves HEMEDINGER, Ian BOUCARD, Laurence TRASTOURISNART, Bérengère POLETTI, Jennifer DE TEMMERMAN, Jeanine DUBIÉ, Frédérique DUMAS, Olivier FALORNI, Bertrand PANCHER, Benoit SIMIAN, Sylvia PINEL, Michel CASTELLANI, Sébastien NADOT, Delphine BAGARRY, Delphine BATHO, Guillaume CHICHE, Albane GAILLOT, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Fiona LAZAAR, Matthieu ORPHELIN, Cédric VILLANI, MarieNoëlle BATTISTEL, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Isabelle SANTIAGO, Chantal JOURDAN, Béatrice DESCAMPS, JeanChristophe LAGARDE, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Nicole SANQUER, Valérie SIX, Thierry BENOIT, Sophie MÉTADIER, JeanLuc WARSMANN, JeanFélix ACQUAVIVA, Gaël LE BOHEC, Alexandra VALETTA ARDISSON, Pierre HENRIET, Laurence GAYTE, Dominique DA SILVA, Vincent BRU, Philippe VIGIER, Isabelle FLORENNES, Gérard CHERPION, Boris VALLAUD, Paul MOLAC,

députés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Olivier Becht, Pierre‑Yves Bournazel, Annie Chapelier, Paul Christophe, M’jid El Guerrab, Christophe Euzet, Agnès Firmin Le Bodo, Thomas Gassilloud, Antoine Herth, Dimitri Houbron, Philippe Huppé, Loïc Kervran, Aina Kuric, Luc Lamirault, Jean‑Charles Larsonneur, Vincent Ledoux, Patricia Lemoine, Alexandra Louis, Lise Magnier, Valérie Petit, Benoit Potterie, Maina Sage.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Elles font le plus beau métier du monde.

Elles sont les premières personnes à nous accueillir à notre naissance. Ce sont elles qui nous permettent de vivre ce moment si naturel et si exceptionnel en confiance et sécurité.

Pour la femme qui accouche, pour l’enfant qui naît, pour la famille qui s’agrandit, pour ces moments magiques, elles sont le lien unique, la personne ressource, le point d’ancrage.

Elles, ce sont les sages‑femmes, métier si longtemps exclusivement féminin qu’aucun équivalent masculin n’a pu être créé dans notre langue.

On ne peut nier que les dimensions qui sous‑tendent les logiques du métier sont genrées, empreintes d’une pensée naturaliste selon laquelle le rôle de sage‑femme et les qualités professionnelles du métier requièrent les attributs symboliques propres au sexe féminin. Une timide masculinisation s’était amorcée par l’ouverture des études aux hommes en 1984 (seulement !) et par le jeu du classement PCEM1 puis PACES. Elle stagne depuis à environ 2 % de la profession. C’est pourquoi, l’entrée des hommes au sein de la profession vient interroger l’identité professionnelle des sages‑femmes. Mais du fait de la faible masculinisation et de la patientèle exclusivement féminine, la profession de sage‑femme continue de souffrir d’une déconsidération sexuée : « des bonnes femmes qui s’occupent de bonnes femmes » comme le résumait l’une d’entre elles. C’est ainsi que leurs revendications ne sont que peu entendues. Leur visibilité aux yeux de nos concitoyens et de nos politiques est inversement proportionnelle au capital sympathie que nous leur portons.

Si les sages‑femmes ont longtemps été cantonnées au rôle d’accoucheuses, à l’instar de toutes les professions de santé, leur rôle, leur domaine de compétences et leur champ d’action n’ont cessé d’évoluer, de s’élargir et continueront de le faire. Ces évolutions portent d’importantes conséquences sociétales et professionnelles.

Cependant, ces évolutions mettent également en exergue le flou qui persiste sur le statut réel des sages‑femmes et accentuent leur impression d’être dans une zone grise, entre le médical et le paramédical.

Symbole de ce flou, la nomenclature des activités françaises classe les sages‑femmes au sein des professions paramédicales, en invoquant que leur statut médical est une spécificité française et qu’il est préférable de s’aligner sur l’Europe au nom du plus grand nombre. Nous pensons, au contraire, que la France peut s’enorgueillir de cette profession ultra qualifiée et qu’elle devrait plutôt être un modèle inspirant pour les autres pays européens.

L’enseignement connaît, lui aussi, d’importantes évolutions mais par à‑coups, ne reconnaissant jamais pleinement la profession de sage‑femme comme universitaire : à partir de 1992, d’abord à Grenoble, avant d’être généralisée à toute la France en 2002, la première année de PCEM1 devient commune à toutes les écoles de sages‑femmes, faisant passer de 4 à 5 le nombre d’années d’études.

Cette année commune bouleversera profondément la sociologie des étudiants en maïeutique puisque les promotions résulteront désormais d’un classement commun avec la médecine et l’odontologie, puis, à la création de la PACES, avec la pharmacie, et non plus exclusivement d’une orientation choisie par vocation.

Cependant, l’hétérogénéité de l’enseignement perdure puisqu’il résulte de la compétence des régions, créant des disparités importantes sur le territoire national. En effet, à l’issue de la première année commune aux études de santé, les étudiants sages‑femmes intègrent une des 35 écoles de formation. Depuis la loi de décentralisation du 13 aout 2004, ces écoles font l’objet d’une régulation et d’un financement régional. Ce régime correspond à celui des formations paramédicales, en dépit du statut médical des sages‑femmes. L’universitarisation de l’enseignement est donc un impératif pour asseoir définitivement le statut médical de la profession de sage‑femme.

L’entre‑deux ressenti par les sages‑femmes s’illustre par la stagnation du processus d’universitarisation qui aurait dû être finalisé en 2017 comme le fixait l’objectif de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) en 2012 alors que l’intégration des formations au sein de l’Université reste très partielle, avec seulement 11 écoles qui ont opté pour le transfert complet de leur financement au niveau universitaire. 

Nouveaux éléments mais non des moindres, l’évolution démographique causée par une baisse de la natalité et par l’allongement de l’espérance de vie, doit permettre de mieux définir les compétences de la sage‑femme de demain. Dans ce cadre, il est nécessaire de faire évoluer sa formation initiale pour lui donner les outils nécessaires à l’exercice de ses fonctions. Car parallèlement, la profession de sage‑femme ne se limite plus au seul accompagnement de la naissance mais permet d’assurer le suivi gynécologique de toutes les femmes en bonne santé et de leur prescrire une contraception. Elles interviennent également désormais en orthogénie, en PMA, en rééducation périnéale, et plus que jamais, en prévention et en éducation.

La profession de sage‑femme prend en charge la naissance physiologique. Mais petit à petit, les conditions de suivi et de la surveillance de la grossesse, de l’accouchement et du suivi post natal se sont surmédicalisées. Aujourd’hui, 99 % des accouchements ont lieu à l’hôpital et 75 % sous péridurale. Pourtant, une femme sur quatre se dit insatisfaite de ces conditions en invoquant le sentiment d’avoir été dépossédée de son accouchement. Car si la surenchère de logique sécuritaire ne fait que répondre à une demande des parturientes, le paradoxe est constant : en effet, cette demande sécuritaire est couplée à l’exigence d’un accompagnement qui   soit le plus « naturel » possible.

Les sages‑femmes, de par leur statut médical, apportent cette exigence sécuritaire mais rappellent, de par leur champ de compétences que la naissance, bien qu’elle puisse être un moment périlleux dans la vie des femmes, reste un acte physiologique.

C’est ce constat, conjugué au souhait des patientes de pouvoir mettre au monde leur enfant de manière naturelle, qui a récemment abouti à l’expérimentation des maisons de naissance où les sages‑femmes se réapproprient pleinenement leur coeur de profession médicale physiologique.

Les référentiels de formation se sont donc enrichis pour répondre à cette extension de compétences et pour s’adapter à la progression spectaculaire des techniques scientifiques et médicales au cours de ces 40 dernières années. Diagnostic anténatal, monitoring, échographie, nouvelles molécules sont autant d’éléments qui ont technicisé le suivi de grossesse et l’accouchement. L’extension des compétences et l’élargissement des missions concilié à un volume déjà très dense et important de formation nécessite un ajustement pédagogique. Il parait important de souligner que les sages‑femmes françaises sont celles qui disposent du plus de compétences et de responsabilités au niveau européen, ce qui justifie également une formation plus étayée.

C’est pourquoi, nous proposons la création d’un troisième cycle d’études, portant à six le nombre d’années d’études et permettant l’obtention du diplôme d’état de Docteur en Maïeutique.

Enfin, l’évolution de la formation nécessite la création de postes d’enseignants‑chercheurs. Pour être pleinement cohérents, cette création ne peut se faire que par celle d’un statut bi‑appartenant, hospitalier et universitaire permettant le cumul de droit d’activité d’enseignant‑chercheur avec du temps clinique, à l’instar des médecins, dentistes et pharmaciens.

Ces 3 points d’évolution de la formation, à savoir achèvement de l’universitarisation, création d’un 3e cycle universitaire et bi‑appartenance sont la clé de voute pour asseoir définitivement la profession de sage‑femme dans son statut médical et retirer une grande partie des ambiguïtés statutaires.

En conclusion, nous invitons au travers de cette proposition de loi à affirmer le statut médical des sages‑femmes au travers de la formation initiale.

Cette proposition de loi ne se prétend pas exhaustive.

Cependant, à sa modeste échelle, elle essaie d’amener des solutions à ce mal‑être grandissant et justifié de cette profession pourtant si aimée de nos concitoyens.

Aussi, entendons les sages‑femmes qui nous disent :

« On vous fait naître, il faut nous reconnaître ».

L’article 1er pose les bases de l’intégration universitaire de la formation de sage-femme dans la perspective d’homogénéiser le niveau de formation des sages-femmes, de décloisonner les formations en santé et de tendre vers une plus grande égalité entre les étudiants en maïeutique. Cette intégration universitaire doit être l’occasion de revaloriser la formation initiale de sage-femme.

L’article 2 vise à consacrer la création du troisième cycle d’études pour les étudiants en maïeutique. Ce dernier doit notamment permettre de développer les connaissances des sages-femmes relatives à la néonatalogie ainsi qu’aux nouvelles technologies et techniques concernant l’exercice en maïeutique et en périnatalité. Il doit également permettre de renforcer la capacité de discernement des sages-femmes entre les situations relevant du physiologique et celles relevant du pathologique pour une étroite collaboration avec les médecins. À l’issue de ce troisième cycle, les étudiants en maïeutique obtiennent le diplôme d’État de docteur en maïeutique.

L’article 3 vise à prévoir la possibilité aux doctorants de la filière maïeutique d’exercer simultanément leur activité professionnelle et des activités d’enseignement et de recherche. Cette bi-appartenance est aujourd’hui possible pour les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes et les médecins mais pas pour les sages-femmes qui doivent encore choisir entre la pratique clinique et la pratique de l’enseignement et de la recherche. La bi-appartenance permettrait une combinaison optimale entre théorie et pratique pour une meilleure actualisation de leurs connaissances et de l’enseignement prodigué.

L’article 4 vise à reconnaître l’activité de sage-femme comme une activité de pratique médicale au sein de la nomenclature des activités françaises. Aujourd’hui, cette nomenclature la considère comme une pratique paramédicale, alors même que le code de la santé publique considère la profession de sage-femme comme une profession médicale. La nomenclature des activités françaises devant être proche de la nomenclature statistique des activités économiques dans la communauté européenne, cet article vise donc à se rapprocher autant que possible de la classification européenne, tout en tenant compte des spécificités françaises : la France est aujourd’hui le seul pays où la profession de sage-femme est considérée comme une profession médicale.

L’article 5 prévoit les dispositions relatives à la compensation de la charge pour les organismes de sécurité sociale.


proposition de loi

Article 1er

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le mot : « de », la fin du 1° de l’article L. 4151-5 est ainsi rédigé : « docteur en maïeutique ; »

2° Après le mot : « assurée », la fin de l’article L. 4151-7 est ainsi rédigé : « au sein des unités de formation et de recherche de médecine ou de santé prévues à l’article L. 632-1 du code de l’éducation. Elle est ouverte aux candidats des deux sexes. Les modalités d’application du présent article, dont les dispositions s’appliquent à compter de la rentrée universitaire 2022-2023, sont précisées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé. »

II. ‒ Les articles L. 4151-7-1, L. 4151-8 et L. 4151-9 sont abrogés.

Article 2

I. –  chapitre V du titre III du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 635-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 635-1. – Le troisième cycle des études de maïeutique est accessible aux étudiants ayant obtenu la validation du deuxième cycle des études de maïeutique.

« Ce troisième cycle est d’une durée d’un an. Il vise en particulier à :

« 1° Réaffirmer les connaissances physiologiques des sages-femmes ;

« 2° Approfondir les connaissances relevant du domaine pathologique afin de mieux discerner la frontière physiologique-pathologique ;

« 3° Renforcer les connaissances en néo-natalité ;

« 4° Développer les connaissances des sages-femmes relatives aux nouvelles technologies et techniques concernant l’exercice en maïeutique et en périnatalité.

« Le référentiel de ce troisième cycle d’études est fixé par décret.

« Après validation de ce troisième cycle et soutenance d’une thèse d’exercice, les étudiants obtiennent un diplôme d’État de docteur en maïeutique. »

II. ‒ Au 2° de l’article L. 6153-1 du code de la santé publique, après le mot : « odontologie », il est inséré le mot : « , maïeutique ».

Article 3

Le chapitre V du titre III du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, est complété par un article L. 635-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 635-2. – Les sages-femmes titulaires d’un doctorat peuvent prétendre à la bi-appartenance entre la pratique clinique et la pratique d’enseignement et de recherche.

« Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire. »

Article 4

L’activité des sages-femmes est intégrée à la section 86.2 de la nomenclature d’activités françaises qui regroupe les professions de médecin et de chirurgien-dentiste. Une section « 86.24 ‒ Activité des sages-femmes » est créée à cet effet.

Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire et entrent en vigueur deux ans après la promulgation du décret.

Article 5

I. ‒ La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. ‒ La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.