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N° 4635

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un dispositif de prêt à taux zéro « mobilité durable »,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement),

présentée par Mesdames et Messieurs

Gérard LESEUL, Valérie RABAULT, Joël AVIRAGNET, MarieNoëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, JeanLouis BRICOUT, Alain DAVID, Laurence DUMONT, Lamia EL AARAJE, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, David HABIB, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Jérôme LAMBERT, Philippe NAILLET, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEURCHRISTOPHE, Boris VALLAUD, Michèle VICTORY, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Josette MANIN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De la découverte du moteur à combustion en passant par l’industrialisation de la Ford T au début du XXe siècle et jusqu’à l’explosion de sa production après la seconde guerre mondiale, l’automobile a peu à peu structuré nos vies en s’imposant comme le premier mode de déplacement. Un champ des possibles s’est alors ouvert en permettant à des millions de personnes de se déplacer librement sur de plus longues distances et ainsi d’organiser leur vie professionnelle, sociale et familiale différemment.

Au vu de son histoire, de son développement et de sa démocratisation, l’automobile reste fortement associée aux idées de progrès et de liberté. Mais pour répondre au défi climatique et perpétuer cette réussite, il faut sortir du modèle de la voiture thermique qui contribue largement aux émissions de gaz à effet de serre (GES) et dont les particules fines présentent de graves risques pour la santé.

Les émissions de gaz à effet de serre des transports, premier secteur émetteur en France avec environ 31 % du total national, sont essentiellement dues aux déplacements des personnes en voiture particulière. Utilisées en grande majorité par les ménages, les voitures particulières sont en effet à l’origine de plus de la moitié (51 %) des émissions du secteur des transports.

Afin de respecter les engagements pour le climat entérinés dans le cadre des accords de Paris en 2015, la France doit donc se fixer comme objectif la décarbonation rapide du secteur du transport. Au vu des dernières conclusions alarmantes du 6e rapport du GIEC, le plus tôt sera le mieux.

Pour lutter contre la pollution et mieux respirer dans les grandes villes, le projet de loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets rend obligatoire, d’ici le 31 décembre 2024, la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE‑m) pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Après la ville de Paris, la Métropole du Grand Paris, Grenoble‑Alpes‑Métropole et la Métropole de Lyon, sept collectivités territoriales visées par le décret n° 2020‑1138 du 16 septembre 2020 ont pour la plupart annoncé leur calendrier de mise en place des zones à faibles émissions.

En 2025, il devrait y avoir 45 zones à faibles émissions, soit plus de 10 millions de véhicules concernés par des restrictions de circulation, c’est‑à‑dire environ un quart du parc automobile français.

L’interdiction de circuler dans des zones à faibles émissions repose sur un système de vignette Crit’Air qui permet de déterminer le niveau de pollution d’un véhicule. Le calendrier d’interdiction de circulation des véhicules dans les ZFE‑m a été défini de la manière suivante :

– au plus tard le 1er janvier 2023 : exclusion des véhicules diesel et assimilés dont la date de première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2000 ainsi que les véhicules essence et assimilés dont la date de première immatriculation est antérieure au 31 décembre 1996 (Crit’Air 5) ;

– au plus tard le 1er janvier 2024 : exclusion des véhicules diesel et assimilés dont la date :de première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2005 (Crit’Air 4) ;

– au plus tard le 1er janvier 2025 : exclusion des véhicules diesel et assimilés dont la date de première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2010 ainsi que les véhicules essence et assimilés dont la date de première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2005. (Crit’Air 3).

Les véhicules hybrides rechargeables ne seront pas concernés par ces restrictions, à la condition que leur autonomie électrique en ville soit supérieure 50 km.

Ces mesures permettront d’améliorer la qualité de l’air dans les grandes agglomérations, régulièrement touchées par des épisodes de pollution atmosphérique. Déjà sanctionnée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et par le Conseil d’État pour non‑respect des normes de qualité de l’air, il est temps que la France réagisse. En effet, une étude de Santé publique France menée sur la période 2016‑2019 a démontré que 40 000 décès prématurés étaient attribués chaque année aux particules fines, et 7 000 à cause du dioxyde d’azote présent dans l’air.

Les zones à faibles émissions apparaissent dès lors comme des outils de santé environnementale indispensables mais posent dans le même temps des enjeux de taille en matière de logistique, de moyens et aussi d’inclusion sociale. Des millions de français utilisent en effet quotidiennement leur voiture, pour aller travailler, accompagner leurs enfants à l’école, voir leurs proches, accéder aux services publics ou encore faire des courses. Elle est un moyen de mobilité essentiel dans les territoires péri urbains ou à la campagne et continuera d’être indispensable dans les années à venir. Le défi à relever consiste donc à assurer une transition sociale‑écologique pour permettre aux ménages notamment les plus modestes d’accéder à un véhicule propre et ainsi réaliser la grande mutation du parc automobile français.

D’après les données et études statistiques du ministère de la transition écologique , au 1er janvier 2020, 38,2 millions de voitures sont en circulation en France. Elles ont un âge moyen de 10,2 ans. La part des voitures diesel dans le parc (58,7 %) diminue, mais reste majoritaire. Les motorisations dites « alternatives » représentent 2,3 % du parc. Plus du tiers des voitures en circulation est éligible à la vignette Crit’air 2 . Par ailleurs, sur les près de 10 millions de véhicules concernés par la mise en place d’une ZFE‑m (2), seul un quart est éligible aux vignettes Crit’air « zéro émission » ou Crit’air 1. Dans les territoires au sein desquels une ZFE‑m est déjà en place, cette part n’atteint que 26 %. Pour le dire autrement, la France est en retard dans le renouvellement de son parc automobile. C’est la raison pour laquelle un signal fort doit être envoyé et une véritable solution sur le reste à charge mise en place avec un dispositif de prêt à taux zéro mobilité durable (PTZ mobilité durable).

L’achat d’une voiture n’est pas un acte anodin pour la grande majorité des français. D’après les statistiques du ministère de la transition écologique, la consommation des ménages en service marchand de transport, principalement en transport individuel, représente 15 % de leur consommation totale et croît en moyenne de 2,4 % par an depuis 2004. Les 10 % de ménages les plus modestes consacrent quant à eux 21 % de leur revenu disponible aux transports. Les augmentations récurrentes du prix du gasoil à la pompe, élément déclencheur du mouvement des gilets jaunes, rappellent à quel point il s’agit là d’une préoccupation de premier plan pour le pouvoir de vivre de nos concitoyens. L’achat d’un véhicule peu émetteur demande un investissement de départ plus important que pour un véhicule thermique. Il faut donc un soutien franc et massif pour inciter un changement de consommation.

Les mesures de prime à la conversion et de bonus à l’achat d’un véhicule plus propre et moins émetteur en gaz à effet de serre sont une première brique essentielle du dispositif. Par exemple, le prix moyen d’un véhicule électrique de marque française en entrée de gamme avoisine les 9 000 euros. Le montant de la prime à la conversion calculé à son maximum (5 000 euros), ainsi que le bonus écologique (1 000 euros) couvrent deux tiers des dépenses liées à l’achat du véhicule. Pour autant, le reste à charge (3 000 euros) continue à représenter un frein pour de nombreux ménages, en particulier les plus modestes.

Or le mécanisme de microcrédit actuel, d’ailleurs assez peu connu en France, ainsi que ses modalités (montant de financement, critères d’éligibilité, accompagnement des personnes…) apparaissent insuffisants. De plus, les taux d’intérêt proposés dans le cadre des microcrédits varient fortement en fonction des organismes prêteurs et des territoires. Certains taux peuvent atteindre 7,45 % avec en plus une contribution de solidarité comprise entre 3 % et 5 %. Même si la moyenne se situe aujourd’hui entre 3 % et 4 %, les très grandes différences entre organismes ne sont pas satisfaisantes pour un dispositif qui doit être d’envergure nationale.

Le dispositif de prêt à taux zéro inséré dans le projet de loi n° 2021‑1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est quant à lui profondément lacunaire. Limité dans le temps et dans l’espace, il ne permettra ni de toucher l’ensemble des ménages concernés par une zone à faibles émissions, ni de s’inscrire dans la durée pour réaliser la transition du parc automobile français. Aucune articulation n’est prévue avec les aides existantes et l’absence d’une garantie de l’État ne permettra pas d’inciter réellement les banques à consentir des prêts à taux zéro. Le dispositif tel que proposé manque également sa cible en étant trop restrictif sur les types de véhicules éligibles. Le texte exclut les vélos avec ou sans assistance électrique. Or, compte tenu du contexte de déploiement des zones à faibles émissions, du développement nécessaire de l’intermodalité et de l’ouverture de la prime à la conversion à la mobilité douce, il faut rendre les vélos avec ou sans assistance électrique éligibles afin de favoriser le report modal vers des modes de transport moins polluants. Enfin, son entrée en vigueur prévue pour janvier 2023 et à titre expérimentale apparaît très tardive et sous calibrée pour préparer le déploiement des nouvelles zones à faibles émissions dans le pays.

Afin d’assurer une cohérence des dispositifs d’aide à l’acquisition de véhicules peu polluants, il est proposé d’appliquer les mêmes critères d’éligibilité que ceux de la prime à la conversion (PAC) et définis à l’article D. 251‑3 et suivants du Code de l’énergie. En conséquence, les véhicules électriques ou hybrides rechargeables ainsi que les véhicules thermiques classés Crit’air 1 seront éligibles à ce dispositif.

Aussi, la transition du parc automobile français doit être massive. C’est la raison pour laquelle l’ensemble des ménages dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 21 400 euros par part pourra bénéficier du dispositif de prêt à taux zéro mobilité durable. Cela correspond à un revenu mensuel moyen qui oscille autour de 1780 euros net.

En plus de l’accompagnement budgétaire classique, l’accompagnement humain dans les territoires, notamment par l’intermédiaire du réseau des maisons France Services, permettra d’apporter un conseil et une assistance technique pour les ménages qui souhaitent changer de véhicule.

Outre les aspects social, écologique et de santé publique, cette proposition de loi épouse également une dimension économique forte. Mettre en place un dispositif de prêt à taux zéro garanti par l’État aura pour effet d’accélérer le renouvellement du parc automobile français et donc de faire augmenter la demande pour la filière, fleuron de l’économie française qui souffre particulièrement depuis le début de la crise sanitaire. L’industrie automobile représentait en France en 2018 plus de 210 000 emplois liés à la construction et à la fabrication de véhicules répartis dans plus de 1 600 entreprises. Cependant, le chiffre d’affaires cumulé des principaux constructeurs en 2020 était en baisse de 13 % par rapport à l’année précédente, soit environ 227 milliards d’euros, revenant ainsi au niveau de 2014.

Les grandes ruptures doivent s’accompagner de politiques publiques fortes pour accompagner les transitions et ne laisser personne sur le bord de la route. La présente proposition de loi prévoit donc un dispositif de prêt à taux zéro mobilité durable – complet, ciblé, ambitieux et efficace – en poursuivant un triple objectif :

– environnemental et sanitaire d’abord, pour faire diminuer les émissions de CO2 et améliorer la qualité de l’air ;

– social ensuite, en accompagnant les ménages dans l’achat d’un véhicule moins polluant (véhicules électrique, hybride rechargeable, véhicules Crit’Air 1…) ;

– économique enfin, en envoyant un signal prix incitant à l’achat d’un modèle propre pour relancer le secteur automobile.

L’article premier décline la mise en place d’un dispositif de prêt à taux zéro mobilité durable à partir du 31 mars 2022, les conditions de son obtention, son montant, les modalités de son remboursement, l’accompagnement social des bénéficiaires ainsi que les différents véhicules et solutions de mobilité éligibles.

Il est aussi précisé les règles applicables aux établissements de crédit et aux sociétés de financement concernés par l’octroi d’un tel prêt, notamment en matière d’avantages fiscaux.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – L’article 107 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi rédigé :

« I. – Les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l’article L. 511‑1 du code monétaire et financier peuvent consentir des prêts ne portant pas intérêt aux ménages dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 21 400 euros par part.

« Le revenu fiscal de référence est indexé sur l’évolution de l’indice national des prix à la consommation hors tabac.

« Ces prêts ne portant pas intérêt, dits « prêts à taux zéro mobilité durable », s’articulent avec l’ensemble des aides à l’acquisition existantes afin de limiter au maximum le reste à charge pour les ménages en garantissant une avance des aides financières et droits existants pour l’acquisition d’un véhicule propre.

« Ces prêts sont octroyés lorsque les ménages acquièrent :

« 1° Un véhicule particulier électrique ou hybride rechargeable dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 1,8 tonnes émettant une quantité de dioxyde de carbone inférieure ou égale à 125 grammes par kilomètre ;

« 2° Un véhicule particulier à moteur des catégories M, N et L au sens du présent code satisfaisant aux normes d’émission européenne Euro 4 pour les véhicules de catégorie L et Euro 5 ou 6 pour les véhicules des catégories M et N, au sens du Règlement n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules ;

« 3° Un cycle mécanique, cycle à pédalage assisté, cycle‑cargo, cycle pliant.

« Un dispositif d’accompagnement social est déployé en lien avec les maisons France Services, les centres communaux d’action sociale, les missions locales, Pôle emploi, les plateformes de mobilité existantes dans les collectivités territoriales et les associations de solidarité déjà mobilisées pour permettre de conseiller les ménages sur leurs besoins en matière de mobilité et sur les modalités de financement existantes.

« Aucun frais de dossier, frais d’expertise, intérêt ou intérêt intercalaire ne peut être perçu sur ces prêts.

« Il ne peut être accordé qu’un seul prêt ne portant pas intérêt prévu au présent article pour une même opération.

« Le montant du prêt ne peut pas dépasser 33 % du prix du véhicule et peut être complété par une avance remboursable des aides à l’achat d’un véhicule plus propre.

« II. – Les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l’article L. 511‑1 du code monétaire et financier passibles de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu ou d’un impôt équivalent, ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt au titre des prêts ne portant pas intérêt mentionnés au I du présent article.

« III. – Le montant de la réduction d’impôt mentionnée au II est égal à l’écart entre la somme actualisée des mensualités dues au titre du prêt ne portant pas intérêt prévu au I et la somme actualisée des montants perçus au titre d’un prêt de mêmes montant et durée de remboursement, consenti à des conditions normales de taux à la date d’émission de l’offre de prêt ne portant pas intérêt.

« La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt dû par l’établissement de crédit ou la société de financement au titre de l’exercice au cours duquel l’établissement de crédit ou la société de financement a versé des prêts ne portant pas intérêt. Lorsque le montant de la réduction d’impôt imputable au titre d’une année d’imposition excède le montant de l’impôt dû par l’établissement de crédit ou la société de financement au titre de cette même année, le solde peut être imputé sur l’impôt dû des quatre années suivantes.

« Le solde qui demeurerait non imputé au terme de ces quatre années n’est pas restituable.

« IV. – La garantie de l’État est accordée à hauteur de 90 % au titre des prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement ne portant pas intérêt mentionnés au I du présent article.

« V. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n°     du      visant à instaurer un dispositif de prêt à taux zéro mobilité durable, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant la mise en place du dispositif de prêt à taux zéro mobilité durable.

« VI. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

« VII. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 31 mars 2022. »

Article 2

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la majoration du taux du 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.

II. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la majoration du taux du 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.