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N° 4680

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer dans le code pénal des circonstances aggravantes pour les auteurs de meurtres gratuits,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard BOULEY, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Bernard PERRUT, Alain RAMADIER, Julien RAVIER, Robin REDA, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Pierre VATIN, Stéphane VIRY, Julien DIVE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Les crimes et les délits sont les atteintes aux valeurs que la société tient pour essentielles » (dispositions liminaires du code pénal – 1983).

Le code pénal qui exprime les valeurs de notre société se doit donc de sanctionner au travers des incriminations et des peines qu’il prévoit, les atteintes à la dignité et à l’intégrité des personnes humaines. Il se doit dans le même temps d’être cohérent, adapté à la réalité de son époque et en accord avec la conscience collective.

Aujourd’hui cet instrument juridique se révèle inadapté face au phénomène de meurtre gratuit qui n’est pas nouveau, mais dont l’actualité, année après année, rend compte de l’importance.

Aujourd’hui, des meurtres gratuits sont perpétrés, laissant des familles désemparées dans la souffrance.

Il est temps de rappeler la valeur suprême de la vie humaine face à la banalisation de ces crimes qui nient l’essence même de toute humanité. La forme de meurtre gratuit que nous entendons voir prendre en compte par le droit pénal regroupe toutes les situations qui aboutissent à la mort violente d’un être humain sans motivation raisonnée établie ou pour un motif absolument dérisoire.

C’est par exemple le meurtre commis à la suite d’une réaction totalement disproportionnée face au refus d’une cigarette.

Il est important et urgent de faire figurer ces dispositions dans le code pénal car l’arsenal législatif en vigueur ne permet pas de prendre en compte le caractère gratuit des meurtres. Les dispositions existantes n’offrent pas non plus la possibilité de prononcer des peines lourdes au titre des circonstances aggravantes.

Or ces meurtres gratuits, sans mobile connu, sont générateurs de souffrances extrêmes pour les familles, qui placées devant des faits violents et soudains, sont submergées par le sentiment d’injustice.

Le temps est venu pour le droit de se saisir de cette dimension car c’est l’idée même de justice qui est en cause. Les meurtres gratuits doivent être traités de manière spécifique et il convient de répondre à l’attente forte des familles.

L’établissement du droit de punir a été confié au législateur. Ne pas prendre en compte la gratuité de certains meurtres serait courir le regrettable risque de revenir aux temps anciens de la vengeance ou aux tendances inquiétantes de l’auto‑justice au motif que la législation est inadaptée.

Le sentiment d’une sécurité mal assurée est déjà présent. Il résulte de l’absence d’infraction distinctive, jointe au fait qu’il n’y a parfois pas même de procès en Cour d’assises ni de prononcé de peine par le jeu de la déclaration d’irresponsabilité pénale.

Sans remettre en cause le principe d’irresponsabilité pénale, il est indispensable d’identifier et de traiter de manière significative les crimes gratuits. Ils doivent faire l’objet de sanctions exemplaires car laisser se commettre, décennie après décennie, des meurtres gratuits pour un mauvais regard ou pour l’unique raison « de voir ce que cela fait de tuer quelqu’un » n’est pas envisageable dans un état de droit.

Nous savons également que si nous voulons bénéficier de tout le savoir de l’anthropologie criminelle et des neurosciences pour mieux comprendre l’homme criminel et son acte, cela implique la connaissance précise de ces situations et de la personnalité des meurtriers.

Il est en conséquence absolument nécessaire qu’elles soient catégorisées spécifiquement dans les statistiques de la base du ministère de la Justice pour permettre leur quantification, leur étude et leur suivi et c’est cette proposition de loi, une fois adoptée, qui le permettra.

Aussi, le droit pénal dans l’esprit de respect des droits et des garanties des citoyens, doit adapter sa réponse à l’évolution de la criminalité en s’enrichissant d’une disposition sur le meurtre gratuit. Celle‑ci sera insérée à la suite de l’article 221‑4 du code pénal, qui traite des circonstances aggravantes, la gravité des faits commis justifiant le dépassement de la peine ordinaire.

Seront donc plus sévèrement punis :

– les auteurs de meurtre pour lequel aucune motivation raisonnée n’a pu être établie ;

– les auteurs de meurtre pour lequel le motif avéré revêt un caractère absolument dérisoire ;

– les auteurs de meurtre qui tuent à la suite d’une réaction disproportionnée face à une situation où ils se sentent provoqués (cas bien distinct de l’atteinte injustifiée envers soi‑même ou autrui de la légitime défense de l’article 122‑5 du code pénal).

Le double objectif fort de cette proposition est d’être dissuasive par son caractère de sévérité et en apaisement pour les douleurs des familles confrontées à ces situations terribles.

 


proposition de loi

Article unique

Après le 10° de l’article 221‑4 du code pénal, il est inséré un 11° ainsi rédigé :

« 11° Sans qu’aucune motivation raisonnée au meurtre n’ait pu être établie, ou que le motif avéré revêt un caractère absolument dérisoire, ou que le meurtre est une réaction disproportionnée face à une situation où l’auteur se sent provoqué. »