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N° 4746

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la légalisation de la production, de la vente et de la consommation du cannabis sous le contrôle de lÉtat,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric COQUEREL, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, JeanLuc MÉLENCHON, JeanFélix ACQUAVIVA, Elsa FAUCILLON, Caroline JANVIER, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, FrançoisMichel LAMBERT, JeanBaptiste MOREAU, Matthieu ORPHELIN, Michèle VICTORY, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Adrien QUATENNENS, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Loïc PRUD’HOMME, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi se donne pour objectif de lutter contre le commerce illégal du cannabis par sa légalisation sous contrôle de l’État en France hexagonale et dans les territoires des outre‑mer. Par la décriminalisation de lusage du cannabis et lencadrement de sa production ainsi que de sa commercialisation, cette loi entend rompre avec le paradigme répressif de gestion de cette drogue afin de mettre en œuvre une véritable politique de santé publique à destination des usagers et usagères de ce produit. Elle sinscrit ainsi dans le cadre dune politique de prévention et de réduction des risques, visant à transférer le pilotage des politiques en matière de stupéfiants de la sphère pénale à la sphère médicale. Car lapproche uniquement répressive a montré ses limites en termes de réduction de la consommation de stupéfiants et des risques qui y sont liés. Il est donc temps dopter pour une politique de santé publique adaptée à la réalité des dangers du cannabis.

I. Contexte

A/ Une consommation de cannabis en France en constante augmentation

Selon lObservatoire européen des drogues et des toxicomanies, la France est le premier pays européen en termes de consommation de cannabis([1]). Près de la moitié des Français et Françaises (44,8 %) a fumé au moins une fois dans sa vie alors que la moyenne européenne se situe à 29 %, et atteint seulement 27,7 % aux PaysBas où le cannabis est légal et en vente libre. On évalue à 2 % la proportion des Français et Françaises qui consomment quotidiennement du cannabis. Chez les jeunes, malgré une stabilisation de l’âge de la première expérimentation du cannabis à 15 ans depuis les années 2000, la France est le pays où lusage mensuel du cannabis à 16 ans est le plus élevé dEurope. Et la crise sanitaire na pas arrangé la situation. Au contraire, la consommation de cannabis a augmenté malgré les difficultés dapprovisionnement selon les études Cannabis Online 2020” de lObservatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et de la Global Drug Survey à laquelle participe une équipe de lInstitut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)([2]).

Pourtant, la dangerosité du cannabis est avérée, notamment chez les jeunes. Sa consommation altère le psychisme et nuit au développement cérébral des adolescents qui se poursuit jusqu’à 25 ans. Mais les rares campagnes de prévention peinent à toucher ce public, notamment en raison de la dissonance cognitive que génère la prévention visàvis dune substance prohibée. Cest la raison pour laquelle il convient de changer de paradigme.

Le cannabis se classe à la 6ème position du classement de la Commission globale de politique en matière de drogues en termes de létalité et à la 8ème position en termes de nocivité (indicateur comprenant notamment la mortalité et la morbidité pour soi ainsi que pour les autres, laccoutumance, les conséquences sociales…)([3]). Pour rappel, lalcool se situe à la 3ème position en termes de létalité, derrière lhéroïne (1ère) et le tabac (2ème, à égalité avec la méthamphétamine), et à la première position en termes de nocivité (le tabac arrivant en 6ème position).

Cette contextualisation na pas vocation à minimiser la dangerosité du cannabis mais à replacer sa légalisation dans le cadre plus large de la régulation des substances psychoactives. Comme lalcool et le tabac, le cannabis est un produit dangereux. Et il le devient dautant plus à mesure que les taux de tetrahydrocannabinol (THC), principal composant psychoactif du cannabis, contenus dans les produits vendus illégalement augmentent.

Pour lalcool et le tabac, lencadrement de la production, de la vente et de la consommation permettent de réglementer le taux des substances psychoactives et d’élaborer des politiques de prévention à destination des usagers et usagères.

B/ Le commerce illégal de drogues : un phénomène massif aux conséquences délétères pour les quartiers, leurs habitant·es, les « petites mains » du trafic et les usager·es

Aujourdhui en France, 240 000 personnes vivent des trafics de drogues. On estime son chiffre daffaires à 2 milliards deuros au niveau national, s’agissant du trafic du cannabis. Il sagit donc dune économie très importante qui na plus rien de souterraine([4]).

La crise du covid a généré sur ce marché des pressions importantes telles que des difficultés dapprovisionnement depuis le Maghreb et une augmentation des prix ayant pour conséquence des rivalités extrêmement fortes entre groupes de trafiquants pour la reconquête de territoires.

Les trafics de drogues obéissent en effet aux règles du capitalisme le plus sauvage, et de la concurrence la plus guerrière. Dans ces activités, tout est précaire pour les « petites mains » du trafic, y compris la vie. Elles représentent les premières victimes des règlements de compte sur fond de trafics. En 2018, le SIRASCO (Service dinformation, de renseignement et danalyse stratégie sur la criminalité organisée) a recensé 77 règlements de compte faisant 106 victimes, dont 54 décès([5]). En février 2020, c’était presque une victime par jour. La crise du covid a accru, depuis, ce phénomène.

Ceux que lon appelle « les petites mains », des jeunes souvent mineurs faisant le guet et gérant la vente, sont attirés par « le mythe de largent facile ». Ils ne sont évidemment pas recrutés nimporte où, mais bien dans des quartiers où se trouvent des personnes en précarité économique et sociale, et où le décrochage scolaire est important. Ces quartiers sont donc un terreau de main d’œuvre bon marché prête à simpliquer dans le trafic de stupéfiants pour des raisons de subsistance socioéconomiques.

En définitive, le trafic de drogue gangrène des quartiers entiers, souvent déjà défavorisés. Véritable fléau, il génère, en outre, plusieurs trafics dont celui des armes. Ses victimes sont :

 en premier lieu les habitants et habitantes de ces quartiers qui pâtissent dans leur vie quotidienne dune véritable « privatisation » délinquante de leurs lieux de vie communs (cages descaliers, cités, voies daccès) ;

– les usagers et usagères consommant des stupéfiants de qualité toujours plus dégradée et addictive ;

– la collectivité puisque ces milliards échappent à toute fiscalité et cotisations sociales tout en ayant des conséquences graves en matière de santé publique.

II. Une proposition de loi qui constate l’échec de la politique prohibitive en France.

Depuis trente ans, la consommation na cessé daugmenter. Les personnes consommant au moins une fois dans l’année du cannabis représentaient 4 % de la population en 1990 ; elles et ils représentent 11 % aujourd’hui (proportion nettement supérieure à celles observées en moyenne dans les autres pays européens qui est de 7 %). Pourtant, la prohibition – interdiction juridique de vente et de consommation de drogues – et la répression nont cessé d’être renforcées. Le nombre dindividus arrêtés pour infraction à la législation sur les stupéfiants a été multiplié par 50. Cette politique répressive provoque linterpellation de 150 000 personnes par an, mobilise un million dheures de travail de la police, et a pour conséquence une surpopulation carcérale. En définitive, la politique répressive menée depuis 50 ans na permis de réduire ni la consommation de cannabis, ni le trafic de cette substance. De surcroît, elle a empêché la mise en œuvre de politiques de réduction des risques à destination des usagers et mobilisé de trop nombreux effectifs de police et de justice pour la répression des consommateurs et consommatrices, et des petites mains des trafics.

Lapproche prohibitive soppose à la mise en œuvre dune véritable politique de santé publique à destination des usagers et usagères de cannabis. Par la légalisation, cette proposition de loi permet dengager un véritable travail de prévention et de réduction des risques à destination des usagers potentiels et effectifs.

Dans ce cadre, le ministère de la santé a vocation à devenir lacteur central des politiques publiques en matière de drogues, sans oublier pour autant une réorientation des missions des forces de police afin de lutter plus efficacement contre le trafic qui restera illicite.

Pour donner tout son sens à cette politique, il conviendra de renforcer le rôle de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) en la plaçant sous lautorité du ministre de la Santé. La MILDECA pourrait ainsi être appelée à jouer le rôle du Service d’intervention en conduites addictives et dépendances (SICAD) au Portugal qui coordonne à l’échelle nationale et locale les politiques en matière de stupéfiants.

A/ Prévenir et réduire les risques liés à l’usage de cannabis, se préoccuper de l’avenir des “petites mains” de la drogue

Cette politique de prévention visàvis de la consommation, des consommateurs et consommatrices, doit sarticuler autour de deux axes principaux : lintervention préventive précoce et la réduction des risques. La politique de prévention vise notamment à retarder l’âge des premiers usages.

Dans le cadre scolaire et au sein du tissu associatif et médicosocial, devront être mis en place, de manière systématique et par voie réglementaire, des programmes où les jeunes sont impliqué·es dans la réflexion sur les usages, plutôt que d’être un public passif uniquement informé sur les dangers des drogues. Notre proposition est de systématiser un programme de renforcement de l’éducation préventive en ce domaine, inséré dans les programmes scolaires et reconnu par l’Éducation nationale, car, pour linstant, ces programmes ne sont pas déployés sur lensemble du territoire national.

Le financement de cette politique de prévention devra continuer à être intégré dans le Fonds national de lutte contre les addictions, assuré par les budgets de la MILDECA, du ministère de la santé, celui de l’éducation et celui de la Sécurité sociale par lobjectif national des dépenses dassurance maladie. Un contrôle des fonds devra être assuré par lagence régionale de santé. Le financement de cette politique de prévention sera abondé par une taxation du commerce légal du cannabis.

Un tel financement sappuyant sur des structures existantes permettra donc de renforcer le service public de prévention des usages, et de la « Santé des addictions » de Santé publique France. La politique de prévention concernant la demande a pour objectif de retarder l’âge des premiers usages. Laction transdisciplinaire permet aussi de prévenir des facteurs à risques importants (violences intra‑familiales, abus sexuels…), ce que ne réussit pas à faire la prohibition.

Lautorité de lencadrement de la production et de lexploitation du cannabis (AEPEC), créée par la présente proposition de loi, sera impliquée à différents niveaux dans les politiques de prévention et de réduction des risques. Dune part, lAEPEC sera chargée de fournir aux consommateurs et consommatrices une information adaptée sur la nature et la composition des produits ainsi que les risques liés à leur consommation. Elle sera investie dun pouvoir de contrôle de loffre pour vérifier le respect du cadre légal de vente. Dautre part, elle agira sur la modération de la demande par sa participation aux politiques de santé au travers des campagnes de prévention, de lutte contre les conduites addictives et de sensibilisation.

La politique de prévention doit également concerner les petites mains” du trafic. Comme rappelé précédemment, près de 240 000 personnes vivent des trafics de drogues. Par conséquent, il convient de prendre des mesures concrètes pour prévenir lentrée dans le trafic et le report des trafics sur dautres substances psychoactives. L’évolution de la législation sur le commerce et la consommation du cannabis devra donc saccompagner d’une politique de réinsertion volontariste à destination notamment des jeunes enrôlés dans le commerce illégal de drogues. Elle devra notamment sappuyer sur des dispositifs et des structures existantes dinsertion, en augmentant les moyens qui leur sont alloués.

Cela étant, la réinsertion des petites mains” du trafic ne peut être assurée qu’à la condition de réaliser le plein emploi et de mettre en œuvre une politique ambitieuse en faveur de la scolarisation de ces publics éloignés de lÉducation nationale.

B/ Justice et police : soulager les institutions, renforcer leurs moyens, réorienter leurs missions

La légalisation du commerce de cannabis et la dépénalisation de son usage auront pour effet direct de soulager les forces de police, de gendarmerie et de justice mobilisées sur cette mission. Au bout de deux ans, le commerce illégal du cannabis au Canada ne représente, en effet, plus « que » 40 % de la consommation, des progrès y étant rapidement attendus dans les années à venir, grâce à un meilleur ajustement des prix de vente et du taux de THC.

Ces mesures auront également un impact sensible sur la surpopulation carcérale dans les maisons darrêt, puisqu’environ 9 000 personnes sur 70 000 personnes incarcérées le sont aujourdhui pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Au centre pénitentiaire de Marseille, on compte 35 % à 40 % de personnes détenues pour des activités liées à lusage et/ou trafic de stupéfiants, dont une majorité pour consommation illicite, le plus souvent pour de courtes peines.

La présente proposition de loi devrait s’accompagner d’une amnistie pour toutes les personnes condamnées pour usage illicite de cannabis hors condamnation pour des atteintes aux biens et aux personnes, pour accompagner les deux mesures de légalisation et de dépénalisation de lusage et de la vente de cannabis. Leffacement du casier judiciaire, qui est un fardeau pour toute réinsertion dans le temps, pourrait être facilitée par le suivi dune formation labellisée par l’État par exemple, ou encore dune activité bénévole, ou dintérêt général.

Des moyens plus importants de police et de justice, et davantage spécialisés, pourront, grâce à la légalisation du cannabis, être redéployés sur le « marché noir » de tabac et de cannabis, des autres stupéfiants, des systèmes de blanchiments, et des importations illicites de drogues provenant dune économie criminelle.

Dautre part, cette loi devrait saccompagner rapidement dans les quartiers concernés aujourdhui par les trafics de drogues dune police de présence quotidienne ayant un rôle de prévention et dintervention de proximité, comparable à un système dilotage tel que pratiqué en Angleterre, et en France par le passé avec les Vigies.

De même les moyens consacrés à la police dinvestigation devraient être renforcés, par laugmentation des effectifs dofficiers de police judiciaire dont le nombre est souvent déficitaire, en particulier dans les départements subissant le plus le trafic de drogue. Il en sera de même pour les effectifs des services de la police judiciaire spécialisés sur le sujet. Ces brigades devront, par ailleurs, être placées sous la responsabilité dun magistrat.

III. Organiser la dépénalisation et la légalisation du cannabis, sous encadrement strict de l’État

Le cannabis sera dépénalisé et légalisé, sous contrôle et encadrement strict de l’État. La prohibition est en effet source de problèmes en matière de santé publique.

A/ Accompagnement des usager·es, encadrement des usages, du commerce et du produit

Le statut juridique actuel de la vente de cannabis empêche le contrôle de la qualité des produits : certains sont coupés avec dautres produits afin den renforcer les effets, augmentant ainsi le risque de surdoses et doverdoses, mais aussi de dommages importants sur le psychisme des usagers et usagères. Il y a donc un lien de causalité entre la prohibition et la dangerosité des produits consommés : le but des trafiquants étant de faire du profit issu dun commerce illégal, il ny a aucun contrôle des usages. La santé des usagers nentre pas en compte.

A contrario, la légalisation et la dépénalisation permettront la création de nouvelles filières professionnelles réglementées impliquées dans les politiques de santé publique en matière de prévention et de réduction des risques liés à l’usage de drogues. Ces mesures seront organisées comme suit.

– La vente et lusage du cannabis ne seront plus pénalisés jusqu’à un seuil de grammes et de taux de THC fixés par l’État.

– La légalisation sous contrôle de l’État organisera un encadrement et un contrôle des produits et des usages. Cela implique la création dun établissement public administratif, dénommé “Autorité de lencadrement de la production et dexploitation du cannabis” (AEPEC), auquel sera confié le monopole des agréments et des contrôles de la production et la distribution, ainsi que les licences accordées pour la vente au détail de cannabis et des produits du cannabis. Ce dernier aura autorité sur le contrôle de la qualité des produits vendus et de leur régulation.

– La vente au détail sera exercée par lintermédiaire de débitants autorisés par l’État comme ses préposés et tenus à droit de licence. Toute livraison à domicile se fera à partir de ces lieux de vente au détail et sous leur contrôle. Tout autre circuit de vente de cannabis par correspondance restera prohibé.

– La légalisation sous contrôle de l’État sorganisera dans le cadre dune coopération internationale avec dautres pays producteurs et exportateurs, de façon licite.

– Le développement de lensemble de la filière, de la production à la vente en passant par la transformation et distribution, favorisera, via les décrets dapplication de la loi et la politique publique que nous voulons en la matière, des formes dorganisation économique non capitalistiques : coopérative de production agricole, économie sociale et solidaire et forme associatives non marchandes type « Cannabis Social Club » en Belgique.

– A lopposé du modèle très libéral du commerce légal du cannabis aux États‑Unis, limplantation des lieux de débit et de consommation en France sera organisée et contrôlée par l’État. Du côté de la production, la politique publique privilégiera les régions agricoles aujourdhui les plus en difficulté et la culture sans produits phytosanitaires de synthèse.

 L’âge minimal des clients et clientes et des consommateurs et consommatrices des lieux de débit et de consommation sera fixé à 18 ans. Sur le modèle de la loi Evin, la publicité, la promotion et le mécénat seront interdits. Lusage restera prohibé dans les lieux publics, intérieur comme extérieur.

– Lusage de cannabis à proximité d’établissements scolaires ou privés, d’établissements de formation, de lieux professionnels, et dans les lieux publics restera prohibé.

 Le taux de tétrahydrocannabinol (THC) sera fixé par arrêté du ministre chargé de la santé et des solidarités, sachant que ce taux de THC ne doit pas être trop bas afin de ne pas maintenir lattractivité du marché noir.

– LAEPEC fournira lensemble des débits de vente et fixera les prix minimaux du cannabis et des produits du cannabis, qui seront actualisés chaque année.

– LAEPEC déterminera les règles de conditionnement (neutralité des emballages) et linformation devant apparaître dessus.

 Lautoculture dun nombre limité de plants par foyer ne sera plus pénalisée.

– Les dispositions pénales du code de la route ne seront pas abrogées.

Cette loi prévoit la seule dépénalisation et légalisation du cannabis qui représente plus de 80 % du trafic. Cela étant, lensemble des mesures complémentaires liées à la légalisation du cannabis prévue par cette proposition de loi devra faire lobjet dune loi ultérieure et des dispositions réglementaires indispensables à leur mise en œuvre.

B/ Une opinion prête à la légalisation, une proposition transpartisane

À propos du seul cannabis, notons que 253 194 personnes ont participé à la consultation citoyenne en ligne sur le cannabis récréatif, lancée le 13 janvier 2021 par la mission dinformation relative à la réglementation et à limpact des différents usages du cannabis menée à lAssemblée nationale, qui sest achevée fin février 2021. Daprès les résultats de cette consultation, 80,8 % des répondants et répondantes sont daccord avec une autorisation de la consommation et de la production de cannabis dans un cadre régi par la loi.

Par ailleurs, les conclusions de la mission dinformation précitée vont à rebours de la politique répressive menée par le Gouvernement. La mission a en effet conclu à la nécessité de légaliser le cannabis avec un contrôle de lÉtat. Mme la députée Caroline Janvier (LREM) a dailleurs déclaré : « On considère aujourdhui que la voie de la légalisation avec un contrôle de lÉtat est la meilleure façon de protéger les Français ». Des propos cohérents avec ceux de notre collègue Jean‑Baptiste Moreau (LREM) rapporteur général de la mission : « Le tout répressif est un échec total […]. On na pas arrêté de durcir la loi, de mettre davantage de forces de lordre sur le trafic de drogue et, au final, nous sommes devenus les plus gros consommateurs de cannabis en Europe. Donc expliquer encore aujourdhui quon va rester dans le statu quo et mobiliser davantage de forces de lordre, ce nest plus possible. »

Pour toutes ces raisons de santé publique, daffectation des effectifs de police et de justice à des missions plus utiles pour la collectivité comme la protection des personnes et des biens, d’acceptation sociale et de cohérence (relativement à la légalité de drogues plus dangereuses telles que lalcool, le tabac ou les médicaments), la proposition de loi prévoit :

– dencadrer la production, la distribution, la vente, lusage et le contrôle du cannabis dans un nouveau titre du code de la santé publique, créé à cet effet (article 1er) ;

– de couvrir les charges pour lÉtat de la légalisation du cannabis par la création dune taxe additionnelle (article 2).

 


proposition de loi

Article 1er

Le livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre III ainsi rédigé :

« TITRE III

« PRODUCTION, DISTRIBUTION, VENTE, USAGE ET CONTRÔLE DU CANNABIS

« CHAPITRE IER

« Dispositions liminaires

« Art. L. 34311.  Sont autorisés dans les conditions prévues au présent titre la production, la fabrication, le transport, limportation, lexportation, la détention, loffre, la cession, lacquisition ou lemploi et, dune manière générale, les opérations agricoles, artisanales, commerciales et industrielles relatifs au cannabis et aux produits du cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol nexcède pas un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.

« CHAPITRE II

« Dispositions générales

« Section 1

« Autorité de la production et dexploitation du cannabis

« Art. L. 34321.  Il est institué un établissement public administratif, dénommé Autorité de lencadrement de la production et dexploitation du cannabis, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, auquel est confié le monopole des agréments et de contrôles accordés pour la production et la distribution en France, et des licences accordées pour la vente au détail de cannabis et des produits du cannabis, ainsi que le contrôle de la qualité des produits vendus et de leur régulation dusage. Le droit de licence est régi par larticle 568 du code général des impôts.

« Sans préjudice des compétences reconnues aux ministres chargés de la santé, de la sécurité intérieure, de l’économie et des finances, lAutorité de lencadrement de la production et dexploitation du cannabis fixe les conditions dexploitation des débits de vente de cannabis et de produits du cannabis.

« Section 2

« Production du cannabis et des produits du cannabis

« Art. L. 34322.  La production agricole de plantes de cannabis sur le territoire national est soumise à autorisation. Lautorisation ne peut être délivrée qu’à un exploitant agricole prévu à larticle L. 311‑1 du code rural et de la pêche maritime.

« Section 3

« Vente et usage du cannabis et des produits du cannabis

« Art. L. 34323.  Le cannabis et les produits du cannabis ne peuvent être vendus au détail que dans des débits de vente de cannabis et dans des débits à consommer sur place conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel.

« Art. L. 34324.  Larticle L. 3335‑1 est applicable aux débits de vente de cannabis.

« Art. L. 34325.  La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du cannabis ou des produits du cannabis est interdite en dehors des débits de vente et des débits à consommation sur place, où les enseignes et affichettes sont autorisées. Ces enseignes et affichettes doivent être conformes à des caractéristiques fixées par arrêté interministériel.

« Art. L. 34326.  Lusage du cannabis ou des produits du cannabis est interdit dans les lieux affectés à un usage collectif et dans les transports publics.

Article 2

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création dune taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) OFDT, Drogues, chiffres clés”, 2019, 8ème édition.

([2]) OFDT, Résultats de lenquête Cannabis Online 2020”, décembre 2020 ; M. Jauffret-Roustide et a., Consommation dalcool et d'autres produits psychoactifs pendant la pandémie de covid-19 dans la Global Drug Survey : une perspective française”, Psychotropes : Revue international des toxicomaines, 2020.

([3]) Commission globale de politique en matière de drogues, Classification des substances psychoactives : lorsque la science nest pas écoutée”, rapport 2019.

([4]) F. Ploquin, Les Narcos brisent lomerta, Paris, Albin Michel, 2021.

([5]) Le Point, Les chiffres du trafic de stupéfiants en France”, 16/09/19.