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N° 4751

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2021.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à instaurer un droit de révocation des élus,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Alexis CORBIÈRE, Sabine RUBIN, Mathilde PANOT, JeanLuc MÉLENCHON, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Caroline FIAT, Adrien QUATENNENS, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Loïc PRUD’HOMME, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

député.es.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi constitutionnelle vise à instaurer le droit de recourir au référendum d’initiative citoyenne pour révoquer, le cas échéant, les représentant.es du peuple en cours de mandat. Ce droit nouveau donné à nos concitoyens s’appliquerait au président de la République, aux parlementaires, comme aux élu.es locaux. Il deviendrait ainsi l’expression de la souveraineté populaire en toutes circonstances afin que l’initiative citoyenne ne se réduise pas à un bulletin glissé dans l’urne à chaque échéance électorale. Ce droit nouveau s’appliquerait en attendant que le peuple souverain redéfinisse les règles du jeu politique en écrivant une nouvelle Constitution.

L’instauration d’un droit de révocation des élu.es part d’un constat simple : les institutions de la Ve République ont vécu. Le paradigme représentatif, et la faiblesse des procédés référendaires actuels, empêchent l’expression directe du peuple. La faiblesse et le paradoxe du régime de la Vème République repose en partie sur son article 3, disposant que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par la voie de ses représentants et par la voie du référendum […] aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice » mais dépossédant pour autant les citoyen.nes de leviers d’interventions autres que le simple vote pour désigner leurs représentant.es.

Dès lors, l’absence de responsabilité des élu.es vis‑à‑vis des électeur.rices apparait comme un facteur de la montée en masse de l’abstention, laquelle a atteint des niveaux extrêmement préoccupants lors des dernières échéances électorales – près de 70 % aux élections départementales et régionales de juin 2020.

Symptôme d’une colère froide, cette abstention traduit non seulement une défiance des électeur.rices à l’égard des représentants mais aussi une forme de résignation face au régime représentatif et sur fond d’engagements politiques non tenus ou dévoyés par certains élu.es.

Face à ce constat, instaurer un droit à la révocation constituerait une première avancée pour donner corps à l’idée de responsabilité des élu.es devant les électeur.rices. La présente proposition de loi introduit ainsi un nouvel article 77‑1 dans la Constitution pour instituer le droit de révocation populaire par la méthode du référendum d’initiative citoyenne.

Loin d’être un dispositif inconnu du droit constitutionnel, la révocation populaire est d’ores et déjà pratiquée à l’étranger, notamment sur le continent américain. Aux États‑Unis d’Amérique, vingt‑huit États membres prévoient cette possibilité dite procédure de recall, dont seize par voie constitutionnelle et douze par voie législative. En Amérique latine, la Bolivie comme l’Équateur ont gravé dans leurs constitutions ce mécanisme pour toutes les fonctions électives, allant du simple élu local jusqu’au président de la République. Les exemples étrangers, dont les formes de révocation varient d’un État à l’autre, attestent de la faisabilité d’une mesure jusqu’à présent ignorée par le droit constitutionnel français.

Afin que ce dispositif puisse instaurer un véritable pouvoir populaire, il doit s’accompagner d’une série de mesures connexes pour un changement institutionnel ambitieux. C’est pourquoi, depuis 2017, la France insoumise propose de nombreuses mesures pour restaurer la souveraineté du peuple, allant du référendum d’initiative citoyenne par lequel les citoyen.nes peuvent abroger ou proposer une loi, de la prise en compte du vote blanc alliée à l’instauration du vote obligatoire, du droit de vote à seize ans, jusqu’à la convocation d’une Assemblée constituante pour écrire une nouvelle Constitution.

En conséquence, le présent texte propose des mécanismes permettant d’articuler l’expression de la souveraineté du peuple, l’initiative populaire, la nécessaire stabilité des institutions pour que l’exercice d’un mandat soit viable, le contrôle populaire des mandaté.es, et la légitimité des élu.es à exercer leur mandat.

L’article unique énonce en effet que tous les échelons électifs, maires, conseiller.es municipaux, président.es ou conseiller.es départementaux ou régionaux, conseiller.es territoriaux, mais aussi parlementaires et président.e de la République puissent être soumis à un référendum révocatoire, à partir du tiers de leur mandat et avant la dernière année de celui‑ci, si une pétition référendaire réunit un pourcentage suffisant du corps électoral d’origine.

Si les signatures des citoyen.es sont réunies, l’élu.e concerné.e par la procédure de révocation pourra dès lors défendre son bilan au regard de ses engagements et de son programme. Afin d’éviter le détournement de la procédure, la révocation n’a lieu qu’après un vote majoritaire.

Ce droit de révocation impose en particulier au président de la République une responsabilité permanente vis‑à‑vis du peuple, et confère à celui‑ci un pouvoir de contrôle régulé et institutionnel du « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Ainsi, tout.e électeur.trice pourra voter en toute quiétude.

Par ailleurs, l’encadrement juridique de la procédure de révocation ‒ par le déclenchement du référendum après le tiers du mandat et avant la dernière de celui‑ci ‒ évite le risque d’une instabilité des fonctions électives et d’une manière plus générale, du système institutionnel. La condition d’obtention de la majorité absolue des suffrages exprimés répond au même objectif.

Si le président de la République était révoqué, dans les conditions prévues par l’article 7 de la Constitution, le Conseil constitutionnel déclarerait son empêchement définitif, et le scrutin pour l’élection du nouveau Président aurait lieu dans les 20 jours au moins et 35 jours au plus. Ce dispositif permet pleinement d’allier l’exigence démocratique avec la nécessité d’assurer la continuité et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

Le droit de révocation doit également s’appliquer aux représentant.es nationaux du peuple : député.es et sénateurs.trices, ainsi qu’à tous les échelons électifs locaux (un exécutif d’une collectivité territoriale [maire, président.e du conseil départemental ou régional] peut par là même être révoqué.e en tant qu’élu.e).

Par conséquent, le droit du peuple à révoquer les représentant.es qu’il a élu.es est reconnu (alinéa 4).

À cette fin, un référendum national peut être organisé à l’initiative d’un pourcentage d’électeur.rices pour révoquer le mandat du président de la République, à l’issue du premier tiers de son mandat et avant la dernière année de celui‑ci. Cette révocation est d’effet immédiate et constitue l’un des cas d’empêchement prévus à l’article 7 de la Constitution (alinéas 3 et 6).

Une procédure similaire est prévue pour les parlementaires et les élu.es locaux.ales, sous les mêmes conditions de seuil (alinéa 5).

Les conditions d’application de ces dispositions sont renvoyées à une loi organique (alinéa 8).

En donnant aux citoyen.nes le pouvoir de censurer ou un plusieurs élu.es, la révocation populaire s’inscrira au registre des instruments démocratiques pour restaurer les liens entre les électeurs et leurs représentants. La vie démocratique du pays s’en trouvera renouvelée, et l’expression de la souveraineté populaire renforcée.


proposition de loi CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après le titre XIII, il est inséré un titre XIII bis ainsi rédigé :

Titre XIII bis

RÉvocation des Élus

« Art. 771. – Le peuple a le droit de révoquer les représentants qu’il a élus.

« Le mandat de la présidente ou du président de la République est révocable par un référendum national, à l’issue du premier tiers de son mandat et avant la dernière année de celui‑ci, qui se tient sur la demande de toute initiative soutenue par un pourcentage défini des électeurs inscrits sur les listes électorales. Le cas échéant, la révocation est d’effet immédiat, et constitue un des cas d’empêchement définitif prévu à l’article 7.

« Le mandat des parlementaires est révocable par référendum local, à l’issue du premier tiers de leur mandat et avant la dernière année de celui‑ci, convoqué sur la demande de toute initiative soutenue par un pourcentage défini des électeurs inscrits sur les listes électorales de la circonscription ou du département concerné.

« Le mandat des élus locaux est révocable par référendum local, à l’issue du premier tiers de leur mandat et avant la dernière année de celui‑ci, convoqué sur la demande de toute initiative soutenue par un pourcentage défini des électeurs inscrits sur les listes électorales de la collectivité territoriale concernée.

« Les conditions d’application des précédents alinéas sont fixées par une loi organique. »