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N° 4781

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Michèle VICTORY, Sylvie TOLMONT, Valérie RABAULT, Olivier FAURE, Joël AVIRAGNET, Marie Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, Jean Louis BRICOUT, Alain DAVID, Laurence DUMONT, Lamia EL AARAJE, Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Chantal JOURDAN, Régis JUANICO, Marietta KARAMANLI, Jérôme LAMBERT, Gérard LESEUL, Josette MANIN, Philippe NAILLET, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR CHRISTOPHE, Boris VALLAUD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2020, le ministère de l’Éducation nationale recensait plus de 91 000 accompagnant.es d’élèves en situation de handicap (AESH) et près de 63 000 assistant.es d’éducation (AED).

Alors que la situation des élèves en situation de handicap et de leur famille est un enjeu majeur de transformation en profondeur de notre société, les AESH permettent à tous les enfants, sans distinction, de poursuivre un cursus scolaire le mieux adapté à leurs difficultés. Ces personnes, en très grande majorité des femmes, qui accompagnent quotidiennement les 400 000 élèves en situation de handicap sont ainsi les chevilles ouvrières d’une école plus inclusive.

Les assistant.es d’éducation sont eux, dans leurs missions d’animation, d’encadrement et de surveillance des maillons importants de l’action éducative. Par leur présence régulière auprès des élèves, ils contribuent à la qualité du climat scolaire, viennent en soutien aux enfants dans leurs difficultés d’apprentissage, participent au développement du « vivre ensemble » et permettent de détecter des situations préoccupantes comme celles liées, entre autres, au harcèlement scolaire.

Tous ces personnels accompagnent chaque jour les enfants de notre pays et jouent un rôle éducatif fort : acteurs indispensables de la vie scolaire, ils concourent à l’éducation de nos enfants et adolescents avec lesquels ils créent une véritable relation de confiance et de proximité.

Pourtant, ces femmes et ces hommes n’ont pas, de l’institution dont ils dépendent, la reconnaissance qu’ils méritent. En effet, ils ont en commun un statut à la fois fragile et précaire. Ils sont recrutés en contrats à durée déterminée et sur des temps partiels qui ne sont pas toujours choisis, sans perspective d’évolution de carrière et avec des salaires largement insuffisants.

Concernant les AESH, leur passage en CDI a été permis lors du précédent quinquennat. Au terme des six années en contrat de droit public assurant les fonctions d’aide à l’inclusion scolaire, les accompagnant.es doivent se voir proposer un CDI à quotité au moins égale au précédent contrat.

Cette première étape indispensable a été franchie, mais aujourd’hui nous devons aller plus loin pour que ces accompagnant.es trouvent leur place et ne s’épuisent pas en cours de route. Les AESH doivent être recrutés dans le cadre de CDI afin de n’être plus obligés d’effectuer deux CDD de trois ans pour pouvoir espérer obtenir un hypothétique CDI. Surtout, il est inacceptable qu’aujourd’hui les AESH vivent avec un revenu moyen de 760 euros par mois.

C’est ce que notre groupe avait proposé dès 2018 avec la proposition de loi de notre collègue député socialiste Christophe Bouillon « pour une école vraiment inclusive », texte qui avait été voté après avoir été totalement vidé de son contenu et de son sens par la majorité. Par ailleurs, afin de mieux reconnaître la profession, chaque année lors de l’examen du budget, notre groupe demande la revalorisation des AESH.

Nous notons le recrutement de 4 000 nouveaux AESH et l’augmentation des salaires de 600 euros bruts par an proposée par le Gouvernement au budget 2022. Toutefois, la réalité du terrain et les très nombreux témoignages que nous recevons démontrent que cet effort n’est pas la hauteur des besoins. Nous devons être plus ambitieux et aller plus loin.

En effet, le nombre d’élèves en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire ne cesse de croître : il est passé d’environ 100 000 en 2006 à plus de 320 000 en 2017, et dépasse, en 2021, les 400 000. Cette forte augmentation positive – qui mériterait une analyse plus fine au regard de la diversité des situations qu’elle recouvre – démontre un besoin accru en personnel AESH. Les 4 000 postes supplémentaires ne suffiront pas à répondre à l’urgence de la situation. Surtout, l’accueil digne et personnalisé que nous devons à ces élèves passe par une véritable reconnaissance de leurs accompagnant.es. Aujourd’hui, les conditions de travail précaires de la profession accentuent les difficultés de recrutement dans certains départements et pénalisent certains élèves porteurs de handicap qui ne peuvent, faute d’un accompagnement adapté, être scolarisés.

De leur côté, les AED étaient, à l’origine, majoritairement recrutés parmi les étudiants engagés dans un cycle d’études supérieures. Toutefois, ces dernières années, beaucoup d’entre eux ont démontré la volonté de se professionnaliser, de s’investir et de sécuriser leur parcours sur le long terme, ce que ne permet pas l’enchaînement de contrats courts et l’absence de revalorisation salariale.

Conséquence de cette évolution : l’âge moyen des AED est aujourd’hui de 30 ans, seulement un quart d’entre eux sont des étudiants, nombreux sont ceux ayant une charge de famille. Et pourtant, leur statut n’ayant pas évolué depuis 2003, ils ne peuvent toujours être recrutés qu’en CDD, renouvelable, sans aucune possibilité d’être « cdisés » lorsqu’ils arrivent en fin de contrat.

Afin d’offrir à ces personnels les garanties nécessaires à l’exercice d’un emploi protecteur, la « cdisation » des assistant.es d’éducation doit être envisagée tout en laissant la faculté aux étudiant.e.s de rester en contrat à durée déterminée dans le cadre de leurs études. Il s’agit donc, d’une part, de permettre aux assistant.es d’éducation d’être directement recrutés en contrat à durée indéterminée. D’autre part, pour celles et ceux qui seraient recrutés en contrat à durée déterminée, il convient de leur permettre d’accéder par la suite à un CDI au bout de six années d’exercice en qualité d’assistant.e d’éducation.

Enfin, la rémunération des AESH et des AED comporte une inégalité majeure puisqu’ils ne bénéficient pas de la prime accordée aux enseignant.es des établissements REP et REP+. Cette injustice, ne trouvant aucun écho auprès du gouvernement qui propose, en lieu et place d’une prime dûe, la possibilité d’heures supplémentaires, doit être réparée. Les conditions de travail spécifiques à ces établissements doivent ainsi être prises en compte dans la rémunération pour l’ensemble des personnels au contact des élèves.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons d’accorder aux personnels AESH et AED la reconnaissance qu’ils méritent.

L’article 1er modifie les conditions de recrutement des accompagnant.es des élèves en situation de handicap en prévoyant que leur recrutement se fait par contrat à durée indéterminée.

D’autre part, afin d’aligner le nombre d’heures travaillées sur un plein temps légal, l’article prévoit un coefficient de pondération de 1,2 alloué aux AESH. Ce dispositif permettra de mieux prendre en compte l’ensemble des tâches des AESH (préparation, réunions).

Enfin, il accorde une indemnité aux AESH exerçant en REP et REP+.

L’article 2 modifie les conditions de recrutement des assistant.es d’éducation en prévoyant la possibilité d’un recrutement par contrat à durée indéterminée. Pour celles et ceux qui seraient recrutés en contrat à durée déterminée, l’article leur permet d’accéder par la suite à un contrat à durée indéterminée au bout de six années d’exercice en qualité d’assistant.e d’éducation.

Afin de mettre fin à la sous‑dotation chronique des services de vie scolaire, l’article prévoit également que soit précisé par décret un taux d’encadrement minimal par les AED.

Enfin, il accorde une indemnité aux AED exerçant en REP et REP+.

L’article 3 gage la présente proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 917‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également être » sont remplacés par le mot : « sont également » ;

3° Rédiger ainsi le sixième alinéa :

« Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont recrutés par contrat à durée indéterminée. Les missions des accompagnants d’élèves en situation de handicap s’exercent dans le cadre de la durée annuelle de travail fixée en référence à la durée légale, soit 1 607 heures pour un temps complet. Pour tenir compte des spécificités en matière de préparation et de recherches personnelles nécessaires à la réalisation des heures d’accompagnement, chaque heure d’accompagnement réalisée est affectée d’un coefficient de pondération de 1,2 pour le calcul du temps de travail effectif. »

4° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Une indemnité de sujétions est allouée aux accompagnants d’élèves en situation de handicap exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire » et « Réseau d’éducation prioritaire renforcé. »

Article 2

L’article L. 916‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

2° Après le même premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les assistants d’éducation sont recrutés par des contrats d’une durée déterminée ou indéterminée. Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle‑ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d’une durée maximale de six ans.

« Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un assistant d’éducation qui justifie d’une durée de services publics de six ans en qualité d’assistant d’éducation est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée.

« La durée de six ans mentionnée au sixième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l’ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article. Pour l’appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet.

« Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n’excède pas quatre mois. » ;

3° Le cinquième alinéa est supprimé ;

4° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il définit un taux d’encadrement minimal des élèves par les assistants d’éducation proportionnellement au nombre d’élèves accueillis dans les établissements scolaires. » ;

5° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Une indemnité de sujétions est allouée aux assistants d’éducation exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes “Réseau d’éducation prioritaire” et “ Réseau d’éducation prioritaire renforcé” ».

Article 3

I. – La charge pour l’État est compensée par la majoration à due concurrence du taux mentionné au 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement, pour l’État, par la majoration du taux mentionné au 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.