Description : LOGO

N° 4887

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à allonger la conservation des empreintes génétiques
dans le cadre d’affaires criminelles ,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, JeanLuc WARSMANN, Grégory LABILLE, Christophe NAEGELEN, Pascal BRINDEAU, Thierry BENOIT, Sophie MÉTADIER, Guy BRICOUT, Michel ZUMKELLER, Olivier DAMAISIN, Laurence TRASTOURISNART, Emmanuelle MÉNARD, Olivier FALORNI, Brigitte KUSTER, Alain TOURRET, Philippe BENASSAYA, Damien ADAM, Jean LASSALLE, Gérard CHERPION, Nicolas DUPONTAIGNAN, Robert THERRY, Annie CHAPELIER, Patricia LEMOINE, Nicole DUBRÉCHIRAT, Grégory BESSONMOREAU, Yves DANIEL, Bernard PERRUT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En l’état actuel du droit français, pour les crimes les plus graves, les empreintes sont conservées pendant vingt‑cinq ans dans le fichier automatisé des empreintes digitales dit Faed et quarante ans dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques dit Fnaeg. Or ce délai ne permet pas toujours de résoudre l’ensemble des enquêtes dites « cold case ».

Le premier porte sur les empreintes digitales, le second sur les empreintes ADN.

Le Faed a été créé par le décret n° 87‑249 du 8 avril 1987 et est actuellement réglementé par le décret n° 2015‑1580 du 2 décembre 2015. Ce fichier est placé sous la responsabilité de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) du ministère de l’Intérieur, sous le contrôle de l’autorité judiciaire. 

Le second, le Fnaeg, est codifié au livre IV, titre XX, article 706‑54 du Code de procédure pénale. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques est placé sous le contrôle d’un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables de l’une des infractions suivantes :

1° Les infractions de nature sexuelle ; 

2° Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs ; 

3° Les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens ;

4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie, l’association de malfaiteurs et les crimes et délits de guerre ; 

5° Les délits relatifs aux trafics d’armes et de drogues ; 

6° Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5°.

En vue de faciliter l’identification et la recherche des auteurs de ces infractions, sont conservées dans les mêmes conditions les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour l’une de ces infractions et ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale en application des articles relatifs aux troubles mentaux.

Les empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une de ces infractions sont également conservées dans ce fichier sur décision d’un officier de police judiciaire agissant soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction ; il est fait mention de cette décision au dossier de la procédure.

Les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’une de ces infractions avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée.

De plus, le fichier Fnaeg contient également les empreintes génétiques recueillies à l’occasion :

1° Des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d’une disparition ;

2° Des recherches aux fins d’identification de personnes décédées dont l’identité n’a pu être établie, à l’exception des militaires.

Toutefois, les empreintes génétiques recueillies dans ce cadre font l’objet d’un enregistrement distinct de celui des autres empreintes génétiques conservées dans le fichier. Elles sont effacées sur instruction du procureur de la République, agissant soit d’office, soit à la demande des intéressés, lorsqu’il est mis fin aux recherches d’identification qui ont justifié leur recueil. Les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l’identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé, exprès et écrit des intéressés.

Par ailleurs, le type d’empreinte est encadré et ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe.

En France, il y a une trentaine de crimes mystérieux par an. Nous parlons ici des homicides, assassinats, enlèvements, séquestrations ou disparitions. 70 % d’entre eux sont résolus dans l’année et il reste en général deux affaires par an non résolus. Au total, il y a une soixantaine de dossiers cold case aujourd’hui et le plus vieux date de 1984. Dans deux ans, les empreintes de l’époque devront être supprimées.

Or, un individu qui commet des crimes alors qu’il est mineur ou jeune majeur peut récidiver quarante and plus tard. L’origine du fichier visait particulièrement les crimes sexuels, difficiles à élucider et où la récidive est fréquente.

Le Fnaeg est un outil précieux pour les longues affaires, mais aussi la recherche d’identification d’une personne décédée. Il apparait dommage de s’en priver aujourd’hui en retirant des traces inconnues ou les empreintes de personnes passées à l’acte très jeunes et qui risquent de récidiver.

D’autant que l’accès à ce fichier est très restreint, à quelques personnes, dans un cadre strictement juridique.

Les services d’enquêtes par exemple ne peuvent demander que des comparatifs d’empreinte et n’y ont pas pleinement accès.

La présence d’empreintes dans ce fichier ne conduit pas non plus à un préjudice moral à la personne en matière de réinsertion ou de recherche d’emploi puisque tout le monde ignore qui sont les personnes dans ce fichier. Seule la découverte d’une ADN similaire sur une scène de crime qui serait mise en comparaison permettrait de faire un rapprochement éventuel.

L’enjeu pour les victimes est lui très fort, puisqu’il peut permettre d’élucider de vieux crimes ou de reconnaitre des corps.

Dès lors, il apparaitrait utile d’aligner le délai de conservation de ces empreintes sur le délai de prescription relatif au crime commis et d’y ajouter, à l’issue de ce dernier, le délai de quarante ans de conservation pour couvrir les éventuelles récidives ou allongement de la prescription dans le cas d’abus sexuels.


proposition de loi

Article unique

Le dernier alinéa de l’article 706‑54 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La durée de conservation des informations enregistrées est établie sur le délai de prescription dépendant de la suspicion d’infraction commise ayant conduit à leur enregistrement dans le fichier selon les règles applicables à la prescription prévues aux articles 7 à 9‑3 et 706‑47 du présent code et à l’article 213‑5 du code pénal. À l’issue de ce délai, les informations enregistrées sont conservées quarante années supplémentaires avant leur suppression automatique.

« Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités d’application du présent article. »